La
Malédiction de Lamme
Chanson
française – La
Malédiction de Lamme
– Marco Valdo M.I.
– 2018
Ulenspiegel le Gueux – 108
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, XI)
Ulenspiegel le Gueux – 108
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, XI)
Dialogue
Maïeutique
Pour
cette fois, commence Marco Valdo M.I., je ne partirai pas du titre «
La Malédiction de Lamme » pour présenter cette chanson, je me
contenterai de rappeler que lors du précédent épisode « Le
Carillon d’Harlem », la ville était assiégée
et l’hiver glacé avait coupé la route aux secours et poussé la
flotte des Gueux à la retraite. Tout au long, souviens-toi, les
cloches et le carillon accompagnaient l’histoire de leur fanfare ;
mais à la fin, commençait le siège de la ville : un siège
qui allait durer des mois ; des mois durant lesquels les
habitants résistèrent, jusqu’au moment où la faim engendra la
fin.
Je
me souviens de tout cela, dit Lucien l’âne, je me souviens de la
neige, du gel, du vacarme des cloches et du carillon, mais voyons la
suite.
Ici,
après une lutte à un contre dix, le siège se termine et la ville
se rend aux Espagnols ; les bourgeois, il faut comprendre les
habitants de la ville, rachètent pour un montant absolument
colossal, à l’Espagnol vénal, le pillage et la vie des citadins.
Moyennant cette honteuse transaction, l’Espagnol accepte et promet
cette vie sauve à tous ceux qui sont dans la ville ; mais il ne
tiendra pas sa parole et il massacrera les Gueux prisonniers – des
Wallons (près de mille), des Anglais, des Écossais, qui dans cette
guerre de liberté anticipent les milices internationales qui près
de quatre cents ans plus tard affronteront les armées franquistes.
Curieusement, il épargne les mercenaires allemands, dont il imagine
sans doute pouvoir acheter les services. Au début, l’Espagnol
pendra ses prisonniers de guerre, mais ensuite, trouvant la méthode
trop lente ou peu rentable, il en viendra à l’égorgement et
alors, coulera un fleuve de sang. Comme dit Till dans la chanson :
« Quand
la corde ne suffit pas au trépas,
Vient
l’heure de l’épée, du glaive et du coutelas. »
Oh,
dit Lucien l’âne, la démarche n’est pas nouvelle. À
Constantinople et à Jérusalem, les Croisés marchaient dans des
rues où coulait en rus malodorants le sang de leurs victimes. Les
armées de la Mère Catho ont une manière bien à elles de faire du
tourisme. Et puis, on n’est pas loin de la
Saint-Barthélémy. Mais que vient faire dans cette
histoire ce titre finalement intriguant ?
Cette
« Malédiction de Lamme », répond Marco Valdo M.I.,
arrive tout à la fin de la chanson. Lamme écœuré par tant de
vilenie, par tant de cruauté, par tant de mauvaise foi, Lamme qui
voit venir sa mort et celles de Till et de Nelle, Lamme qui marche au
supplice portant sa bedaine vide, laisse éclater sa rancœur et sa
colère. Réduit à l’impuissance, au pied de la potence, il maudit
le duc félon, le fils d’Albe, le ducaillon sanguinaire et il
appelle sur lui une malédiction particulière, un traitement de son
cru qui ne maque pas d’imagination culinaire.
Ah,
Marco Valdo M.I. mon ami, que voilà un bonhomme, ce bon Lamme est un
cœur d’or dans une bedaine d’âne. Moi, je l’aime beaucoup et
j’espère que ce n’est pas encore là l’heure de sa mort.
Lucien
l’âne mon ami, ne te désole pas si vite, souvent les trains les
plus sûrs ont du retard, certains même n’arrivent jamais,
certains sont annulés, que sais-je ? Peut-être, comme la
nôtre, sa mort ne viendra-t-elle jamais ?
Que
le Dieu des ânes (et s’il existe, c’est évidemment un âne ;
comme tous les dieux, et même si à la rigueur, il n’y en a qu’un
seul, c’est un métamorphe, comme celui qui subvertit Majipoor ;
comme le caméléon, il adapte son apparence à son environnement) me
damne si Lamme en réchappe et que le Diable des ânes fasse à son
tour rissoler ce ducaillon d’Espagne. Enfin, tissons le linceul de
ce vieux monde nationaliste, impérialiste, militariste et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Voici
juin, les foins embaument l’air ;
Au
soleil, les oiseaux et les blés chantent.
La
faim est plus forte que le fer
Et
la ville épuisée, affamée déchante.
La
flotte des Gueux se retire en mer,
Les
secours d’Orange tardent sur terre,
Et
nous, nous tenons à mille contre dix mille.
Le
bonheur nous délaisse et fui la ville.
Moyennant
paiement, le duc de sang accorde la paix
Et
la vie à tout qui vit dans la ville.
Les
Espagnols entrent au grand complet.
« Nous
mourrons aujourd’hui », dit Till.
Les
bourgeois rachètent le pillage et leurs vies
Au
prix de deux cent quarante mille florins.
Dans
les églises, on a mis les femmes à l’abri.
Le
massacre des Gueux commence ce matin.
Les Espagnols
pendent trois cents Wallons au marché.
Nelle
dit : « Le sol est trempé, c’est le sang des
décapités. »
Till
dit : « Quand la corde ne suffit pas au trépas,
Vient
l’heure de l’épée, du glaive et du coutelas. »
Cinq
cents Wallons sont séparés de leur tête,
Des
Anglais, des Écossais et trois cents autres encore
Ont
le crâne libéré du corps
Et
les bourreaux font la fête.
« Cette
fois, dit Lamme, c’est le festin de mort. »
« Nous
mourrons, dit Nelle, mais pas encore. »
Quatre
de front, les prisonniers vont en cadence
Par
les rues rouges au champ de potences.
Sur
les murailles, le sang se plaque ;
Les
corbeaux accourent de tous côtés.
Par-ci
par-là, le sang en flaques
Tache
les chemins et les prés.
Lamme
dit : « Si je tenais ce duc de sang,
Jusqu’à
ce que sa peau éclate,
Je
lui ferais manger cordes et bancs
Et
avaler tout son jus écarlate.
Hors
de sa peau déchirée et de son poitrail,
Je
lui arracherais le foie et le cœur,
Et
je dirais au diable de rôtir ses tripailles
Et
de le cuisiner toute l’éternité, au
beurre. »
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