jeudi 9 janvier 2020

Le Jardin des Vanilliers


Le Jardin des Vanilliers

Chanson française – Le Jardin des Vanilliers – Marco Valdo M.I. – 2020

ARLEQUIN AMOUREUX – 35

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.


La Rivière Juchitán
Diego Rivera (1955)


Dialogue Maïeutique

Et, dit Marco Valdo M.I., tel un conteur reprenant son récit à l’endroit où il l’avait abandonné précédemment, l’aventureuse déambulation de Matthias le déserteur se poursuit sans lui laisser beaucoup de répit, ni pour lui, ni pour sa petite troupe en bois. Ce n’est pas qu’il n’essaye pas de trouver des parades, de se dissoudre dans le paysage, de disparaître aux yeux du monde, mais le sort de l’Arlequin amoureux est une destinée de déserteur malchanceux. Il avait pourtant – c’est précisément ce que raconte la chanson – cru trouver une solution définitive en se faisant passer pour mort, en faisant enregistrer son décès aux registres d’état-civil et en récupérant au passage l’identité du mort qu’on enterrait, un certain Ondrěj Serenus.

Oh, interrompt Lucien l’âne, voilà un joli patronyme et tout à fait approprié à son but, car en français, on dirait André Serein.

En effet, reprend Marco Valdo M.I. et au passage, Mathieu avait hérité du passeport en bonne et due forme et du statut très rassurant de vétéran, d’ancien soldat démobilisé. Malheureusement, sa supercherie est rapidement éventée et son identité de remplacement ne lui assure plus la même sécurité. Il en est revenu à sa vie de proscrit dormant ici et là et toujours forcé de déguerpir et de se déplacer.

Décidément, dit Lucien l’âne, la vie de déserteur ne vaut pas mieux que celle d’un âne indépendant : on est libre de ses mouvements, mais à condition de ne jamais s’arrêter longtemps. À la longue, c’est épuisant. Cependant, ce qui m’intrigue une fois encore, c’est le titre de la chanson. Je n’ai jamais vu, ni entendu dire qu’il y eût des vanilliers en Bohême.

Certes, Lucien l’âne mon ami, tu as raison de poser la question et bien sûr, il n’y a pas de jardin de vanilliers dans les vallées, ni les montagnes de Bohême ; il y fait bien trop froid ou pas assez chaud, c’est comme on voudra. C’est justement pour ça qu’ils en rêvent. Je veux parler des membres de la petite troupe d’Arlequin- Matthias-Andrea, etc., lesquels sont fatigués, exténués et même, assez désespérés de ces pluies incessantes qui les glacent jusqu’aux os, même en bois. C’est d’ailleurs pareil pour le directeur-déserteur qui les mène. Ce jardin des vanilliers, c’est un rêve, celui d’un pays lointain ensoleillé et chaud. Au fait, tu connais la chanson de Erich Kästner, parodiant Goethe : qui s’intitule : « Kennst du das Land wo die Kanonen blühen ? » et donc, tu apprécieras ma question – en espérant que je n’ai pas fait d’erreur en allemand : « Kennst du das Land wo die Vanillebaüme blühen ? » (Connais-tu le pays où fleurissent les vanilliers ? »). Sais-tu le pays d’où provient le vanillier, maintenant exporté ailleurs dans le monde ? J’imagine que comme moi, tu ne le sais pas trop.

Oh, Marco Valdo M.I. mon ami, je ne le sais même pas du tout. Serait-ce d’Inde, de Polynésie ou d’Afrique ?

Eh bien, non, tu as tout faux, Lucien l’âne mon ami. Comme je te l’ai avoué, je ne savais pas non plus que le vanillier était originaire du Mexique. Ainsi, il est tout à fait approprié d’illustrer le rêve de cette chanson par un tableau du peintre mexicain Diego Rivera qui donne une idée assez idyllique d’un lieu chaud et somme toute, édénique. Il aurait d’ailleurs pu s’appeler : « Au Sud d’Éden ». En réalité, son titre exact est : « La Rivière Juchitán » (1955).

Eh bien, dit Lucien l’âne, même si j’apprécie tes commentaires et tes indications, il nous faut conclure. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde chaud, glacial, humide, réfrigérant, brûlant, étouffant et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Toujours fuir, proscrit, toujours repartir,
Soit, mais danser sous la pluie, c’est périr.
Un pitre ne peut vivre sans faire rire.
Seul, il se dessèche d’un ennui à mourir.

Pour le soleil au bout du jour harassé,
Tout est pareil au même : un carré
De choux par des nonnes rougissantes engraissé
Vaut un parterre de roses naissantes bigarré.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Avec le passeport et la virginité militaire
D’Ondřej Serenus comme paravent,
Un Matthias mort arrange les affaires
De l’amoureux Arlequin toujours vivant.

Andrea Serena, Bohémien, Italien d’ascendance,
Aux joues plantées de poils grenus,
Joue son personnage comique d’apparence :
Petit, grassouillet, trapu, tel un singe tordu.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Andro Sereno précédé de sa barbe grise,
Courtaud et gonflé aux jointures,
Erre de grange en pré, de pré en remise,
Libre déserteur allant à l’aventure.

Cette pluie à verse glace à l’été ;
Geneviève, comtesse palatine de Trêves,
Et toute la troupe en bois rêvent
D’un éternel séjour au jardin des vanilliers.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire