jeudi 21 novembre 2019

Le Coq aveugle


Le Coq aveugle


Chanson française – Le Coq aveugle – Marco Valdo M.I. – 2015

ARLEQUIN AMOUREUX – 23

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.



Le Coq aveugle


Chanson française – Le Coq aveugle – Marco Valdo M.I. – 2015

ARLEQUIN AMOUREUX – 23

Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l’édition française de « LES JAMBES C’EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.


Dialogue Maïeutique

« Alors, le coq aveugle affirme son règne » devrait être, Lucien l’âne mon ami, le titre de cette chanson.

Oui, moi je veux bien, dit Lucien l’âne, mais qu’est-ce que ça peut bien vouloir signifier ? Alors, un coq fait cocorico pour impressionner les poules et toute la basse-cour et comme Chantecler, le monde entier ? C’est là illusion de gallinacé à la conscience de soi hypertrophiée, un fantasme d’emplumé.

Eh bien, justement, Lucien l’âne mon ami, Même si ton raisonnement est à première vue exact, il n’en est rien. Ce qui prouve une fois encore qu’avec la chanson, l’évidence n’est pas nécessairement l’expression de la réalité. Trêve de théorie, voici ce qu’il en est. D’abord, il y a un premier paradoxe à élucider, car comment un coq aveugle peut-il savoir que le jour se lève, du fait que dans l’imaginaire des humains, le rôle du coq est d’annoncer l’arrivée du jour, dès qu’il aperçoit – censément avant tout le monde – la première lueur. La solution se trouve dans le vers précédent, où l’on entend le meuglement de la vache. La vérité donc, s’il y en a une, serait que le coq réagit à l’appel de la vache et qu’il importe peut qu’il voie quoi que ce soit.

Et alors, dit Lucien l’âne, tout ça pour ça ? Ça me semble assez banal. Franchement, il n’y a pas de quoi fouetter un chat.

Dans un certain sens oui, dit Marco Valdo M.I., mais cette banalité matinale des fermes de campagne cache en l’occurrence quelque chose d’effrayant, un crime d’autant plus épouvantable qu’on le dissimule dans cette banalité.

Et quoi donc, demande Lucien l’âne ?

Pour ça, reprend Marco Valdo M.I., il faut lire le troisième vers de ce trio sonore, fait de deux bruits et d’un silence :

« À l’étable, de bonne heure, meugle une vache,
Alors, le coq aveugle affirme son règne,
Si seule, en silence, Barbora saigne. »


À la fulgurance de tes yeux noirs comme le diamant de la Reine des Fées, on voit venir la question de Lucien l’âne qui serait : « Mais pourquoi donc cette fille Barbora saigne ? Et pourquoi son silence a une telle importance ? À tout le moins, elle devrait pleurer, sangloter. »

C’est que, répond Marco Valdo M.I., Barbora est terrorisée, outre que d’être dans sa plus intime chair blessée et violée. Cette chanson est l’histoire d’un viol et de fait, elle est contée sans hauts cris, dans un silence à peine rompu par un coq volontairement aveugle, qui aurait bien aimé faire l’impasse, mais pas sourd au cri de la vache, elle aussi témoin du drame, il cocoricote quand même. Meuh et cocorico sont les seules alarmes, les seules traces évanescentes du crime. Car cette histoire atroce est proprement indicible et cependant, la chanson, la dit abruptement et sans fard :

« Le nouveau marié déjà lassé de la mère,
De la fille Barbora, le jupon relève
Et s’enfonce comme un pieu en terre. »

Oh, dit Lucien l’âne, voilà un drame familial comme j’en ai tant croisé le récit depuis que je vais par le monde. Un récit toujours chuchoté, susurré, à peine formulé, souvent noyé dans une opaque complicité ou éteint pas la terreur.

Ainsi, reprend Marco Valdo M.I., l’essentiel de cette chanson a été dit ; sauf peut-être cette allusion au Premier Consul à vie qui permet de replacer cet épisode dans l’histoire de l’Europe. Par parenthèse, à propos du premier Consul, on peut aussi trouver une allusion à lui dans ce coq aveugle qui affirme son règne.

« La paix, la paix prend la pose.
Consul à vie, Bonaparte s’est nommé »

Comme quoi, si la paix s’impose sur les champs de bataille militaires, la Guerre de Cent Mille Ans se poursuit jusque dans les endroits les plus reculés qui sont eux, les champs de bataille civils. En fait, les puissants s’en prennent sans cesse aux faibles et affirment leur domination, quelles que soient l’étendue ou la nature de leur dominium.

Je sais tout cela, dit Lucien l’âne, je sais ce drame de la domination et les ravages que fait ce penchant imbécile. J’en ai toujours la nausée à la bouche et l’amertume au cœur. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde écœurant, nauséeux, dominateur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Donc, Matěj a fait la promesse
D’abandonner son droit d’aînesse,
De délaisser pour toujours son héritage,
De se contenter de mener les vaches au bocage.


Sans autre ambition, étaler le foin,
Fumer la viande, distiller le grain,
Coucher dans la resserre
Et se désaltérer de pauvre bière.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

La paix, la paix prend la pose.
Consul à vie, Bonaparte s’est nommé,
Cette pauvre paix au parfum de rose s’impose
Et Matthias s’installe en ses foyers.

Rosalie et Lukas se marient,
Les commères fébriles cancanent
À tire-larigot de la virginité neuve
Et du dadais englué dans la veuve.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Retour du cabaret de sa nuit de noce
Le nouveau marié déjà lassé de la mère,
De la fille Barbora, le jupon relève
Et s’enfonce comme un pieu en terre.

À l’écart, le déserteur, dans une meule, se cache.
À l’étable, de bonne heure, meugle une vache,
Alors, le coq aveugle affirme son règne,
Si seule, en silence, Barbora saigne.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.


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