samedi 17 novembre 2018

La Malédiction de Lamme


La Malédiction de Lamme


Chanson française – La Malédiction de Lamme – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
108
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, XI)



Dialogue Maïeutique

Pour cette fois, commence Marco Valdo M.I., je ne partirai pas du titre « La Malédiction de Lamme » pour présenter cette chanson, je me contenterai de rappeler que lors du précédent épisode « Le Carillon d’Harlem », la ville était assiégée et l’hiver glacé avait coupé la route aux secours et poussé la flotte des Gueux à la retraite. Tout au long, souviens-toi, les cloches et le carillon accompagnaient l’histoire de leur fanfare ; mais à la fin, commençait le siège de la ville : un siège qui allait durer des mois ; des mois durant lesquels les habitants résistèrent, jusqu’au moment où la faim engendra la fin.

Je me souviens de tout cela, dit Lucien l’âne, je me souviens de la neige, du gel, du vacarme des cloches et du carillon, mais voyons la suite.

Ici, après une lutte à un contre dix, le siège se termine et la ville se rend aux Espagnols ; les bourgeois, il faut comprendre les habitants de la ville, rachètent pour un montant absolument colossal, à l’Espagnol vénal, le pillage et la vie des citadins. Moyennant cette honteuse transaction, l’Espagnol accepte et promet cette vie sauve à tous ceux qui sont dans la ville ; mais il ne tiendra pas sa parole et il massacrera les Gueux prisonniers – des Wallons (près de mille), des Anglais, des Écossais, qui dans cette guerre de liberté anticipent les milices internationales qui près de quatre cents ans plus tard affronteront les armées franquistes. Curieusement, il épargne les mercenaires allemands, dont il imagine sans doute pouvoir acheter les services. Au début, l’Espagnol pendra ses prisonniers de guerre, mais ensuite, trouvant la méthode trop lente ou peu rentable, il en viendra à l’égorgement et alors, coulera un fleuve de sang. Comme dit Till dans la chanson :

« Quand la corde ne suffit pas au trépas,
Vient l’heure de l’épée, du glaive et du coutelas. »

Oh, dit Lucien l’âne, la démarche n’est pas nouvelle. À Constantinople et à Jérusalem, les Croisés marchaient dans des rues où coulait en rus malodorants le sang de leurs victimes. Les armées de la Mère Catho ont une manière bien à elles de faire du tourisme. Et puis, on n’est pas loin de la Saint-Barthélémy. Mais que vient faire dans cette histoire ce titre finalement intriguant ?

Cette « Malédiction de Lamme », répond Marco Valdo M.I., arrive tout à la fin de la chanson. Lamme écœuré par tant de vilenie, par tant de cruauté, par tant de mauvaise foi, Lamme qui voit venir sa mort et celles de Till et de Nelle, Lamme qui marche au supplice portant sa bedaine vide, laisse éclater sa rancœur et sa colère. Réduit à l’impuissance, au pied de la potence, il maudit le duc félon, le fils d’Albe, le ducaillon sanguinaire et il appelle sur lui une malédiction particulière, un traitement de son cru qui ne maque pas d’imagination culinaire.

Ah, Marco Valdo M.I. mon ami, que voilà un bonhomme, ce bon Lamme est un cœur d’or dans une bedaine d’âne. Moi, je l’aime beaucoup et j’espère que ce n’est pas encore là l’heure de sa mort.

Lucien l’âne mon ami, ne te désole pas si vite, souvent les trains les plus sûrs ont du retard, certains même n’arrivent jamais, certains sont annulés, que sais-je ? Peut-être, comme la nôtre, sa mort ne viendra-t-elle jamais ?

Que le Dieu des ânes (et s’il existe, c’est évidemment un âne ; comme tous les dieux, et même si à la rigueur, il n’y en a qu’un seul, c’est un métamorphe, comme celui qui subvertit Majipoor ; comme le caméléon, il adapte son apparence à son environnement) me damne si Lamme en réchappe et que le Diable des ânes fasse à son tour rissoler ce ducaillon d’Espagne. Enfin, tissons le linceul de ce vieux monde nationaliste, impérialiste, militariste et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





Voici juin, les foins embaument l’air ;
Au soleil, les oiseaux et les blés chantent.
La faim est plus forte que le fer
Et la ville épuisée, affamée déchante.

La flotte des Gueux se retire en mer,
Les secours d’Orange tardent sur terre,
Et nous, nous tenons à mille contre dix mille.
Le bonheur nous délaisse et fui la ville.

Moyennant paiement, le duc de sang accorde la paix
Et la vie à tout qui vit dans la ville.
Les Espagnols entrent au grand complet.
« Nous mourrons aujourd’hui », dit Till.

Les bourgeois rachètent le pillage et leurs vies
Au prix de deux cent quarante mille florins.
Dans les églises, on a mis les femmes à l’abri.
Le massacre des Gueux commence ce matin.

Les Espagnols pendent trois cents Wallons au marché.
Nelle dit : « Le sol est trempé, c’est le sang des décapités. »
Till dit : « Quand la corde ne suffit pas au trépas,
Vient l’heure de l’épée, du glaive et du coutelas. »

Cinq cents Wallons sont séparés de leur tête,
Des Anglais, des Écossais et trois cents autres encore
Ont le crâne libéré du corps
Et les bourreaux font la fête.

« Cette fois, dit Lamme, c’est le festin de mort. »
« Nous mourrons, dit Nelle, mais pas encore. »
Quatre de front, les prisonniers vont en cadence
Par les rues rouges au champ de potences.

Sur les murailles, le sang se plaque ;
Les corbeaux accourent de tous côtés.
Par-ci par-là, le sang en flaques
Tache les chemins et les prés.

Lamme dit : « Si je tenais ce duc de sang,
Jusqu’à ce que sa peau éclate,
Je lui ferais manger cordes et bancs
Et avaler tout son jus écarlate.

Hors de sa peau déchirée et de son poitrail,
Je lui arracherais le foie et le cœur,
Et je dirais au diable de rôtir ses tripailles
Et de le cuisiner toute l’éternité, au beurre. »

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