TUONS LE CLAIR DE LUNE
Version
française – TUONS LE CLAIR DE LUNE – Marco Valdo M.I. – 2019
Texte
et musique : Andrea
Manzo
Dialogue
Maïeutique
Je
suppose, Lucien l’âne mon ami, toi qui marchas sur toutes les
rives de la Méditerranée, et je suis même certain que tu connais
Venise, son passé prestigieux et sa réputation.
Oh,
dit Lucien l’âne, tu ne peux pas te tromper beaucoup en disant
ça ; tu pourrais même y ajouter la Mer Noire, le Pont Euxin,
les bords du Bosphore, la mer Égée et tant d’autres. Pour faire
court, j’ajouterai l’Adriatique au fond de laquelle se cache la
lagune et sa Cité-perle, Venise. J’ai parcouru aussi les rives de
l’Atlantique et je suis allé sur d’autres rivages au bout du
monde, mais c’est là une autre histoire. Tout ça pour dire qu’en
effet, j’ai connu Venise et j’ai vu les temps de sa splendeur
orgueilleuse. J’ai même entendu dernièrement des échos de son
triste destin.
Eh
bien, reprend Marco Valdo M.I., c’est précisément ce sort funeste
qui est le thème de la chanson. Enfin, d’une partie de ce sort,
car elle n’aborde pas le lent enfoncement de la cité dans le creux
de la lagune, cette lente et longue agonie, irréfrénable,
semble-t-il. Certaine même. Sans doute faudra-t-il entendre un jour
cette interjection de sermon :
« Venise
se meurt, Venise est morte ! »
À
cela, me paraît-il, selon ce que j’ai entendu, dit Lucien l’âne,
il n’y a pas grand-chose à faire et ce qui serait fait ne ferait
que retarder un peu l’échéance. Mais laissons cela qui est assez
sinistre et si ce n’est pas ce malheur, voyons les événements
catastrophiques qu’envisage la chanson.
Donc,
Lucien l’âne mon ami, laissant de côté ce destin de noyade, en
soi déjà épouvantable, il y a aussi que Venise se vide de ses
habitants – de ceux qui la font vivre quotidiennement, autant dire
de son sang et qu’elle se transforme en une sorte de parc à thème
pour touristes en mal de séjour romantique, suivant en cela un
mouvement général. Le délire touristique, nourri de l’avidité
des marchands illusionnistes, étrangle la vie partout dans le monde,
jusqu’au sommet de l’Everest où cet été, on fait la file
jusqu’à en mourir. Pour ce qui est de Venise, la ville paye cher
sa réputation de clair de lune que vise expressément la chanson. Le
groupe Fahrentheit 451 a parfaitement raison de crier :
« Tuons
le clair de lune... »
Vraiment,
elle a raison, dit Lucien l’âne. Rien de pire que les clairs de
lune. Maubeuge aussi en a souffert, elle qui se meurt à deux pas de
chez nous dans la célébration de son clair de lune. Souviens-toi,
Marco Valdo M.I. mon ami, de ce fameux clair de lune qui perça les
oreilles populaires jusqu’à les user. Mais pour qu’on n’en
perde pas la trace, je te la récite en entier telle que l’avait
écrite et interprétée son auteur, le chauffeur de taxi parisien
Pierre Perrin. Donc voici, « Un Clair de Lune à Maubeuge »
(1961)
Je
suis allé aux fraises,
Je suis revenu de Pontoise,
J’ai filé à l’anglaise
Avec une Tonkinoise.
Oui, j’ai roulé ma bosse,
Je connais l’univers,
J’ai même roulé carrosse
Et j’ai roulé les R
Et je dis non, non, non, non, non !
Oui ! Je dis non, non, non, non, non, non, non, non, non !
Tout ça ne vaut pas
Un clair de lune à Maubeuge ;
Tout ça ne vaut pas
Le doux soleil de Tourcoing –
Je suis revenu de Pontoise,
J’ai filé à l’anglaise
Avec une Tonkinoise.
Oui, j’ai roulé ma bosse,
Je connais l’univers,
J’ai même roulé carrosse
Et j’ai roulé les R
Et je dis non, non, non, non, non !
Oui ! Je dis non, non, non, non, non, non, non, non, non !
