mercredi 31 juillet 2019

LA CAPITAINE



LA CAPITAINE


Version française – LA CAPITAINE – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson italienne – CapitanaFrancesco Camattini – 2019



« Capitana », chanson dédiée à la Capitaine Carola Rackete – texte et musique : Francesco Camattini








Je voudrais juste signaler à l’attention la chanson que Marco Valdo M.I. avait faite – à la fin du mois de juin – en hommage à la Capitaine Carola Rackete ; cette chanson de langue française s’intitule : Le Petit Navire, la Capitaine et les Réfugiés. Cette chanson, se terminait par un envoi :
« Envoi :

Quant au sinistre ministre, (bis)
Il n’a plus qu’à, qu’à, qu’à aller jouer (bis)
Avec son canard en plastique !
Ohé ! Ohé ! Matteo, Matteo navigue sur les flots !
Ohé ! Ohé ! Matteo, Matteo navigue sur les flots ! ».


Voilà pourquoi on offre ici, un joli canard jaune au « sinistre ministre » afin qu’il aille jouer dans sa baignoire ou son bac à sable.
Ainsi Parlait Lucien Lane




Le vent siffle fort,
La tempête fait rage,
La Capitaine Rackete
Se déplace légère :
D’abord sur les brise-glace
Au cercle polaire,
Puis, dans le néant et la Sibérie
Et revient en haute mer.


On peut passer son existence
À rechercher un sens,
À lever les voiles
Sans trouver le vent.
Haïr est plus payant,
Détruire, accuser,
Abattre, ambitionner,
Et au fond de la mer, noyer les gens.


Haïr est plus payant,
Détruire, accuser,
Abattre, ambitionner,
Et au fond de la mer, noyer les gens.


Ca-pi-tai-ne-ne…
– À vos ordres, Madame !
– En route pour Lampéduse… ! –
Hisse haut, oh, hisse !


Antigone moderne,
Guerrière magnifique
Qui vogue sur les flots
De ceux qui n’ont pas de drapeau :
« Il n’y a qu’une seule loi :
La vraie loi humaine
Qui dicte aussi le droit,
Qui dit : « Détester la haine ! »


C’est une vague géante
Qui vient de loin,
Qui vient demander des comptes
De ce qui est encore humain…
C’est la vague de ceux qui crient
Sous nos murs fortifiés,
Celle de ceux qui font la fête
Quand les ports sont fermés.


Ca-pi-tai-ne-ne…
– À vos ordres, Madame !
– En route pour Lampéduse… ! –
Hisse haut, oh, hisse !


On fait ce qui est juste.
On prend le risque en compte,
Même si la mer est haute,
On paye et il n’y a pas de « trêve »
Pour ce qui vaut la peine.
Quoi autrement, on navigue ?
Pour redevenir humains
Redevenir, oui humains.


Il est beaucoup plus difficile
De désarmer un cœur fier
Que de nourrir l’enfer.
Et causer de la douleur
Haïr est plus payant,
Détruire, accuser,
Abattre, ambitionner,
Et au fond de la mer, noyer les gens.


Haïr est plus payant,
Détruire, accuser,
Abattre, ambitionner,
Et au fond de la mer, noyer les gens.


Ca-pi-tai-ne-ne…
– À vos ordres, Madame !
– En route pour Lampéduse… ! –
Hisse haut, oh, hisse !


Et calme est maintenant de vent,
La tempête se fait discrète.
La capitaine Rackete,
Est à bon port à présent.
Créon est encore plus fragile
Et par la grâce de cette femme,
Il s’enfonce dans la poussière.
Il coule, voyez, il coule !


