mardi 3 septembre 2019

Qu’as–tu appris à l’École ?



Qu’as–tu appris à l’École ?

Chanson française – Qu’as–tu appris à l’École ?Graeme Allwright – 1968



Dialogue maïeutique



Tout d’abord, il importe de situer cette chanson dans le temps, car quand même elle a au moins cinquante ans, elle fut – en tout cas – enregistrée en 1968 et je n’en ai pas trouvé trace avant. Cela dit, je ne sais pas, Lucien l’âne mon ami, à quelle école tu es allé, ni si de ton temps déjà, l’école enseignait le respect de l’État. Sans doute, pas.

Oh, répond Lucien l’âne, de mon temps ? Lequel d’abord ? C’est une étrange expression que ce « de mon temps ». Et puis, du temps où j’étais enfant, il n’y avait pas d’école ; du moins d’école comme on la conçoit ces derniers temps ; disons depuis environ trois siècles dans ce coin-ci du monde.

Oui, Lucien l’âne mon ami, et l’école à laquelle se réfère la chanson est encore plus récente, car c’est l’école publique, c’est celle de l’enseignement primaire obligatoire et généralisé et dans le cas de la chanson, qui est française, c’est l’école de la République où l’instituteur a remplacé le curé de l’ancienne école de la paroisse. On trouve ces écoles dans la plupart des communes. Idéalement, dans toutes.

Oui, mais, dis-moi, Marco Valdo M.I., a chanson, que dit-elle ?

Eh bien, reprend Marco Valdo M.I., c’est l’histoire d’un jeune garçon qui rentre de l’école et que son papa interroge sur ce qu’il a appris à l’école ce jour-là. Cette mise en scène permet d’aborder différents thèmes de société et de critiquer la façon dont ils sont traités « à l’école », dans cette école qui, à force de vouloir faire une société rassemblée autour de la nation, s’est muée en école du conformisme. Son modèle est l’armée et le « je ne veux voir qu’une seule tête ». Avant d’aller plus loin, je voudrais quand insister sur le fait que c’est grâce à cette école pour tous qu’une bonne partie des gens savent lire, écrire, compter et connaissent un peu d’histoire et le monde qui les environne et celui plus lointain ; c’est grâce aussi à cette école que ceux qui le veulent ont accès au savoir et que globalement, la société peut se développer. Il ne faudrait pas l’oublier, ni renier cette bonne vieille école avec ses qualités et ses défauts.

Oui, certes, dit Lucien l’âne, mais l’école sur le modèle de l’allégeance à la société, au pouvoir, ou en d’autres lieux ou en d’autres temps, à l’Église, à la croyance, à Dieu ou à n’importe quoi, est assez insupportable.

Je le pense aussi, Lucien l’âne mon ami, mais pour en revenir à la chanson, il faut préciser que le garçon se contente de rapporter à son père ce qu’il a appris à l’école et il ne dit jamais ouvertement ce qu’il en pense. Même s’il court dans la chanson une explosive ironie implicite, c’est à l’auditeur de l’exprimer, en quelque sorte, car à lire le texte, on n’y trouve aucune attaque frontale contre les valeurs promues par l’école.

Cependant, dit Lucien l’âne, il me semble que c’est quand même le rôle de l’école de former les citoyens, de leur enseigner ce qu’il convient pour qu’ils puissent se prendre en charge, de les inciter à agir selon leur conscience et d’avoir les capacités pour vivre en paix et en société, ce qui implique évidemment la tolérance, l’acceptation de l’autre dans sa diversité (sauf s’il est agressif, totalitaire, nationaliste, raciste, fasciste, etc) et la solidarité.

Oui, Lucien l’âne mon ami, ce serait bien là son rôle, mais l’école de la chanson a d’autres vues ; comme on le verra, elle aime l’obéissance, le respect de l’autorité et la soumission.


Voilà bien le problème, dit Lucien l’âne, et pourtant, depuis le temps que des enfants, des parents et des enseignants veulent changer l’école, on aurait dû y arriver. Sauf que, comme toujours dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour les dominer et les asservir, l’école est aussi un lieu d’affrontement et des forces considérables pèsent sur elle afin de préserver certains intérêts et de maintenir autant que possible (a minima) le statu-quo. Pour ce qui nous concerne, pourtant, tissons le linceul de ce vieux monde pusillanime, dominé, écrasé, conservateur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.



Qu’as–tu appris à l’école, mon fils,
À l’école, aujourd’hui ?
Qu’as–tu appris à l’école, mon fils,
À l’école, aujourd’hui ?

J’ai appris qu’il ne faut mentir jamais,
Qu’il y a des bons et des mauvais,
Que je suis libre comme tout le monde,
Même si le maître parfois me gronde.
C’est ça qu’on m’a dit à l’école,
Papa, c’est ça qu’on m’a dit à l’école.

Qu’as–tu appris à l’école, mon fils,
À l’école, aujourd’hui ?
Qu’as–tu appris à l’école, mon fils,
À l’école, aujourd’hui ?

Que les gendarmes sont mes amis
Et tous les juges très gentils,
Que les criminels sont punis pourtant,
Même si on se trompe de temps en temps.
C’est ça qu’on m’a dit à l’école.
Papa, c’est ça qu’on m’a dit à l’école.

Qu’as–tu appris à l’école, mon fils,
À l’école, aujourd’hui ?
Qu’as–tu appris à l’école, mon fils,
À l’école, aujourd’hui ?

Que le gouvernement doit être fort,
A toujours raison et jamais tort.
Nos chefs sont tous très forts en thème
Et on élit toujours les mêmes.
C’est ça qu’on m’a dit à l’école.
Papa, c’est ça qu’on m’a dit à l’école.

Qu’as–tu appris à l’école, mon fils,
À l’école, aujourd’hui ?
Qu’as–tu appris à l’école, mon fils,
À l’école, aujourd’hui ?

J’ai appris que la guerre, c’est pas si mal,
Qu’il y en a des grandes et des spéciales,
Qu’on se bat souvent pour son pays
Et peut-être, j’aurai ma chance aussi.
C’est ça qu’on m’a dit à l’école.
Papa, c’est ça qu’on m’a dit à l’école.

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