dimanche 14 octobre 2018

Les Sorciers

Les Sorciers


Chanson française – Les Sorciers – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
98
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
IV, V)




Dialogue Maïeutique


Ce titre « Les Sorciers », Lucien l’âne mon ami, résume le thème de la chanson qui présente le début du procès fait à Katheline et à Joos Damman, son amant maléfique. Cependant, avant d’aller plus loin, il me faut faire un petit commentaire à propos du mot « sorcier » et de ses dérivés : « sorcière, sorcellerie, etc. ». Des sorciers, etc., grosso modo, il y en a deux grandes catégories : les sorciers, etc. qui sont des guérisseurs du corps et de la psyché, des sages, des savants, des intercesseurs entre l’homme et la nature ; ceux-là sont des personnages importants de la tribu – ceux-là sont universels ou presque ; et les sorciers au sens chrétien et plus largement, des religions monothéistes (pas seulement catholique) de personnes liées par un pacte avec le diable ; ce sont les futurs clients des bourreaux. Donc, comme tu le sais sans doute, notamment au temps de Till, une des pires accusations qui se pouvaient porter contre quelqu’un était celle de sorcellerie, de liaison avec le diable. L’accusation de sorcellerie devait être établie et elle l’était quasiment toujours vu qu’elle était vérifiée par la torture menée jusqu’aux aveux – dans l’intérêt même du torturé, car l’aveu valait confession et rémission du péché post-mortem ; elle était suivie nécessairement la mise à mort raffinée du sorcier ou de la sorcière.

En effet, Marco Valdo M.I. mon ami, c’étaient des temps déraisonnables, où on voyait partout la main du diable ou son intervention, même indirecte. La vie n’y était pas tellement drôle et si on donnait au sorcier un rôle, c’était celui du supplicié. Il s’agissait de tenir l’effroi dessus la tête des gens. Pourtant, cette manière de désigner sous le nom de sorcellerie ce que l’on souhaitait voir condamner n’est pas une spécialité exclusive de ce siècle-là (le XVIᵉ), ni de ces régions. Aussi loin qu’on remonte dans la « civilisation chrétienne », on retrouve cette démonisation accusatrice et létale.

On voyait le diable partout, c’était l’époque, dit Marco Valdo M.I. et il est vrai qu’elle durait déjà depuis des siècles, mais la chasse aux sorcières est encore pratiquée de nos jours, sous d’autres formes et le sens et la pratique s’en sont étendus au-delà des usages religieux. Le mécanisme sous-jacent reste évidemment le même, c’est une variante du « Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage ». Cependant, la chanson, outre l’accusation menée par le Bailli, comporte l’odieuse et veule défense de Joos Damman, qui – mensonge et pleutrerie- rejette tout sur les deux femmes : Katheline, celle qu’il a séduite et escroquée et Nelle, qui est sa propre fille.

Brrr, j’en ai le poil tout dressé, dit Lucien l’âne, et j’ose à peine lire la chanson. Enfin, tissons le linceul de ce vieux monde injuste, médisant, mauvais, menteur et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



La neige fond, les prés se noient ;
La cloche appelle les juges au tribunal
Et tout le populaire se déploie
Autour du lieu de justice banal.

« Joos Damman ou Hans le Blême,
Qui dans sa personne est le même,
Avoue effrontément le meurtre d’Hilbert
Et même, l’avoir poignardé à terre.

Cet homme et cette femme sont abominables
Sorciers, dit le Bailli, suppôts du diable ;
Lui, méchant manipulateur, fauteur de maléfices ;
Elle, esclave soumise et manifeste complice.

Pour elle, je le comprends bien, les échevins
Et le peuple ont compassion et chagrin.
Elle n’a ni tué, ni volé, ni jeté des sorts,
Mais au diable, elle livra sa fille sans remords.

Si Nelle n’avait pas résisté à Hilbert,
Si Nelle ne lui avait pas blessé les yeux,
Si Nelle s’était prêtée à cet horrible jeu,
Nelle serait, elle aussi, devenue sorcière.

Je suis, comme vous tous, ému de pitié,
Mais Katheline ne veut pas avouer.
Y a-t-il d’autres crimes, d’autres forfaitures ?
Pour le savoir, il ne reste que la torture. »

Et Nelle crie : « Grâce pour Katheline ! »
Et le peuple crie : « Grâce pour Katheline ! »
Et Katheline crie : « Viens cette nuit, mon aimé,
La main d’Hilbert, je vais te donner.

Hans mon aimé, la tête me fait si mal. »
Damman crie : « Crève, chienne !
Elle n’est pas folle, c’est une comédienne.
Jetez-la au feu, messieurs du tribunal.

« Je ne te connais pas, folle sorcière,
Ton Hans chéri, c’est Hilbert.
Ton Hilbert a volé le trésor
Et maintenant, il est mort.

Ce sont Nelle, sa fille et elle,
Les seules vraies coupables.
Ce sont elle et sa fille, Nelle,
Les véritables sorcières du diable. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire