lundi 1 avril 2019

DIVERGENCES


DIVERGENCES



Version française – DIVERGENCES – Marco Valdo M.I. - 2019
Chanson italienne – Differenza di ideeSocietà del Chiassobujo – 2010





C’est une belle histoire. Et je suis heureux d’être tombé dessus un premier mai ensoleillé. Sortir le disque du plastic, le mettre dans le lecteur et entendre dès les premières notes que ce n’est pas l’habituel produit. Puis les mots commencent, le chant, on réalise que les mots qui se déroulent doucement ne sont pas d’aujourd’hui, ils ne sont up-to-date (pas plus mal !), Mais ont une patine d’ancien, une naïveté de base qui est faite de bons, de simples, de beaux sentiments. Mais la langue est recherchée, aussi ancienne soit-elle, et de plus, elle se mêle à merveille à la musique qui, à son tour, sent les mélodies déjà entendues qui ont leurs racines dans la grande culture populaire. C’est le moment de s’arrêter et de mieux regarder à quoi nous avons à faire. Le titre de l’album ressemble déjà à un film de Lina Wertmuller : "Jacopo Bordoni : maçon, poète, rebelle". Mais c’est encore mieux avec l’interprète qu’est la Società del Chiassobujo Sur la couverture, il y a une vieille photo et un monsieur avec une grande moustache qui nous regarde avec des yeux attentifs.

Ce monsieur est Jacopo Bordoni, un vrai poète maçon, né le 30 août 1860 et mort le 27 novembre 1936 à Poppi, Casentino, dans la province d’Arezzo. "Jacopo Bordoni est un maçon de Poppi : un vrai et authentique maçon, aux mains rugueuses, au front brûlé, aux paupières et aux moustaches blanc de chaux, qui survit avec trente sous par jour et déjeune comme si sa truelle était inactive. Qui naît à Poppi naît poète, tout comme pour ceux qui ne sont pas complètement opposés à être dominés par le paysage, y aller le deviennent un peu plus. Poppi est la ville de la ballade, de la ritournelle, de la légende mélancolique, dont les vers dans la douceur endormie de leurs cadences se perdent entre les champs et les berges de l’Arno. Peu d’autres régions d’Italie sont aussi sensibles que le Casentino, où un esprit particulier, souvent âpre et amer, se mêle à la tristesse et à la langueur tragiques de l’âme chantante du peuple.
Et c’est ainsi que nous retrouvons entre nos mains un véritable joyau de chansons populaires qui, en partie ont été écrites maintenant, en partie à la fin du XIXième siècle et en partie il y a plus longtemps encore. Un voyage dans l’esprit sain d’une époque qui fut en un lieu qui est (encore). Mais qu’en même temps, tout en y étant, il devient aussi une potentialité : un lieu féerique et suspendu, un macondo à l’italienne, où le miracle est encore possible. Et ce disque sent le miracle.

Nous sommes dans le domaine de la grande musique populaire, où les mérites sont partagés entre beaucoup de gens : la voix de Lanini, les arrangements de Giuntini, les interventions instrumentales ponctuelles de tous les autres, la musique, encore une fois par Lanini, mais surtout les paroles de Jacopo Bordoni, un vrai maçon, un vrai poète et un vrai rebelle : un socialiste de ceux d’autrefois imprégnés d’idéaux nobles dans ces "Differenze di idee" – « Divergences » quand il décrit l’hiver du riche et celui des pauvres. Certes, des vers plutôt naïfs, mais combien vrais !
(Résumé du commentaire italien)



Et tombent tombent les flocons blancs
L
égers, silencieux, fantastiques, minces ;
Ils s’encourent loin, portées par les vents
Les
blancs flocons légers… silence.

sont les voix des rudes paysans :
Des plaines ni des monts, des monts ni des plaines,
On entend seulement la funeste cantilène,
Des pins et des sapins sous la tempête se tordant.


Le riche de son lit se lève, et s’exclame,
Regardant par la vitre : – Quel beau panorama !
Ici
au dedans, au chaud, l’hiver est délectable,
Il est plein
d’images, c’est un tableau de choix. -


Et s’en va murmurant que les lambeaux neigeux
Sont les guirlandes des mystiques amoureux ;
Les tours, les
palais lui paraissent plus beaux,
Modelés de marbre dans le
urs chapiteaux.

Et il chante ; – L’hiver qui blanchit tout le créé,
Étend un voile candide sur les prés !
L’hiver, avec la bombance, est un charme infini,
Qu
i renforce le corps, qui entrouvre l’esprit.

L’été nous amollit les membres, et nous rend bêtes,
Une
touffeur accablante nous brise la tête ;
L’été nous cuit aux feux de l’enfer,
Notre bien-être est ici dans l’hiver. -

Le pauvre, dans sa froide bicoque,
Avec l’eau gelé
e au fond de son broc,
S’exclame :Quelle triste neigée dans le pré ;
Que
l voile funéraire, quel hiver damné !
Quelle bise coupante, quelle furie de vent,
Que
ls jours d’ineptie, quel froid, quel tourment !
S’il continue ce temps de chien
Sifflant,
neigeant, que mangerai-je demain ? -

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