FORT CANARD EST TOUJOURS DEBOUT
Version
française – FORT
CANARD EST TOUJOURS DEBOUT
– Marco
Valdo M.I. – 2019
Chanson
allemande – Entenhausen
bleibt stabil – Die
Toten Hosen – 2002
Dialogue
Maïeutique
Ceci,
Lucien l’âne mon ami, est nettement une chanson parabolique, à
moins qu’il ne faille dire : parabolienne ou parabolesque. Au
vu de ses intentions, je pencherai nettement pour parabolesque en
donnant ainsi une immédiate perception de son double caractère :
c’est une chanson qui est à la fois, une parabole et une figure
grotesque – c’est-à-dire qui relève de l’art grotesque.
L’art
grotesque, répond Lucien l’âne, nous est très familier en
tant que genre, comme
le sont toutes ses dérives avec
lesquelles il se mêle et se confond :
loufoque, dada, expressionniste,
burlesque
et sans doute, d’autres encore. C’est un vrai carnaval. Je dis
« en tant que genre », car évidemment, je ne suis pas
une encyclopédie sur le sujet, mais je vois bien de quoi on cause et
c’est une manière d’être et de faire qui me convient. Je
comprends donc clairement ce « parabolesque »
et
par exemple, je me souviens que tu as fait ressurgir une chanson dada
cent ans après sa création en 1916. C’était la « Totentanz »
d’Hugo Ball ; mais
je ne comprends pas cet énigmatique titre « Fort Canard est
toujours debout ». Si tu voulais me l’expliquer, j’en
serais très honoré.
Là,
Lucien l’âne mon ami, tu es un persifleur, tu me taquines. Qu’à
cela ne tienne, je m’en vas te l’expliquer ce « Fort Canard
est toujours debout ». Note d’abord que c’est le résultat
d’un exercice compliqué
de translation multilingue. Comme on peut sen douter, tout repose sur
la signification de « Entenhausen ».
Oui,
murmure Lucien l’âne, mais encore.
En
cherchant bien, sauf à connaître déjà la signification de cet
étrange mot – auquel cas le problème ne se pose pas, répond
Marco Valdo M.I., on finit par savoir que c’est le nom allemand de
Duckburg, qui était le fort que Cornélius, un très ancien aïeul
de Donald Duck, avait acquis et en avait expulsé les Espagnols.
C’était il y a à peu près deux siècles. Ce nom a été repris
pour désigner en Allemagne un parc d’attraction à l’enseigne
du Canard. Ensuite, on reprend
l’explication à Duckburg, dont Entenhausen est l’exact calque
allemand, qui en français est littéralement « Fort Canard ».
Cependant, le titre de la chanson est en outre polysémique. Il
renvoie certainement à un grand air de Charles Gounod : « Le
Veau d’Or est toujours debout » et à sa dénonciation
d’une humanité trop avide d’or, qui est une sorte d’arabesque
tracée autour de la
Guerre de Cent Mille Ans où les riches (passés, présents et
futurs et leurs aspirants et concurrents) font une guerre
sournoisement – jusqu’à l’appeler la paix
– aux
pauvres afin de conserver
leurs privilèges, d’accroître leurs richesses et le pouvoir qui
les impose et les maintient.
Tout
ça est magnifiquement dit, Marco Valdo M.I. mon ami, mais de quoi
cause précisément la chanson ; en somme, quel est son
argument ?
Je
te dirais volontiers, Lucien l’âne mon ami, qu’elle
raconte l’histoire contemporaine à la manière de ces titres de
journaux que chaque jour, elle suscite : une série
de guerres, de
catastrophes, de
massacres dans lesquels
le monde s’enfonce et se dissout et où seul
résiste ce Fort Canard, où seul « Fort canard est toujours
debout » et le sommet de la parabole est celui-ci :
« Peu
importe ce qui nous arrive maintenant
Et
que le monde entier s’effondre,
Fort
Canard est toujours debout.
Quand
tout s’écroule ici,
À
Disneyland, qui s’en soucie ? »
Ainsi,
ce qu’il faut comprendre, c’est que
ceux qui sont restés au-dedans de Fort Canard se trouvent dans un
monde sans souci, le monde de Disney et n’ont pas à se soucier, ne
se soucient pas et n’ont plus de soucis : ils sont drogués,
sous l’influence efficace et prospère du puissant anesthésique
animalier jamais inventé, issu des USA.
Je
pense, conclut Lucien l’âne, qu’il est grand temps de ne pas se
laisser embourber dans tout cet univers frelaté de
l’« entertainment », cet
opium du consommateur et du citoyen, distillé en continu et sans
interruption par les médias. Alors, tissons le linceul de ce vieux
monde fascinant, fascisant, joyeux, rigolo, rigolard et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Otages en Somalie, crise du dollar à New York,
Lettres piégées en Autriche, guerre civile au Pakistan,
Chaos en Italie, Coca Cola en Chine.
Plus de forêt au Brésil, le Japon chasse la baleine,
Virus tueur au Congo, guerre de la banane au Panama,
Mort par silicone à Hollywood, famine au Rwanda,
Plutonium en mer du Nord et Homos au Vatican.
Peu importe ce qui nous arrive maintenant
Et que le monde entier s’effondre,
Il y en a au moins un qui résiste.
Fort Canard est toujours debout.
Corruption à Mexico, la mafia à Moscou,
Plus de café du Nicaragua, pas de méthadone pour Amsterdam,
Pénurie d’eau au Zaïre, inondations au Portugal,
Sectarisme à Téhéran et feu au Soudan.
Peu importe ce qui nous arrive maintenant
Et que le monde entier s’effondre,
Il y en a au moins un qui résiste.
Oui, Fort Canard est toujours debout,
Fort Canard est toujours debout,
Fort Canard est toujours debout.
Soulèvement à Malte, crise de foi en Syrie,
Chute de la monarchie en Angleterre, l’Islam emporte la Turquie,
Fascisme en Israël, mégalomanie en France.
Peu importe ce qui nous arrive maintenant
Et que le monde entier s’effondre,
Fort Canard est toujours debout.
Quand tout s’écroule ici,
À Disneyland, qui s’en soucie ?
Fort Canard est toujours debout,
Fort Canard est toujours debout !
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