Créon est encore plus fragile
Et par la grâce de cette femme,
Il s’enfonce dans la poussière.
Il coule, voyez, il coule !

lundi 29 juillet 2019

LA BANANE


LA BANANE



Version française – LA BANANE – Marco Valdo M.I. – 2019
à partir de la traduction italienne LA BANANA de Krzysiek Wrona
d’une chanson polonaise (inédite) – Banan – Jacek Kleyff2018
Paroles et musique : Jacek Kleyff
Jacek Kleyff :
guitare et métronome, enregistrement sur dictaphone.
Texte transcrit à l’oreille par YT.














Dialogue Maïeutique


Qu’est-ce que c’est encore, Marco Valdo M.I., que cette histoire de banane ? D’abord, d’où vient-elle ? Puisque c’est une version française, elle vient forcément d’ailleurs. Est-elle africaine, sud-américaine, antillaise comme sont les bananes ? Vient-elle du Pérou ou de la Martinique ? Ou d’ailleurs, mais nécessairement, d’un pays où poussent les bananes qui sont des pays chauds, très chauds pour ce que j’en sais, car sur les rivages que j’ai fréquentés par ici, il n’y en avait pas, sauf à titre de curiosité.


En effet, Lucien l’âne mon ami, la banane est un fruit résolument exotique ; mais, il y a aussi une excellente raison d’en faire une version française, car si la banane est née en Afrique, la chanson est absolument polonaise. C’est ce qui lui donne toute son originalité.


Une chanson sur la banane polonaise ? Tu m’en diras tant, Marco Valdo M .I. mon ami. J’ai beaucoup de mal à le concevoir ; j’avais le souvenir que la Pologne était plutôt la patrie des pommes.


Arrête, Lucien l’âne mon ami, ne t’emballe pas, je vais tout t’expliquer. D’abord, laissons de côté la banane et parlons de la chanson. Je voudrais dire un mot à propos de la chanson polonaise et de celui – Krzysiek Wrona – qui fait ce travail de nous les faire connaître en langue originale et de les traduire en italien, ce qui me donne la possibilité d’en présenter des versions en langue française. Tout ce truchement, même s’il est lent, est bénéfique. Je trouve fascinant de pouvoir ainsi découvrir ces territoires inconnus et jusque-là, inaccessibles.


Oui, dit Lucien l’âne, c’est fantastique et je ne peux qu’abonder dans ton sens ; on connaîtra ainsi tous ces pays dont nous parlent toutes ces chansons. Mais si tu veux bien revenir à la banane. Je me souviens d’ailleurs qu’il n’a pas toujours été facile d’en avoir des bananes ; des fois même, il n’y en avait pas, même en Amérique où tout est pléthorique, comme le disait une chanson de 1923 « Yes! We Have No Bananas » (Frank Silver et Irving Cohn), qu’il faudrait regarder de plus près, car elle a toute une histoire elle aussi.


Sans doute, reprend Marco Valdo M.I., mais pour ce qui est de la banane polonaise, je veux dire la chanson « Banan », elle aurait pu s’intituler : La véridique histoire d’une banane, car, elle suit exactement cet itinéraire biographique depuis la cueillette jusqu’à l’étal du commerçant quelque part en Pologne. Elle retrace ce parcours et elle fait surgir certains paradoxes et dénonce certaines iniquités que je te laisse découvrir. Tout comme la guerre de la banane où les enjeux sont terribles. La banane est au cœur d’un affrontement international qui est un aspect de cette Guerre de cent Mille Ans que les puissants et les riches font aux faibles pour accroître leur emprise, multiplier leurs profits, écraser toute concurrence, éteindre toute conscience et liquider toute résistance à leurs lubies. La seule remarque à faire à ce sujet, c’est que la la banane que l’on trouve dans les commerces ne vient pas principalement d’Afrique, mais des exploitations vivrières des compagnies américaines d’Amérique latine, où les conditions de travail sont épouvantables.


Oh, je sais, dit Lucien l’âne, ces histoires de bananes sont fort complexes et la guerre de la banane est intercontinentale ; de toute façon, nous les ânes, on ne mange pas de bananes. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde incohérent, complexe, exploiteur et cacochyme


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane









La banane croît, croît, croît
Dans un village du Libéria.
Elle est encore verte ;
Tout le village la surveille.
On la met dans la caisse,
Le vélo tient à peine,
Car les accessoires coûtent.


