Heureux
et content
Chanson
française – Heureux et content – Marco Valdo M.I. – 2019
ARLEQUIN
AMOUREUX – 30
Opéra-récit
historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola
« Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le
titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J.
Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de
l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR
CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez
Flammarion à Paris en 1979.
« Écoute,
le Docteur Faust chuchote avec la mort. »
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Dialogue
Maïeutique
À
propos de dialogue, Lucien l’âne mon ami, en voici un, un nouveau,
un de plus entre Matthias, alias Vojtěch Boronelli et le célèbre
Docteur Faust.
Ah,
Marco Valdo M.I. mon ami, ça me fait bien plaisir de voir que notre
petit manie du dialogue est aussi celle d’autres locuteurs
impénitents.
Mais
enfin, Lucien l’âne mon ami, tu sais certainement mieux que moi,
du fait que tu participas des quatre pieds à la déambulation
philosophique antique qui se menait au son du dialogue maïeutique,
père socratique du dialogue platonicien. Je me permets de te le
faire remarquer ; il fallait que cela fut dit ici.
Ça,
dit Lucien l’âne, c’est une définition ou je n’y comprends
rien. Je la retiens, car elle me plaît. Quant à moi, j’ai la
maligne joie d’évoquer ici les compères dialogueurs émérites
Fruttero et Lucentini, dont les échos sont venus jusqu’ici.
Pour
faire court aujourd’hui, Lucien l’âne mon ami, je finirai par
cet apparent monologue de Tristram, initiateur du dialogue majuscule
de Jacques le Fataliste et son maître, lui-même se répercutant des
décennies plus tard, du côté de l’Ukraine, en Marguerite et
son maître, où avait ressurgi l’increvable Docteur Faust. C’est
à lui que Matthias s’adresse pour s’affirmer en personne, tel un précurseur
du Docteur Coué, son propre bonheur.
Au
fait, dit Lucien l’âne, il aurait aussi bien – comme le
systématisera Émile
Coué
(Émile
Coué de La Châtaigneraie, fils d’Exupère Coué de La
Châtaigneraie),
s’adresser à lui-même dans ce qu’il faudrait dès lors appeler
un autodialogue, pratique qui s’accorderait assez bien à
l’injonction socratique du gnothi seauton.
Donc,
je reprends dit Marco Valdo M.I., Matthias se gargarise d’une
confirmation bien nécessaire, comme on le verra, tant la situation
est dramatique et précaire ; on dirait qu’il en appelle à
une sorte de médecine homéopathique, où cette petite dose de
proclamation optimiste tente d’endiguer la vague que pressent
Arlequin.
Oui,
dit Lucien l’âne, moi aussi, je sens venir l’orage et certes,
ces personnages ne sont pas d’inconscients innocents, même s’ils
ne révèlent pas toujours leurs ruminations.
Entretemps,
enchaîne Marco Valdo M.I., et pour une fois, bienheureuse elle aussi
– elle est au chaud, elle a bu, elle a mangé, elle soupire –
Barbora se laisse aller à une douce satisfaction. Au-dehors, la
guerre militaire a recommencé ses manœuvres à travers et tout
autour de l’Europe, ce qui aggrave évidemment la situation
d’Arlequin le déserteur.
Oui,
dit Lucien l’âne, les
déserteurs, c’est très mal vu par les autorités et c’est aussi, du coup, un gibier très apprécié des
chiens de garde et des limiers courants et face aux balles des
chasseurs, il n’est pas bon d’être lièvre.
Donc,
Lucien l’âne mon ami, la fuite doit reprendre. Pas question de
stationner, même une journée, il faut repartir chaque matin. Mais
Barbora, comme tu le verras, a de plus en plus de difficulté à
suivre la cadence.
Et
pourquoi donc !, s’exclame Lucien l’âne.
Ah,
dit Marco Valdo M.I., c’est dit à la fin de la chanson.
Alors,
conclut Lucien l’âne, voyons vite ça et tissons le linceul de ce
vieux monde harceleur, mauvais joueur, flambeur, tueur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Docteur
Johannes Faust, je suis heureux, dit Matthias ;
Barbora,
paupières de plomb, yeux rougeoyants,
Rassasiée
d’œuf et de pain, somnolait sur le banc ;
À
cette heure, elle pique du nez, elle est lasse.
Barbora
a mis la tête sur la table, elle dort.
Oui,
je te le dis Arlecchina, je suis content ;
Juste
là, au chaud, près de ce poêle, maintenant.
« Écoute,
le Docteur Faust chuchote avec la mort. »
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
À
nouveau, la flotte anglaise bloque les ports ;
Alors,
l’infanterie française traverse encore, le décor ;
Alors,
la guerre des patries reprend son sempiternel pas ;
À
nouveau, les Empereurs ont besoin de soldats.
Au
matin, le marionnettiste déserteur et toute sa smala
Recommencent
à fuir à travers pluies et champs.
Mutique,
l’œil hagard, la fille se traîne difficilement.
« Tu
ne dis rien, tu as mal, dis-moi Barbora ? »
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Au
bord du chemin, elle trône sur son séant,
Les
pieds écartés, nus, gonflés,
Barbora,
plus laide qu’avant l’été,
Rit,
amère, moins deux dents de devant.
Avec
ses lèvres enflées et gercées,
Elle
souffle et soupire, Barbora ;
Ses
grosses mains se posent résignées
Sur
son ventre gros de sept mois.
Oui,
Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.
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