mercredi 18 décembre 2019

Heureux et content


Heureux et content

Chanson française – Heureux et content – Marco Valdo M.I. – 2019

ARLEQUIN AMOUREUX – 30

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.


« Écoute, le Docteur Faust chuchote avec la mort. »




Dialogue Maïeutique


À propos de dialogue, Lucien l’âne mon ami, en voici un, un nouveau, un de plus entre Matthias, alias Vojtěch Boronelli et le célèbre Docteur Faust.

Ah, Marco Valdo M.I. mon ami, ça me fait bien plaisir de voir que notre petit manie du dialogue est aussi celle d’autres locuteurs impénitents.

Mais enfin, Lucien l’âne mon ami, tu sais certainement mieux que moi, du fait que tu participas des quatre pieds à la déambulation philosophique antique qui se menait au son du dialogue maïeutique, père socratique du dialogue platonicien. Je me permets de te le faire remarquer ; il fallait que cela fut dit ici.

Ça, dit Lucien l’âne, c’est une définition ou je n’y comprends rien. Je la retiens, car elle me plaît. Quant à moi, j’ai la maligne joie d’évoquer ici les compères dialogueurs émérites Fruttero et Lucentini, dont les échos sont venus jusqu’ici.

Pour faire court aujourd’hui, Lucien l’âne mon ami, je finirai par cet apparent monologue de Tristram, initiateur du dialogue majuscule de Jacques le Fataliste et son maître, lui-même se répercutant des décennies plus tard, du côté de l’Ukraine, en Marguerite et son maître, où avait ressurgi l’increvable Docteur Faust. C’est à lui que Matthias s’adresse pour s’affirmer en personne, tel un précurseur du Docteur Coué, son propre bonheur.

Au fait, dit Lucien l’âne, il aurait aussi bien – comme le systématisera Émile Coué (Émile Coué de La Châtaigneraie, fils d’Exupère Coué de La Châtaigneraie), s’adresser à lui-même dans ce qu’il faudrait dès lors appeler un autodialogue, pratique qui s’accorderait assez bien à l’injonction socratique du gnothi seauton.

Donc, je reprends dit Marco Valdo M.I., Matthias se gargarise d’une confirmation bien nécessaire, comme on le verra, tant la situation est dramatique et précaire ; on dirait qu’il en appelle à une sorte de médecine homéopathique, où cette petite dose de proclamation optimiste tente d’endiguer la vague que pressent Arlequin.

Oui, dit Lucien l’âne, moi aussi, je sens venir l’orage et certes, ces personnages ne sont pas d’inconscients innocents, même s’ils ne révèlent pas toujours leurs ruminations.

Entretemps, enchaîne Marco Valdo M.I., et pour une fois, bienheureuse elle aussi – elle est au chaud, elle a bu, elle a mangé, elle soupire – Barbora se laisse aller à une douce satisfaction. Au-dehors, la guerre militaire a recommencé ses manœuvres à travers et tout autour de l’Europe, ce qui aggrave évidemment la situation d’Arlequin le déserteur.

Oui, dit Lucien l’âne, les déserteurs, c’est très mal vu par les autorités et c’est aussi, du coup, un gibier très apprécié des chiens de garde et des limiers courants et face aux balles des chasseurs, il n’est pas bon d’être lièvre.

Donc, Lucien l’âne mon ami, la fuite doit reprendre. Pas question de stationner, même une journée, il faut repartir chaque matin. Mais Barbora, comme tu le verras, a de plus en plus de difficulté à suivre la cadence.

Et pourquoi donc !, s’exclame Lucien l’âne.

Ah, dit Marco Valdo M.I., c’est dit à la fin de la chanson.

Alors, conclut Lucien l’âne, voyons vite ça et tissons le linceul de ce vieux monde harceleur, mauvais joueur, flambeur, tueur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Docteur Johannes Faust, je suis heureux, dit Matthias ;
Barbora, paupières de plomb, yeux rougeoyants,
Rassasiée d’œuf et de pain, somnolait sur le banc ;
À cette heure, elle pique du nez, elle est lasse.

Barbora a mis la tête sur la table, elle dort.
Oui, je te le dis Arlecchina, je suis content ;
Juste là, au chaud, près de ce poêle, maintenant.
« Écoute, le Docteur Faust chuchote avec la mort. »

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

À nouveau, la flotte anglaise bloque les ports ;
Alors, l’infanterie française traverse encore, le décor ;
Alors, la guerre des patries reprend son sempiternel pas ;
À nouveau, les Empereurs ont besoin de soldats.

Au matin, le marionnettiste déserteur et toute sa smala
Recommencent à fuir à travers pluies et champs.
Mutique, l’œil hagard, la fille se traîne difficilement.
« Tu ne dis rien, tu as mal, dis-moi Barbora ? »

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Au bord du chemin, elle trône sur son séant,
Les pieds écartés, nus, gonflés,
Barbora, plus laide qu’avant l’été,
Rit, amère, moins deux dents de devant.

Avec ses lèvres enflées et gercées,
Elle souffle et soupire, Barbora ;
Ses grosses mains se posent résignées
Sur son ventre gros de sept mois.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

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