La banane voyage, voyage
Sur le vélocipède.
Le négociant va
Pour les achats
Dans la brousse du Libéria
Tant que le vélo roule.
Il transporte ses deux caisses.


À présent la banane dans sa caisse
Grimpe sur le porte-bagage
D’une vieille Willys
Ou d’une Peugeot,
Restes des guerres et des embrouilles
Où les Yankees et les mangeurs de grenouilles
Ont fait du sale boulot.




La banane dans sa caisse
Est déjà moins verte ;
Avec son chargement de quarante caisses,
La voiture avance à peine
Et l’habile colonisateur
Fait tourner le moteur
Au pétrole d’Arabie ou de Perse.


Dans le port, la banane passe
De la voiture au conteneur ;
Des gens la chargent
Qui voulaient vivre au paradis,
Mais pour eux, c’est râpé :
Ce marché est contrôlé
Par quatre compagnies.


Ah, comme elle est douce la chair de la banane ;
En bouche, elle se mue en moelleuse mousse.
Je la veux tout de suite.
Elle a été cueillie par le singe
Noir comme l’asphalte
Qui l’a transportée sur son vélo.
Je m’empiffrerai dans mon studio.


Le ramassage des , maintenant,
C’est l’affaire des enfants.
Ils mettent dans un sac ce qu’ils trouvent,
De temps en temps, ils mangent un morceau.
Affamés, ils n’ont pas la force
De leur père qui les surveille,
Ployant sous la caisse qui pèse sur son dos.


Le quai nettoyé,
Les câbles d’acier
Un à un, tous les conteneurs tirent,
Ils chargent le navire
Qui, de plus, marche au pétrole
Et rejette le trop-plein à la mer
Où dans la boue grasse, les oiseaux s’enferrent.


Le bateau vogue déjà
Loin du Sénégal, il s’en va.
Où sévit une infernale sécheresse
Et où plusieurs petits puits
Qui datent d’avant la guerre,
Les moteurs à sec, sans pétrole,
Ne peuvent pas pomper.


Déjà, le Danemark est contourné,
Skagerrat, Kattegat sont passés.
En route, le navire s’est ravitaillé
Avec l’argent envoyé par la société.
Reste la mer Baltique à traverser,
Car, à Gdynia, notre belle cité,
Le navire est arrivé.


À Gdynia, sur le port,
Des grues portuaires encore.
La banane a mûri dans sa caisse
Les portefaix du port
Qui viennent de gagner leur grève
Pour sauver le quatorzième salaire
Ont daigné décharger la marchandise.


Du quai zébré, dans le conteneur,
La banane dans sa caisse
Part dans un train qui roule
À l’électricité et au pétrole
Pour la région lointaine
De Masovie ou d’ailleurs,
Sans s’arrêter, il va sans peine.


Ah, comme elle est douce la chair de la banane ;
En bouche, elle se mue en moelleuse mousse.
Je la veux à l’instant.
Ce qui est bon, le sait mon enfant
Qui en mange trois à la fois.
Il n’aime plus les pommes maintenant.
Je vais en acheter tout un tas.


Mais à la jonction de la grande voie,
D’une énorme grue, encore une fois
S’écoule le flot de bananes
Dans un camion après l’autre
Qui s’en vont vers les petites villes
En labourant le nouveau bitume,
Payé par l’Union Européenne.


Les financements de l’Union
Permettent de nouvelles routes
Et soutiennent la civilisation
Qui vient des mêmes gens
Qui ont conquis l’Afrique
Le Christ à la main,
Se goinfrant tels des vampires humains.


La banane est désormais jaune et belle.
L’attendent tant et tant de camionnettes ;
Du conteneur avec un élévateur,
On monte la banane
Sur la galerie d’un transporteur.
Toutes les mains restent propres,
Personne n’est en sueur.