Tout ça ne vaut pas
Un clair de lune à Maubeuge ;
Tout ça ne vaut pas
Le doux soleil de Tourcoing –
Coin,
coin ! Coin,
coin !
Tout ça ne vaut pas
Une croisière sur la Meuse,
Tout ça ne vaut pas
Des vacances au Kremlin-Bicêtre.
Tout ça ne vaut pas
Une croisière sur la Meuse,
Tout ça ne vaut pas
Des vacances au Kremlin-Bicêtre.
J’ai
fait toutes les bêtises
Qu’on peut imaginer,
J’en ai fait à ma guise
Et aussi à Cambrai.
Je connais toutes les mers :
La Mer Rouge, la Mer Noire,
La Mer-diterranée,
La Mer de Charles Trenet
Et je dis non, non, non, non, non !
Oui ! Je dis non, non, non, non, non, non, non, non, non !
Qu’on peut imaginer,
J’en ai fait à ma guise
Et aussi à Cambrai.
Je connais toutes les mers :
La Mer Rouge, la Mer Noire,
La Mer-diterranée,
La Mer de Charles Trenet
Et je dis non, non, non, non, non !
Oui ! Je dis non, non, non, non, non, non, non, non, non !
Tout
ça ne vaut pas
Un clair de lune à Maubeuge ;
Tout ça ne vaut pas
Le doux soleil de Tourcoing –
Un clair de lune à Maubeuge ;
Tout ça ne vaut pas
Le doux soleil de Tourcoing –
Coin,
coin ! Coin, coin !
Tout ça ne vaut pas
Une croisière sur la Meuse,
Tout ça ne vaut pas
Faire du sport au Kremlin-Bicêtre. »
Tout ça ne vaut pas
Une croisière sur la Meuse,
Tout ça ne vaut pas
Faire du sport au Kremlin-Bicêtre. »
Oh,
Lucien l’âne mon ami, j’aime beaucoup cette comparaison, ce lien
entre Venise et Maubeuge, car l’une et l’autre ville ont souffert
de cette notoriété lunaire. Maubeuge est bourrée de clairs de lune
et c’est là toute sa gloire. Venise meurt du tourisme né
pareillement de trop de célébrité et du goût glamoureux de
certains pour les lunes ; la Sérénissime survit des oripeaux
de ses gloires passées. Pourra-t-elle jamais s’en dépêtrer ?
J’en
doute, dit Lucien l’âne. Cela dit, tissons le linceul de ce vieux
monde historique, archéologique, fantasmagorique et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Comme
un sort qui ne veut pas se défaire,
Là-bas,
la terre se lie à la mer
Éclairs
dorés, échos du temps,
Fragile
magie majestueuse de l’enchantement.
En
promenade de venelles en placettes,
En
haut, on voit les bannières anciennes
D’une
cité autrefois reine
Dominatrice
et maintenant, en ruines.
Comme
le sang laisse la blessure vive
Venise
se vide et perd sa vie.
Les
maisons et les palais restent vides,
Seuls
quelques vivants y vivent
Parmi
ces pierres corrodées par les événements
D’une
culture qui vit désormais péniblement,
Pourchassés
sans pitié et en traître
Pour
faire place aux nouveaux maîtres.
Tuons
le clair de lune,
Les
gondoles placides sur la lagune,
Cette
image de carte postale,
Ces
gens en vedette dans les vitrines.
Tuons
le clair de lune,
Les
gondoles placides sur la lagune,
Cette
image de carte postale,
Ces
gens en vedette dans les vitrines,
Tableaux
au mur accrochés
Pour
les touristes qui viennent regarder
Ces
maîtres un temps des sept mers
Vendus
pour trente deniers au marché.
Seule
la dignité nous reste.
Arrêtons
les joutes, relevons la tête !
Ponts
et canaux reprenons !
Hyènes
et requins chez eux renvoyons !
Tuons
le clair de lune,
Les
gondoles placides sur la lagune,
Cette
image de carte postale,
Ces
gens en vedette dans les vitrines.
Tuons
le clair de lune,
Les
gondoles placides sur la lagune,
Cette
image de carte postale,
Ces
gens en vedette dans les vitrines.
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