CHANT
D’ÉMIGRATION (LES CHAMPS SE
VIDENT ET LES ATELIERS SE REMPLISSENT)
Version
française – CHANT D’ÉMIGRATION (LES CHAMPS SE VIDENT ET LES
ATELIERS SE REMPLISSENT) – Marco Valdo M.I. – 2019
Chanson
italienne – Canto d'emigrazione (I campi si svuotano si riempiono
le officine) – Dario Fo – 1971
Dialogue
Maïeutique
« Les
champs se vident et les ateliers se remplissent », dit Lucien
l’âne, voilà qui me fait penser aux célèbres vases communicants
qui se déversent l’un dans l’autre.
Sans
doute, Lucien l’âne mon ami, mais cette comparaison est trompeuse,
car si tu t’en souviens, dans les mouvements de liquide entre les
vases communicants, le système tend à l’équilibre ; il tend
à mettre le liquide au même niveau et au niveau le plus élevé
possible. Évidemment, tout va dépendre de la capacité des vases,
de leurs tailles respectives, de la manière dont ils sont placés
l’un par rapport à l’autre.
Oh,
dit Lucien l’âne, mais s’il y a trop de liquide ou si le liquide
continue à remplir les vases… Ça finit par déborder, mais pour
les vases débordants, tant que le liquide continue à arriver, le
débordement continue. Il faut donc intervenir à la source pour
arrêter le flux, car un simple barrage ne fait que déplacer le
problème en créant un vase de plus. A contrario, dans le cas d’un
lac de montagne et l’océan dans lequel, au bout du cours, il se
déverse, sauf bouleversement majeur, le liquide - en l’occurrence
de l’eau et pour autant qu’il en reste dans le lac et qu’il
pleuve ou que des glaciers situés plus haut encore fondent et
alimentent le lac – continue de couler et jamais l’océan ne
déborde.
Je
me demande, Marco Valdo M.I. mon mai, dans quoi l’océan
pourrait-il déborder ?
Un
autre océan, répond Marco Valdo M.I. en riant. Cependant, peu
importe ce qu’il advient de ce liquide et de ces vases, on s’égare
finalement, car dans le cas des champs et des ateliers, ce sont des
humains qu’on déplace, qui se déplacent, ça dépend. De plus,
leurs déplacements dépendant de mille critères. Le fait est que
dans la chanson, ils se déplacent en grand nombre dans un mouvement
qui paraît collectif et plus ou moins, ordonné des champs vers les
ateliers.
Mais,
dit Lucien l’âne, aussi grands que soient les ateliers, ils ne
sont jamais aussi grands que les champs.
Certes,
répond Marco Valdo M.I., mais ça n’est pas la raison du vide ;
la raison en est que non seulement, les champs se vident, mais
également, que les zones rurales ne se repeuplent plus ; et
même quand elles ont rempli les ateliers, elles continuent à se
vider au profit des villes et particulièrement, des mégapoles. Pour
en venir à la canzone, elle raconte cette gigantesque migration des
campagnes vers les villes et au-delà vers des villes et des pays
lointains. C’est une fuite de populations entières de la misère
rurale locale vers la misère des faubourgs industriels qu’on ne
découvre qu’à l’usage, quand le mirage s’est évanoui. C’est
ce qui est arrivé à Marcovaldo, mon ancêtre littéraire, c’est
son histoire que raconta Italo Calvino.
Une
amusante et terrifiante histoire, dit Lucien l’âne, et en même
temps aussi amusante et terrifiante que la vie elle-même. Pense
donc, un émigré du Sud (à l’époque, vu des villes industrielles
du Nord, le Sud se limitait encore à l’Italie), marié, six
enfants, vivant tous dans un sous-sol ; un manœuvre sans aucune
qualification, véritablement perdu dans cette ville (Turin ?)
et qui – il faut bien le dire – un peu idiot, probablement
analphabète et qui malgré tout, fait face à ce destin absurde. Et
encore, il avait un sort pas trop effroyable par rapport à ce qui se
passe dans les faubourgs des mégapoles, dont la plupart, malgré
leurs millions d’habitants, nous sont inconnues, de l’Inde, de la
Chine, du Pakistan, du Nigéria, d’Afrique du Sud, du Brésil,
d’Argentine ou du Mexique ou que sais-je ou que dis-je, je
m’arrête, la liste serait infinie. Combien de miséreux là,
maintenant, dans ce monde : sept milliards ? Demain, dix
milliards ? Et s’il est vrai que quand on est dans la misère,
on tire le diable par la queue, alors, je me demande quelle longueur
doit avoir la queue du diable et quelle douleur, le pauvre diable
doit ressentir. Rien que d’y penser, j’en ai mal au bout de mon
échine. Alors, tissons le linceul de ce vieux monde effroyable,
terrible, mortifère, misérable, miséreux et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Les
champs se vident,
Les
ateliers se remplissent.
De
Sicile, des Pouilles et de Calabre,
Mille
trains de désespérés partent.
Adieu,
adieu amour !
Dans
les bagnes lointains
De
Lombardie et de Turin,
Adieu,
adieu amour,
Nous
allons mourir au turbin
Pour
pouvoir vivre jour après jour.
Avec
les fiches de paie, ils nous étranglent ;
Avec
le logement, ils nous étranglent ;
Avec
tout ce que nous devons payer, ils nous étranglent.
Adieu,
adieu amour !
Dans
les bagnes lointains
De
Lombardie et de Turin,
Adieu,
adieu amour,
Nous
allons mourir au turbin
Pour
pouvoir vivre jour après jour.
Avec
les fiches de paie, ils nous étranglent ;
Avec
le logement, ils nous étranglent ;
Avec
tout ce que nous devons payer, ils nous étranglent.
Adieu,
adieu amour !
Dans
les bagnes lointains
De
Lombardie et de Turin,
Adieu,
adieu amour,
Nous
allons mourir au turbin
Pour
pouvoir vivre jour après jour.
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