Et maintenant la banane s’en va
À l’entrepôt du voisinage,
D’où l’emporte
Dans sa boutique, l’épicière
Et là, sur l’éventaire,
Mesdames et Messieurs, Messieurs dames,
C’est à n’y pas croire, à n’y pas croire !


Il est moins cher d’acheter cette banane
Qu’une pomme polonaise
Non loin de Grójec, le verger de la Pologne,
C’est à n’y pas croire, à n’y pas croire !
C’est une chose stupéfiante :
À quatre euros, les pommes ;
À deux euros, les bananes.


Ah, comme elle est douce la chair de la banane ;
En bouche, elle se mue en moelleuse mousse.
Je la veux à l’instant.
Moi, je vais m’en débarrasser,
J’achèterai un bélier.
Et je briserai ce marché
Car j’y suis déterminé !


La banane croît, croît, croît
Dans un village du Congo, cette fois.
Elle est encore verte
Tout le pays la surveille.
Il la met dans la caisse,
Son vélo tient à peine,
Car les accessoires coûtent.


mardi 23 juillet 2019

Je serai toujours moi




Je serai toujours moi



Lettre de prison 38
15 juillet 1935




Ne vous en faites pas !
Je serai toujours moi.







Dialogue Maïeutique


Lucien l’âne mon ami, je te rappelle qu’à la différence des ânes qui se promènent toujours à poils, les humains, gens fragiles, se vêtent et se chaussent ; ils se lavent aussi. Du moins, la plupart d’entre eux et la plupart du temps. Mais, évidemment, il y a des exceptions. Il leur faut donc – à la plupart – tout un équipement adapté.

Oui, je sais tout cela, dit Lucien l’âne, mais encore ?

Rien, répond Marco Valdo M.I., si ce n’est que c’est le début de la chanson. J’admets que c’est assez banal, mais la vie est faite pour sa plus grande part de choses fort banales – et la vie du prisonnier, plus encore. De plus, comme notre bon Dr. Levi ne sait toujours pas où il va être confiné, il lui faut bien dire quelque chose dans sa lettre, il lui faut parler d’autre chose. Sinon, que dire dans une lettre, que faire dire à la feuille blanche ? Et c’est ainsi qu’on sort de la banalité des propos quand Carlo Levi, qui était médecin, qui s’était voulu peinte et l’était assurément, par un détour inattendu révèle ses débuts d’écrivain. Pour un peu, je dirais qu’on assiste à la naissance de l’écrivain au travers de son travail suspendu de peintre ; dès lors, il n’y a rien d’étonnant à ce que Carlo Levi écrira avec des images et des couleurs à la manière d’un peintre ; littéralement, il voit le monde. Il dit dans sa lettre :

« La peinture… fait de paroles des couleurs en écrivant des sons. »

Quel mélange des sens ! En somme, dit Lucien l’âne, pour Levi, l’écriture, c’est faire de la peinture avec des mots des sons et créer un univers visuel avec des sons transcrits en code. J’ai comme l’idée que pour lui, les mots sont des couleurs.

Exactement, dit Marco Valdo M.I. ; et c’est une fameuse découverte pour le peintre privé de peinture. ; toute une aventure, mais différente pourtant :

« Écrire est une autre aventure
Que la peinture. »

Il ne pensait pas si bien dire, ajoute Lucien l’âne, car son aventure en littérature, son voyage en écriture, qui commence avec son « Christ s’est arrêté à Eboli » – le Christ, mais pas Carlo Levi – fera presque oublier le peintre et ces centaines de toiles.

