LE
CHEVAL VERT
Version
française – LE
CHEVAL VERT – Marco
Valdo M.I. – 2019
Dialogue
Maïeutique
Mon
ami Marco Valdo M.I., tu surprendras toujours lecteur par les titres
que tu donnes aux chansons que tu écris ou aux versions françaises
de chansons conçues en d’autres langues. Ainsi en va-t-il de ce
Cheval vert, anima passablement surréaliste. J’aimerais quand même
que tu m’expliques comment ce Poeta compañero, Poète Camarade ou
à la rigueur, Camarade Poète est devenu un Cheval vert ; là,
les bras m’en tombent, façon de parler.
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, comme je te l’ai déjà expliqué,
les titres ont comme fonction d’attirer l’attention, de susciter
la question, d’éveiller le regard du lecteur ; par ailleurs,
ils ont aussi l’usage de donner une signification, de tracer un rai
de lumière au travers du brouillard des messages nébuleux qui
encombrent l’horizon de nos temps. Et comme on peut le voir, ce
Cheval vert a parfaitement atteint cet objectif. Voici qui répond à
ta question, je suppose ?
Certainement
pas, Marco Valdo M.I. mon ami, car ce que tu dis là, je le savais
avant même que tu répondes. Par contre, ce que je ne sais toujours
pas, c’est ce que vient faire ici ce Cheval vert en lieu et place
de ce Camarade Poète.
En
effet, Lucien l’âne mon ami, tu as parfaitement raison, je n’ai
rien dit du cheval vert et de son poète compagnon. Alors, voici :
en 1935,
à Madrid, au temps où en Italie, Carlo
Levi était mis en prison, un citoyen chilien, le
dénommé Neftalí
Ricardo Reyes Basoalto, par ailleurs poète, fondait une revue de
poésie dont le titre était CABALLO VERDE, littéralement :
Cheval vert et en assurait l’édition et la direction sous le nom
(de plume) de Pablo Neruda. Or, il ne s’agissait pas vraiment d’une
revue politique au sens habituel du mot, mais bien plus d’un brûlot
proche du courant surréaliste qui traversait depuis quelques années
déjà la culture du temps. Ce Cheval vert avait comme idée de
porter à travers le monde la poésie « impure ».
C’est
de plus en plus mystérieux, dit Lucien l’âne, je me demande ce
que peut bien être une poésie impure portée par un cheval vert.
Dis-moi.
Eh
bien, voilà, reprend Marco Valdo M.I., cette poésie impure avait
comme sens de mettre en question le statut de l’objet poétique tel
que l’entendait la poésie « pure » ; ce
qui, soit dit en passant, recelait purement et simple une
révolution. Le
Cheval vert de Madrid se cabrait face à la Nueva Poesia de Séville.
En clair, Neruda affirmait ainsi que tout est objet de poésie, alors
que d’autres tenaient à l’existence d’un monde à part, d’une
chasse gardée, où seuls seraient admis certains aspects de la vie
et du monde et que dès lors, en seraient bannis tous les autres. Il
y aurait donc un univers poétique, en quelque sorte réservé à une
élite (forcément à une élite) et le reste des choses et des gens
considérés comme impropres et exclus du domaine poétique. On
mettait le trivial et le réel à la porte ; on interdisait à
la vision poétique de dévoiler les vérités cruelles du monde. En
poésie aussi, c’était le règne des tabous. Voilà pour la ligne
de partage et voilà ce contre quoi se dressait le Cheval vert. Mais
il eut une vie courte, tellement courte que son quatrième numéro
fut le dernier et pire, lui qui était déjà imprimé, ne fut jamais
plié, ni a fortiori, publié pour cause de guerre civile en Espagne
et depuis ce 18 juillet 1936, personne n’en a retrouvé la trace.
Si
je comprends bien, dit Lucien l’âne, de ce Cheval vert, on ne
connaît que trois numéros de 20 pages ; alors, pourquoi en
faire un tel cas ?
Pour
plusieurs raisons, répond Marco Valdo M.I. ; la première étant
qu’il est une des premières victimes des généraux félons qui
ont détruit et déshonoré l’Espagne et massacré sa culture et
ses habitants ; la deuxième étant que cette minuscule revue
rassemblait une grande part de la poésie de son temps aussi bien
d’Espagne que d’Europe et d’Amérique
et au-delà.
Elle fut le rendez-vous
des poètes du
monde entier face au nationalisme hispanique et à tous les autres.
En ce sens, c’était une publication prophylactique. La troisième
est que je voulais une fois encore souligner le rôle de Cassandre
que sont amenés à jouer – souvent sans le savoir – les poètes
et les textes poétiques : poèmes ou chansons, comme on voudra.
La quatrième raison est que ce Cheval vert et son goût de la poésie
impure sont l’origine de ce Canto
General de Pablo Neruda, qui est sans doute un des poèmes les
plus célèbres du siècle dernier.
Oui,
d’accord, mais alors, dit Lucien l’âne, je me demande toujours
pourquoi cette chanson s’intitule en italien le camarade poète ?
Oh,
Lucien l’âne mon ami, car elle entend célébrer plus
particulièrement le Pablo Neruda militant politique et frère des
Mapuches, raconter certains épisodes de sa vie et par la même
occasion, en oublier beaucoup d’autres. Disons qu’elle met
l’accent sur le compagnon de route de Salvador Allende et de cette
révolution pacifique au Chili que les « boys de Chicago »
assassinèrent un 11 septembre, très exactement le 11 septembre
1972.
Je
comprends maintenant ton titre, dit Lucien l’âne et même,
j’approuve totalement ce choix qui met en perspective les deux
drames qui balisent la vie du poète chilien : celui de 1936 à
Madrid et celui de 1972 à Santiago. Ceci dit, reprenons notre tâche
et tissons le linceul de ce vieux monde révoltant, pur, trop pur,
nationaliste, trop nationaliste et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Dans
le ciel bleu de Santiago,
Le
12 juillet d’il y a tant d’années,
La
courte saison des fleurs est passée ;
Puis,
ton esprit s’est enfui très haut :
Dans
une nuit qui jamais n’aura de fin,
Sang
du peuple araucain et cendres.
Dans
l’obscurité, il y eut un rai de lumière
Quand
Gabriela te tendit sa main.
Poète
compañero de la liberté,
Dans
tout l’univers,
Ton
nom vivra toujours.
Là-bas,
en Espagne, fracas des sons,
Un
cheval vert dans le ciel s’est dressé,
Mais
la violence des généraux félons
Dans
le sang, a tout brisé.
Rouge
est la couleur de ta plume
Qui
de l’Espagne retrace l’histoire
Et
à maudire les chacals et les hyènes,
Elle
court sur des feuilles baignées de larmes
Poète
compañero de la liberté,
Dans
tout l’univers,
Ton
nom vivra toujours.
Quand
Stockholm honora ton nom,
Tu
ressentis la joie, mais tu sentis l’agonie
Quand
ton esprit revenait à ce nom
D'Araucanie,
à ta première Marie.
Quand
la mort choisit ton jour
En
ce septembre amer et lourd,
Tu
trouvas la force d’un dernier cri
Contre
les putschistes vendus aux Yankees.
Poète
compañero de la liberté,
Dans
tout l’univers,
Ton
nom vivra toujours.
Poète
compañero de la liberté,
Dans
tout l’univers,
Ton
nom vivra toujours.
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