jeudi 28 mars 2019

Le Temps des Rides



Le Temps des Rides


Lettre de prison 16
1 mai 1934









Dialogue Maïeutique


Comme tu le précises si souvent, Lucien l’âne mon ami, j’espère que tu as conservé ta mémoire d’âne et que tu te souviens de la fin de la précédente chanson qui s’intitulait « Les Cartes-lettres ».

Parfaitement, Marco Valdo M.I. mon ami. Elle évoquait la Grammaire de l’Académie française dont elle disait qu’elle était un monument d’érudition et concluait « nous y reviendrons ».

Précisément, reprend Marco Valdo M.I., nous y voilà, on y revient avec un de ces petits morceaux d’humour à l’acide ironique dont le docteur Levi est coutumier. Constatant que la décision de faire cette grammaire avait été prise en avril 1634 et que sa première (et dernière encore à présent) édition datait de 1932, soit qu’il s’était écoulé à peu de chose près, trois siècles, le Dr. Levi indique la patience comme principale vertu de l’Académie française. Et en vérité, il n’avait pas tort. Par ailleurs, c’est également le cas du dictionnaire de la même académie qui avance à une allure d’académicien ; pour tout dire, un mot après l’autre, chaque mot faisant l’objet de savantes discussions. Sachant para ailleurs que la langue française comporte plusieurs dizaines de milliers de mots…

Mais au fait, Marco Valdo M.I. mon ami, où en est-il ce dictionnaire ?

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, il me faut te faire une réponse articulée en trois points. Premièrement, il faut savoir que l’Académie procède avec méthode et par ordre alphabétique et que quand elle termine un dictionnaire, elle s’élance immédiatement, mais lentement, dans l’élaboration de l’édition suivante. C’est pour elle, une course sans fin contre la langue. Deuxièmement, la dernière édition en date est la huitième et elle remonte à 1934, comme la grammaire. Troisièmement, l’édition suivante – la neuvième – est en cours de rédaction. En décembre 2018, on en était au mot « savoir ».

« Savoir », la belle affaire, dit Lucien l’âne, au train où vont ces personnages savantissimes, c’est pas demain qu’on verra cette édition dans sa version complète. Pendant ce temps, la langue court les routes et les rues. À quel dictionnaire se fier alors ?

Là, Lucien l’âne mon ami, c’est une question à laquelle je peux répondre. Je te conseille de consulter le portail lexical du CNRTLF, soit le Centre National de Ressources textuelles et lexicales (www.cnrtlf.fr), c’est l’instrument le plus complet que je connaisse et de surcroît, très pratique. Ceci dit, il existe évidemment d’autres excellents dictionnaires plus usuels en version papier.

Oh, dit Lucien l’âne en souriant, j’irai consulter ce portail lexical pas plus tard que tout à l’heure. Remarque que le titre de la chanson s’applique parfaitement à la grammaire et au dictionnaire de l’Académie. Pour le reste que dit la chanson ?

Je ne t’en dirai rien de particulier, Lucien l’âne mon ami. Il te suffira de la lire, tout est dans le texte.

Très bien, faisons ainsi, Marco Valdo M.I. mon ami et tissons le linceul de ce vieux monde lent, pondéré, trop mûr, haletant, savant et cacochyme.

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


La grammaire de l’Académie de France
De 1932 est la première édition.
Elle est conforme à la décision
D’avril 1634. À l’Académie de France,
La patience est de première importance.

Mais où est mai ? Mais où est ma libération ?
Toujours ce gris, mais où est le printemps ?
Dans ma chambre à paiement,
Je ne suis plus en isolement.
Mais je reste seul en prison.

Je suis un prisonnier modèle et comme
N’importe quel honnête homme
Je lis tout et même mieux que ça :
Le chapelain m’a donné la Somme.
Je sortirai d’ici thomiste, je le crois.

Je ne sais de quoi on m’accuse,
À qui, sert-il de me serrer ici, à quoi ?
Que veut-on de moi ?
Croit-on que mon innocence s’use
De m’interroger tant de fois ?

Parfois, assis ici sur mon lit,
Je pense avoir vécu un temps infini.
Je ne suis pas si vieux, ni si perclus :
Il y faudra plus de tourments, plus de soucis ;
Le temps des rides n’est pas encore venu.

Demain, je passe devant la Commission,
La Commission provinciale de Relégation.
Il pleut aujourd’hui, il pleut depuis deux mois.
Demain, le soleil sortira
Et moi aussi, et on se retrouvera.

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