On voit là, poursuit Marco Valdo M.I., soudain surgir d’un néant qui lui est imposé, le Carlo Levi qui sera écrivain, journaliste et à sa manière, ethnographe, anthropologue, sociologue – une tout autre manière de peindre. Mais, certainement, il était conscient de ce qui se passait, quand il dit :

« Je ne suis pas expert en écriture.
J’écris comme je peins :
Un jour un mot, un autre le lendemain.
Si ça dure,
Je ferai un livre, c’est sûr. »

Et, il avait tout autant conscience de sa propre cohérence, indestructible, de sa personnalité, de son individualité :

« Ne vous en faites pas !
Dans le pire des cas,
Où que ce soit
Qu’on m’enverra,
Je serai toujours moi. »

Oh, dit Lucien l’âne, on le disait « solaire » et comme on peut tous s’en persuader sans peine, on ne peut enfermer le soleil.

C’est, Lucien l’âne mon ami, une bonne façon de comprendre ce titre « Je serai toujours moi », dont j’invite chacun à faire sa devise. C’est le sens de l’homme libre face à l’enrégimentement tant prisé par le régime, par tous les régimes.
C’est le sens de la dignité qui le mènera à résister, résister encore durant tout le temps où fleurit le fascisme. Victor Hugo disait la même chose :

« J’accepte l’âpre exil, n’eût-il ni fin ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer
...
S’il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là ! »
(Jersey, 2 décembre 1852)

Et nous, conclut Lucien l’âne, moins solaires, fort banals, mais obstinés quand même, nous tissons le linceul de ce vieux monde enrégimenté, obéissant, majoritaire et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Outre le maillot, une tenue de toile,
Des shorts blancs, des chaussures de toile,
Des objets de toilette, ma blouse de peintre,
Le minimum indispensable
Qui ne prenne pas de place.

Il ne faut pas vous inquiéter,
Quand je saurai la décision
Pour la relégation,
Je vous télégraphierai.
Ainsi, vous saurez.

En attendant, je rédige
Mon livre sur la peinture
Et même, sur d’autres choses.
Écrire est une autre aventure
Que la peinture.

Miracle de mon incarcération,
Avec du papier et un crayon,
La peinture interdite
Fait de paroles manuscrites
Des couleurs en écrivant les sons.

Je ne suis pas expert en écriture.
J’écris comme je peins :
Un jour un mot, un autre le lendemain.
Si ça dure,
Je ferai un livre, c’est sûr.

Ne vous en faites pas !
Dans le pire des cas,
Où que ce soit
Qu’on m’enverra,
Je serai toujours moi.

lundi 22 juillet 2019

QUAND LES ARMES SE SONT TUES


QUAND LES ARMES SE SONT TUES



Version française – QUAND LES ARMES SE SONT TUES – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson allemande – Als die Waffen schwiegen Saltatio Mortis – 2015



 

Stille Nacht! Heilige Nacht!
Alles schläft; einsam wacht



Dialogue Maïeutique


M’est avis, dit Marco Valdo M.I., qu’ils auraient mieux fait de créer des chorales et de chanter, même des cantiques idiots, toute la journée jusqu’à épuisement. Au moins pendant ce temps-là, comme celui qui siffle quand il va sur les arbres cueillir les cerises, ils n’auraient pas fait tant de conneries.

Dont acte, dit Lucien l’âne ; mais quand même, évitons les chants sirupeux. Allons, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde crédule, gluant, manipulé, peuplé de niais et d’escrocs et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Il faisait froid dans les Flandres le jour de Noël,
Après trop de guerres,
En 1914, à l’hiver du monde,
Quand les armes se sont tues.
Contre la mort, hors des tranchées
Retentit une chanson simple,
Une « Douce nuit » en plusieurs langues ;
Ça ressemblait à un miracle.

Quand les armes se sont tues.
Et quand le silence éclata,
Un chant des tranchées
Promit la paix.
Un moment, personne ne voulait plus vaincre ;
Le soldat fut aussi un homme,
Quand les armes se sont tues.

