mardi 21 janvier 2020

SEIZE-OCTOBRE-MIL-NEUF-CENT-QUARANTE-TROIS

SEIZE-OCTOBRE-MIL-NEUF-CENT-QUARANTE-TROIS



Version française – SEIZE-OCTOBRE-MIL-NEUF-CENT-QUARANTE-TROIS – Marco Valdo M.I. – 2020
Chanson italienne (romanesque)16 ottobre 1943Gianni Nebbiosi2019

Texte : Fabio Della SetaRoma in valigia. Mille e anche più sonetti in Urbe et in Orbe, Antonio Stango Editore, 2001
Musique : Gianni Nebbiosi.
Interprétation : Sara Modigliani – Calendario Civile






Massacre à Rome
Antoine Caron – 1566







Dialogue Maïeutique



Le « seize-octobre-mil-neuf-cent-quarante-trois », voilà, Marco Valdo M.I. mon ami, une bien curieuse notation.

Le « seize-octobre-mil-neuf-cent-quarante-trois », répond Marco Valdo M.I., est ainsi noté, car c’est une date, un moment historique, une date, un moment, un jour pathétique, un jour, un moment, une date tragique dans l’histoire de Rome. La date, le moment, le jour d’une tragédie qui aurait pu ne pas avoir lieu si…

Je me demande d’abord, dit Lucien l’âne, s’il ne serait pas bien que tu me dises exactement de quoi il retourne. Qu’a-t-il pu se passer à cette date-là, ce jour-là, à ce moment-là à Rome ? Évidemment, je vois qu’on est en pleine guerre et que Rome est sous la coupe des Allemands et vit, en effet, des moments inquiétants depuis près de vingt ans déjà. Mais ces jours-là, ces moments-là, cette date-là du « seize-octobre-mil-neuf-cent-quarante-trois », que s’est-il passé de si terrible ?

Comme tu le supposes, Lucien l’âne mon ami, outre le fait que c’est la guerre, que Rome est sous l’emprise fasciste depuis vingt ans et que les Allemands ont fait main basse sur la ville, ce jour-là, à cette date-là – qu’on retiendra tant qu’il y aura un humain romain pour se souvenir de l’histoire, c’est le jour de la rafle de Rome : une rafle semblable à celle qui souilla Paris d’une honte indélébile l’année précédente, une rafle de juifs italiens, effectuée à Rome, par des soldats allemands ; elle se déroula sous les yeux incrédules et impuissants de la population qui n’y pouvait rien grand-chose, mais qui opposa – ce qui sauve l’honneur des gens de Rome – une résistance passive en aidant les persécutés à fuir ou en cachant ceux qu’elle pouvait. Cependant, plus de 1250 personnes furent emmenées vers Auschwitz, selon les vœux exprès de l’illuminé qui rêvait d’un Reich de Mille Ans, épuré de toute présence juive.

Oui, dit Lucien l’âne, il était véritablement dément ce moustachu monomaniaque. Mais j’ai comme l’idée que certains Italiens avaient des délires racistes assez en concordance avec cette doxa nazie.

Oui, en effet, répond Marco Valdo M.I., les Italiens fascistes, membres ou non du Parti, étaient eux aussi très enthousiastes de la nation et de la race (laquelle ?) italiennes ; c’étaient des rêveurs et des bâtisseurs d’Empire. D’ailleurs, les lois raciales de 1938 ont mis en place cette dérive catastrophique, ce racisme administratif et légal, qui isola et marqua la population dite « juive » au fer jaune, comme si on avait voulu préparer son élimination. Tout cela malgré que la présence d’une population juive à Rome est attestée depuis au moins deux millénaires, c’est-à-dire plus longtemps que la plupart des actuels Romains et évidemment, que les fascistes.

Par ailleurs, dit Lucien l’âne, je me souviens que dans la Rome ancienne et dans tout son Empire, il y avait une solide tradition de massacres. Mais avant que je ne conclue, dis-moi ce que raconte cette chanson ?

Oh, Lucien l’âne mon ami, c’est une carte postale venue du fond de la terreur, un court-métrage intimiste, un plan de cinéma réaliste ; on y voit un couple de vieillards, un peu comme dans Le Maître et Martha. Ces deux vieilles gens sont pris dans la rafle et sous la menace d’une mitraillette sont emmenés. On y voit le vieil homme blessé narguer encore son persécuteur. Mais il vaut mieux lire la chanson.

Alors, dit Lucien l’âne, lisons et tissons le linceul de ce vieux monde persécuteur, assassin, veule, fascistoïde et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane






Je me rappellerai toujours ces deux petits vieux
Poussés dans le dos, par une mitraillette
Posée sur les reins, serrés tête contre tête,
Avec derrière eux, un Allemand furieux.


Du bras, ils se protégeaient la face ;
Elle marchait au côté de son mari blessé ;
Trop rouge encore pour avoir séché,
Le sang coulait le long de son visage


Avec orgueil, droit devant, il regardait
Comme pour refuser toute satisfaction
À la bête immonde. Au milieu de l’affliction


Du peuple romain spectateur,
Il passait et tous le voyaient :
C’était lui, à ce moment, le vainqueur.

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