samedi 20 juillet 2019

TUONS LE CLAIR DE LUNE



TUONS LE CLAIR DE LUNE


Version française – TUONS LE CLAIR DE LUNE – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson italienneUccidiamo il chiaro di lunaFahrenheit 451 – 1998
Texte et musique : Andrea Manzo






Dialogue Maïeutique


Je suppose, Lucien l’âne mon ami, toi qui marchas sur toutes les rives de la Méditerranée, et je suis même certain que tu connais Venise, son passé prestigieux et sa réputation.


Oh, dit Lucien l’âne, tu ne peux pas te tromper beaucoup en disant ça ; tu pourrais même y ajouter la Mer Noire, le Pont Euxin, les bords du Bosphore, la mer Égée et tant d’autres. Pour faire court, j’ajouterai l’Adriatique au fond de laquelle se cache la lagune et sa Cité-perle, Venise. J’ai parcouru aussi les rives de l’Atlantique et je suis allé sur d’autres rivages au bout du monde, mais c’est là une autre histoire. Tout ça pour dire qu’en effet, j’ai connu Venise et j’ai vu les temps de sa splendeur orgueilleuse. J’ai même entendu dernièrement des échos de son triste destin.


Eh bien, reprend Marco Valdo M.I., c’est précisément ce sort funeste qui est le thème de la chanson. Enfin, d’une partie de ce sort, car elle n’aborde pas le lent enfoncement de la cité dans le creux de la lagune, cette lente et longue agonie, irréfrénable, semble-t-il. Certaine même. Sans doute faudra-t-il entendre un jour cette interjection de sermon :


« Venise se meurt, Venise est morte ! »


À cela, me paraît-il, selon ce que j’ai entendu, dit Lucien l’âne, il n’y a pas grand-chose à faire et ce qui serait fait ne ferait que retarder un peu l’échéance. Mais laissons cela qui est assez sinistre et si ce n’est pas ce malheur, voyons les événements catastrophiques qu’envisage la chanson.


Donc, Lucien l’âne mon ami, laissant de côté ce destin de noyade, en soi déjà épouvantable, il y a aussi que Venise se vide de ses habitants – de ceux qui la font vivre quotidiennement, autant dire de son sang et qu’elle se transforme en une sorte de parc à thème pour touristes en mal de séjour romantique, suivant en cela un mouvement général. Le délire touristique, nourri de l’avidité des marchands illusionnistes, étrangle la vie partout dans le monde, jusqu’au sommet de l’Everest où cet été, on fait la file jusqu’à en mourir. Pour ce qui est de Venise, la ville paye cher sa réputation de clair de lune que vise expressément la chanson. Le groupe Fahrentheit 451 a parfaitement raison de crier :


« Tuons le clair de lune... »


Vraiment, elle a raison, dit Lucien l’âne. Rien de pire que les clairs de lune. Maubeuge aussi en a souffert, elle qui se meurt à deux pas de chez nous dans la célébration de son clair de lune. Souviens-toi, Marco Valdo M.I. mon ami, de ce fameux clair de lune qui perça les oreilles populaires jusqu’à les user. Mais pour qu’on n’en perde pas la trace, je te la récite en entier telle que l’avait écrite et interprétée son auteur, le chauffeur de taxi parisien Pierre Perrin. Donc voici, « Un Clair de Lune à Maubeuge » (1961)


Je suis allé aux fraises,
Je suis rev
enu de Pontoise,
J’ai filé à l’anglaise
Avec une Tonkinoise.
Oui, j’ai roulé ma bosse,
Je connais l’univers,
J’ai même roulé carrosse
Et
j’ai roulé les R
Et je dis non, non, non, non, non !
Oui ! Je dis non, non, non, non, non, non, non, non, non !
Tout ça ne vaut pas
Un clair de lune à Maubeuge ;
Tout ça ne vaut pas
Le doux soleil de Tourcoing
Coin, coin ! Coin, coin !
Tout ça n
e vaut pas
Une croisière sur la Meuse,
Tout ça n
e vaut pas
Des vacances au Kremlin-Bicêtre.

J’ai fait toutes les bêtises
Qu’on peut imaginer,
J’en ai fait à ma guise
Et aussi à Cambrai.
Je connais toutes les mers :
La Mer Rouge, la Mer Noire,
La Mer-diterranée,
La
Mer de Charles Trenet
Et je dis non, non, non, non, non !
Oui ! Je dis non, non, non, non, non, non, non, non, non !
Tout ça ne vaut pas
Un clair de lune à Maubeuge ;
Tout ça ne vaut pas
Le doux soleil de Tourcoing
Coin, coin ! Coin, coin !
Tout ça ne vaut pas
Une croisière sur la Meuse,
Tout ça ne vaut pas
Faire du sport au Kremlin-Bicêtre. »


Oh, Lucien l’âne mon ami, j’aime beaucoup cette comparaison, ce lien entre Venise et Maubeuge, car l’une et l’autre ville ont souffert de cette notoriété lunaire. Maubeuge est bourrée de clairs de lune et c’est là toute sa gloire. Venise meurt du tourisme né pareillement de trop de célébrité et du goût glamoureux de certains pour les lunes ; la Sérénissime survit des oripeaux de ses gloires passées. Pourra-t-elle jamais s’en dépêtrer ?


J’en doute, dit Lucien l’âne. Cela dit, tissons le linceul de ce vieux monde historique, archéologique, fantasmagorique et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.






Comme un sort qui ne veut pas se défaire,
Là-bas, la terre se lie à la mer
Éclairs dorés, échos du temps,
Fragile magie majestueuse de l’enchantement.


En promenade de venelles en placettes,
En haut, on voit les bannières anciennes
D’une cité autrefois reine
Dominatrice et maintenant, en ruines.


Comme le sang laisse la blessure vive
Venise se vide et perd sa vie.
Les maisons et les palais restent vides,
Seuls quelques vivants y vivent


Parmi ces pierres corrodées par les événements
D’une culture qui vit désormais péniblement,
Pourchassés sans pitié et en traître
Pour faire place aux nouveaux maîtres.


Tuons le clair de lune,
Les gondoles placides sur la lagune,
Cette image de carte postale,
Ces gens en vedette dans les vitrines.


Tuons le clair de lune,
Les gondoles placides sur la lagune,
Cette image de carte postale,
Ces gens en vedette dans les vitrines,


Tableaux au mur accrochés
Pour les touristes qui viennent regarder
Ces maîtres un temps des sept mers
Vendus pour trente deniers au marché.


Seule la dignité nous reste.
Arrêtons les joutes, relevons la tête !
Ponts et canaux reprenons !
Hyènes et requins chez eux renvoyons !


Tuons le clair de lune,
Les gondoles placides sur la lagune,
Cette image de carte postale,
Ces gens en vedette dans les vitrines.


Tuons le clair de lune,
Les gondoles placides sur la lagune,
Cette image de carte postale,
Ces gens en vedette dans les vitrines.

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