Une mer de bougies au long des tranchées,
Éclairait la nuit,
Et des sentinelles courageuses ont levé la main,
Ont quitté leur poste.
Bientôt, ils chantèrent ensemble.
Ennemis, soldats,
Par-dessus les tranchées,
Célébraient Noël
Dans la guerre, avec la mort et la boue.

Quand les armes se sont tues.
Et quand le silence éclata,
Un chant des tranchées
Promit la paix.
Un moment, personne ne voulait plus vaincre ;
Le soldat fut aussi un homme,
Quand les armes se sont tues.

Il y avait tellement d’espoir à ce moment-là,
Il y avait tant de bonheur à ce moment-là.
Le moment était une promesse,
Mais le chemin repartit en arrière,
Retour vers les tranchées froides,
Retour vers la souffrance et la mort.
Tout espoir s’est éteint
À l’aube.
Quand les armes se sont tues…

samedi 20 juillet 2019

TUONS LE CLAIR DE LUNE



TUONS LE CLAIR DE LUNE


Version française – TUONS LE CLAIR DE LUNE – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson italienneUccidiamo il chiaro di lunaFahrenheit 451 – 1998
Texte et musique : Andrea Manzo






Dialogue Maïeutique


Je suppose, Lucien l’âne mon ami, toi qui marchas sur toutes les rives de la Méditerranée, et je suis même certain que tu connais Venise, son passé prestigieux et sa réputation.


Oh, dit Lucien l’âne, tu ne peux pas te tromper beaucoup en disant ça ; tu pourrais même y ajouter la Mer Noire, le Pont Euxin, les bords du Bosphore, la mer Égée et tant d’autres. Pour faire court, j’ajouterai l’Adriatique au fond de laquelle se cache la lagune et sa Cité-perle, Venise. J’ai parcouru aussi les rives de l’Atlantique et je suis allé sur d’autres rivages au bout du monde, mais c’est là une autre histoire. Tout ça pour dire qu’en effet, j’ai connu Venise et j’ai vu les temps de sa splendeur orgueilleuse. J’ai même entendu dernièrement des échos de son triste destin.


Eh bien, reprend Marco Valdo M.I., c’est précisément ce sort funeste qui est le thème de la chanson. Enfin, d’une partie de ce sort, car elle n’aborde pas le lent enfoncement de la cité dans le creux de la lagune, cette lente et longue agonie, irréfrénable, semble-t-il. Certaine même. Sans doute faudra-t-il entendre un jour cette interjection de sermon :


« Venise se meurt, Venise est morte ! »


À cela, me paraît-il, selon ce que j’ai entendu, dit Lucien l’âne, il n’y a pas grand-chose à faire et ce qui serait fait ne ferait que retarder un peu l’échéance. Mais laissons cela qui est assez sinistre et si ce n’est pas ce malheur, voyons les événements catastrophiques qu’envisage la chanson.


Donc, Lucien l’âne mon ami, laissant de côté ce destin de noyade, en soi déjà épouvantable, il y a aussi que Venise se vide de ses habitants – de ceux qui la font vivre quotidiennement, autant dire de son sang et qu’elle se transforme en une sorte de parc à thème pour touristes en mal de séjour romantique, suivant en cela un mouvement général. Le délire touristique, nourri de l’avidité des marchands illusionnistes, étrangle la vie partout dans le monde, jusqu’au sommet de l’Everest où cet été, on fait la file jusqu’à en mourir. Pour ce qui est de Venise, la ville paye cher sa réputation de clair de lune que vise expressément la chanson. Le groupe Fahrentheit 451 a parfaitement raison de crier :


« Tuons le clair de lune... »


Vraiment, elle a raison, dit Lucien l’âne. Rien de pire que les clairs de lune. Maubeuge aussi en a souffert, elle qui se meurt à deux pas de chez nous dans la célébration de son clair de lune. Souviens-toi, Marco Valdo M.I. mon ami, de ce fameux clair de lune qui perça les oreilles populaires jusqu’à les user. Mais pour qu’on n’en perde pas la trace, je te la récite en entier telle que l’avait écrite et interprétée son auteur, le chauffeur de taxi parisien Pierre Perrin. Donc voici, « Un Clair de Lune à Maubeuge » (1961)


