PAPA EST AUSSI LÀ
Version
française – PAPA
EST AUSSI LÀ – Marco
Valdo M.I. – 2020
d’après
la version italienne – C'E
PURE IL BABBO – de
Riccardo Venturi d’une
Chanson
allemande – Vater
ist auch dabei – Klabund
[Alfred Henschke] – 1919
Texte
d’Alfred Henschke (1890-1928), plus connu sous le pseudonyme de
Klabund, écrivain allemand.
Dans
la collection "Die Harfenjule", publiée en 1927, peu avant
sa mort prématurée.
Musique
de Béla Reinitz (1878-1943), compositeur hongrois.
Interprété
par Ernst Busch dans le disque Aurora-Schallplatten intitulé "Erich
Mühsam / Klabund Zeit-, Leid-, Streitgedichte" de 1966, réédité
en 1972.
Quand
part un train de faim et de souffrance
Pour
l’éternité – dans l’éternité,
Papa
est aussi là.
Les
inaptes au travail – David Olère – circa : 1950
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Dialogue
Maïeutique
Je me
demande, Lucien l’âne, si tu te souviens que nous avons déjà
croisé Klabund dans ce labyrinthe en expansion infinie, qui
ressemble à un univers de big bang en expansion. Je ne serais donc
pas étonné que toi aussi, tu en aies perdu la mémoire. Enfin, moi,
je me souviens de Klabund, mais je serais infoutu de te dire quelles
étaient les chansons que j’en ai traduites, ni quand.
Oh,
Marco Valdo M.I. mon ami, les humains perdent beaucoup de leur
mémoire avec l’âge, mais
on ne peut ignorer combien la mémoire de l’âne peut parfois
garder précieusement la trace de certaines choses. Par exemple, que
dis-tu si je te cite le titre des trois versions françaises que tu
as faites de chansons de Klabund, il y a environ cinq ans.
C’étaient : la BALLADE DES OUBLIS (Ballade
des Vergessens),
LE SOLDAT FATIGUÉ (Der
müde Soldat)
et POGROM (Pogrom).
Alors,
tu sais combien Klabund est un auteur, un poète intéressant et
assez synthétique. Par parenthèse, j’ai l’impression que de nos
jours que – comme disait ma grand-mère – « On n’en fait
plus des comme ça ». Cela dit, j’espère me tromper, tant il
est vrai que les poètes ont souvent la « renommée »
posthume. De son vivant, un poète, comme nombre d’écrivains, est
souvent carrément ignoré et d’une certaine manière, pour lui, il
vaut mieux ainsi. Pour l’anecdote, je rappelle qu’Alexandre
Vialatte se présentait lui-même comme « le plus célèbre des
écrivains inconnus ».
Oh,
dit Lucien l’âne, Rimbaud aurait pu en dire autant. J’ai entendu
dire que durant sa vie, il aurait vendu une vingtaine d’exemplaires
de ses plus célèbres poèmes. Jarry vivait de misère avec son
vélo, poursuivi jusqu’au bout par son marchand de bicyclettes,
qu’il ne pouvait payer. Balzac lui-même se tuait au travail pour
couvrir ses dettes. Sans rien dire de tous les poètes que j’ai
croisés au bord des chemins, ni de l’aède aveugle qui de village
en village allait traînant son odyssée. Mais venons-en à la
chanson. Qu’en est-il ?
D’abord,
répond Marco Valdo M.I., elle s’intitule « PAPA AUSSI EST
LÀ », c’est son leitmotiv, sa récurrence, son antienne, le
dernier vers de chacune des trois strophes. C’est une sorte de
petite pièce de théâtre en trois actes (les « strophes »)
ou vu du côté de la peinture, un triptyque. Au milieu de chaque
strophe, on trouve un élément fixe : l’enfant et la mère,
qui assistent aux trois épisodes dont le père est l’acteur :
le départ à la guerre, le retour de la guerre et la révolution
avortée. C’est l’histoire immédiate de l’Allemagne des années
1914-19. Une dernière précision : le papa était un Maikäfer.
Mais sais-tu ce que c’est ?
À
proprement parler, dit Lucien l’âne, pour ce que j’en sais, il
me fait penser d’abord un cafard de mai – même si ce n’est pas
vraiment un cafard, à un hanneton – ce qu’il est ; c’est
ensuite, un militaire, un soldat qu’on appellerait en français, un
« voltigeur », c’est-à-dire un fantassin léger
opérant de façon isolée, voltigeant en ordre dispersé et
désordonné comme un hanneton en avant du gros du gros de la troupe.
Parfait,
Lucien l’âne mon ami, il ne me reste plus qu’à te dire que
Maikäfer flieg ! Est une des plus célèbres berceuses
allemandes, qui sans doute remonte à la nuit des temps et qui avait
déjà son usance militaire du temps de Till lors de la Guerre de
Trente Ans. Il en existe des dizaines de versions, dont celle de
Klabund.
Et
maintenant, la tienne, dit Lucien l’âne. J’espère toutefois que
ta version rend grâce à la poésie de Klabund. Quoi qu’il en
soit, tissons le linceul de ce vieux monde cafardeux, mortifère,
lamentable et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Quand
ils sont partis à la guerre -
Papa
était un Maikäfer – Maikäfer vole -
À
la fenêtre, ils se tenaient là ces deux-là
Meurtris,
affamés, l’enfant et la mère,
Les
larmes rendaient leurs yeux aveugles :
Papa
est aussi là.
La
guerre finie, il rentra chez nous.
Il
ôta son uniforme plein de trous.
À
la fenêtre, ils se tenaient là ces deux-là
« Ne
va pas dans la rue ! » « Je dois, je dois !
Vive
Spartacus ! Rendre coup pour coup ! »
Papa
est aussi là !
Le
rêve de la révolution avorté,
Au
matin, on va à la corvée en cadence
À
la fenêtre, ils sont là ces deux-là
Quand
part un train de faim et de souffrance
Pour
l’éternité – dans l’éternité,
Papa
est aussi là.
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