lundi 26 novembre 2018

Le Soleil se couche


Le Soleil se couche


Chanson française – Le Soleil se couche – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
112
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, XV)





Dialogue Maïeutique

Serait-ce, Marco Valdo M.I. mon ami, que tu te lancerais dans des considérations météorologiques, comme le font les Anglais lorsqu’ils se rencontrent ? Qu’est-ce donc que cette chanson sur le soleil qui se couche ? A-t-on idée d’un tel sujet ? Pour une peinture, je le conçois aisément ; pour un éleveur de poules en plein air, également, c’est le moment de les rentrer ; pour une mère de famille nombreuse, on le comprend, mais ici ?

Ici, mais précisément ici, Lucien l’âne mon ami, c’est le lieu, le moment et le cas de le dire, car c’est sur péremptoire affirmation que se termine la chanson. Elle dit exactement :

« Philippe, enfin, le soleil se couche ! »

Et que veut-elle signifier à ce Philippe, qui n’est autre que – tu l’auras deviné – Philippe II d’Espagne, qu’elle nomme à plusieurs reprises : Philippe l’odieux ? Pour éclairer la signification de cette phrase sibylline, il faut en passer par un peu d’Histoire. Donc, on conte que Charles Quint, le père de ce Philippe, aurait dit et en espagnol, parlant de son empire :
« imperio en el que nunca se pone el sol »,

ce qui se traduit par un « empire sur lequel le soleil ne se couche jamais ». Philippe héritera de ce monde augmenté et de cette jolie définition.

Je vois, dit Lucien l’âne en riant, ils ne manquaient pas d’air ces gens-là. M’est avis que c’est une expression de leur ego légèrement hypertrophié.

C’est effectivement ce que les Gueux pensaient de ces souverains, continue Marco Valdo M.I., et ce dernier vers est prémonitoire. La libération des Pays de la domination espagnole et en corollaire, de l’Inquisition, est sans doute la première étape de la décomposition de cet « imperio en el que nunca se pone el sol » et aussi, du vaste mouvement de décolonisation toujours en cours. L’Empire espagnol sera le premier qui se décrépira, qui s’effilochera, qui partira en lambeaux perdant ses morceaux l’un après l’autre tout au long des siècles.

Comme il reste encore des parties qui veulent leur indépendance, dit Lucien l’âne, ce n’est sans doute pas fini. Mais que dit d’autre cette chanson ?

En premier lieu, Lucien l’âne mon ami, je voudrais attirer l’attention cette sorte de clair-obscur qui teinte toute la chanson : dans l’obscur, Philippe et sa mélancolie ; dans le clair, Nelle, Till, Lamme et Gueux et leur joie ; il correspond à l’opposition entre le despotisme espagnol et le penchant pour la liberté des Gueux. La chanson est la lamentation de Philippe aux prises avec cette décrépitude (celle de son empire et la sienne propre), rongé par sa rage d’être nargué par ces Gueux moqueurs et très irrespectueux de sa majesté.

Et bien, dit Lucien l’âne, voyons ça ; puis, tissons le linceul de ce vieux monde plein d’orgueil, d’arrogance, de vertus et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Quand le roi de sang, Philippe l’odieux,
Apprend les victoires des Gueux.
La mort ronge déjà le bourreau,
Les vers se mettent à trouer sa peau.

Marmiteux, farouche, traînant
Ses jambes gourdes et ses pieds pesants,
L’homme, fourbu, s’en va bancal
Claudiquant en son Escurial.

Il ne chante plus le cruel tyran,
Son rire n’effleure jamais le vent,
Il ne sourit pas au jour levant.
Le soleil rit jaune sur son empire d’Occident.

Se lamentant en son majestueux château,
Ainsi, s’en va Philippe l’odieux,
Enfant chéri de la Sainte Mère l’Église et de Dieu,
Empereur de tant de terres et de tant d’eaux.

Pour le Bourbon, l’Espagne triomphale,
Tient la moitié du monde en propriété
Et guigne, fière, l’autre moitié
En futures possessions impériales.

Dis-moi, cher miroir, mon beau miroir,
Qui est le Prince le plus puissant ?
Au nord, pourtant, on entend des craquements :
Dans les Pays se brisent les glaces du pouvoir.

Nelle, Till et Lamme sont plus réjouis
Des bûchers éteints par les Gueux
Que n’est en joie le roi odieux
Du sac d’une ville aux Pays.

Sur les vaisseaux des Gueux, sous le ciel clair,
Sur les eaux tragiques, sur les flots verts,
Les fifres, les cornemuses musiquent l’air,
Glougloutent les flacons, tintent les verres.

Battons le tambour de gloire,
Battons le tambour de victoire,
La goule se meurt, l’Espagne est vaincue,
Aux Pays, Madame Liberté est revenue.

Les Gueux tiennent toutes les bouches :
Bouches de Meuse, bouches de Rhin, bouches d’Escaut.
La moisson est mûre pour la faux.
Philippe, enfin, le soleil se couche !

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