Je suis allé aux fraises,
Je suis rev
enu de Pontoise,
J’ai filé à l’anglaise
Avec une Tonkinoise.
Oui, j’ai roulé ma bosse,
Je connais l’univers,
J’ai même roulé carrosse
Et
j’ai roulé les R
Et je dis non, non, non, non, non !
Oui ! Je dis non, non, non, non, non, non, non, non, non !
Tout ça ne vaut pas
Un clair de lune à Maubeuge ;
Tout ça ne vaut pas
Le doux soleil de Tourcoing
Coin, coin ! Coin, coin !
Tout ça n
e vaut pas
Une croisière sur la Meuse,
Tout ça n
e vaut pas
Des vacances au Kremlin-Bicêtre.

J’ai fait toutes les bêtises
Qu’on peut imaginer,
J’en ai fait à ma guise
Et aussi à Cambrai.
Je connais toutes les mers :
La Mer Rouge, la Mer Noire,
La Mer-diterranée,
La
Mer de Charles Trenet
Et je dis non, non, non, non, non !
Oui ! Je dis non, non, non, non, non, non, non, non, non !
Tout ça ne vaut pas
Un clair de lune à Maubeuge ;
Tout ça ne vaut pas
Le doux soleil de Tourcoing
Coin, coin ! Coin, coin !
Tout ça ne vaut pas
Une croisière sur la Meuse,
Tout ça ne vaut pas
Faire du sport au Kremlin-Bicêtre. »


Oh, Lucien l’âne mon ami, j’aime beaucoup cette comparaison, ce lien entre Venise et Maubeuge, car l’une et l’autre ville ont souffert de cette notoriété lunaire. Maubeuge est bourrée de clairs de lune et c’est là toute sa gloire. Venise meurt du tourisme né pareillement de trop de célébrité et du goût glamoureux de certains pour les lunes ; la Sérénissime survit des oripeaux de ses gloires passées. Pourra-t-elle jamais s’en dépêtrer ?


J’en doute, dit Lucien l’âne. Cela dit, tissons le linceul de ce vieux monde historique, archéologique, fantasmagorique et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.






Comme un sort qui ne veut pas se défaire,
Là-bas, la terre se lie à la mer
Éclairs dorés, échos du temps,
Fragile magie majestueuse de l’enchantement.


En promenade de venelles en placettes,
En haut, on voit les bannières anciennes
D’une cité autrefois reine
Dominatrice et maintenant, en ruines.


Comme le sang laisse la blessure vive
Venise se vide et perd sa vie.
Les maisons et les palais restent vides,
Seuls quelques vivants y vivent


Parmi ces pierres corrodées par les événements
D’une culture qui vit désormais péniblement,
Pourchassés sans pitié et en traître
Pour faire place aux nouveaux maîtres.


Tuons le clair de lune,
Les gondoles placides sur la lagune,
Cette image de carte postale,
Ces gens en vedette dans les vitrines.


Tuons le clair de lune,
Les gondoles placides sur la lagune,
Cette image de carte postale,
Ces gens en vedette dans les vitrines,


Tableaux au mur accrochés
Pour les touristes qui viennent regarder
Ces maîtres un temps des sept mers
Vendus pour trente deniers au marché.


Seule la dignité nous reste.
Arrêtons les joutes, relevons la tête !
Ponts et canaux reprenons !
Hyènes et requins chez eux renvoyons !


Tuons le clair de lune,
Les gondoles placides sur la lagune,
Cette image de carte postale,
Ces gens en vedette dans les vitrines.


Tuons le clair de lune,
Les gondoles placides sur la lagune,
Cette image de carte postale,
Ces gens en vedette dans les vitrines.