La
douce Mort de Katheline
Chanson
française – La
douce Mort de Katheline
– Marco Valdo M.I.
– 2018
Ulenspiegel le Gueux – 101
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, VI)
Ulenspiegel le Gueux – 101
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – IV, VI)
Dialogue
Maïeutique
La
mort douce ? La douce mort ? Comment une mort peut-elle
être douce ?, demande Lucien l’âne. Personnellement, moi qui
suis immortel, je n’ai pas fait l’expérience de la mort et je ne
la ferai pas. Et puis, même, je n’ai jamais rencontré quelqu’un
qui l’aurait faite. Je veux dire quelqu’un de vivant.
C’est
assez normal, dit Marco Valdo M.I. ; souviens-toi que pour
l’humain moyen et je suppose qu’il en va de même de façon
générale pour l’animal, la mort est le but de la vie et chacun
s’efforce d’y arriver. C’est même elle qui donne son sens à
la vie. Reste à savoir dans quel état et dans quelles conditions on
y parvient.
Une
mort douce est paradoxale, cependant, reprend Lucien l’âne. Enfin,
tout dépend de ce qu’on appelle la mort. Est-ce l’acte de passer
de la vie au néant, l’action de ce passage ? Ou l’entend-on
comme l’état dans lequel on se trouve par disparition ou par
absence de vie ?
Ça,
Lucien l’âne mon ami, c’est un peu ce qu’en pensait Alphonse
Allais, qui disait : « La mort est un manque de
savoir-vivre » et remarque également que pour le commun des
mortels, ne pas mourir le serait aussi. Cela dit, revenons à la
chanson qui raconte la mort douce de Katheline la bonne sorcière.
Donc, étant soupçonnée d’être sorcière, elle est condamnée
avec certains remords et bien des regrets par le tribunal, qui s’en
tient à « Dura lex, sed lex », au destin des sorcières.
Un destin absurde, comme bien tu le penses. On la soumet à l’épreuve
de l’eau : si elle en sort, elle est réputée sorcière et
brûlée vive ; si elle coule et se noie, elle sera considérée
comme une bonne chrétienne et enterrée dans le jardin de Dieu, qui
est le cimetière autour de l’église.
C’est
évidemment absurde, dit Lucien l’âne. Voilà où mènent les
croyances religieuses. Mais au long de mes pèlerinages dans les
sociétés majoritaires religieuses, j’ai u constater que les
sorcières, plus encore que les sorciers, sont l’objet de la
vindicte de diverses professions : les curés, les religieux en
général et les médecins. Ça se comprend, car ce sont de
dangereuses concurrentes ; généralement plus appréciées par
les populations en raison du fait qu’elles sont plus compétentes
dans leurs domaines respectifs.
Donc,
Lucien l’âne mon ami, la bonne Katheline doit être soumise au
supplice de l’eau et le bourreau l’emmène à la tête de toute
une immense procession des « officiels » et de tout le
peuple, jusqu’au canal pour y être précipitée. Ce qui est fait
dans les règles. Mais surgit alors un événement insolite, un geste
merveilleux de solidarité et d’amour : les villageois
plongent dans le canal à sa suite, la repêchent encore vivante, la
sèchent et la ramènent chez elle. Les autorités n’ont pas osé
bouger. Malheureusement, Katheline est trop malade et finit par
mourir trois jours plus tard entourée de la douceur des gens qui
l’escortent ainsi vers le néant. Tel est le sens de la mort douce
de Katheline.
Assurément,
dit Lucien l’âne, c’est là une belle et douce mort et même,
une mort en gloire – terme pour fois exact. À
mourir pour mourir, c’est une bonne mort. Maintenant,
reprenons notre tâche incommensurable et tissons le linceul de ce
vieux monde qui n’en finit pas de crever, de s’éteindre pour
nous laisser vivre, vieux monde crachotant, cahotant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
« Ne
le frappez pas, vous brisez son corps ! »
À
deux doigts de sa propre mort,
Katheline
défend son amant,
Pourtant
si méchant.
« Il
a tué Hilbert par amour,
J’ai
soif, mon corps brûle tant,
Hanske,
mon bel autour,
Comme
tu souffres sur ce banc.
Cœur
chaud et bras froids,
Viens,
Hans, mon aimé,
J’ai
soif, viens contre moi,
Hans,
viens m’aider !
Je
vois venir le grand troc.
De
la mort, j’entends le chariot,
J’entends
le bruit sec de ses os
Qui
craquent et croquent.
Elle
me mène à une grande rivière
D’eau
fraîche et claire,
Je
veux boire, le feu en ma tête
Rue
et mord comme une bête.
Hans,
mon aimé, ne sois pas fâché
Contre
ta bonne servante !
Face
à tout le monde, je te défendrai.
Hans,
j’entends la mort qui chante. »
Katheline
est à l’épreuve de l’eau condamnée :
Si
elle surnage, elle est sorcière et brûlée ;
Noyée,
elle sera chrétienne patentée,
Repêchée
et au jardin de l’église enterrée.
Devant
Katheline en robe de toile,
En
procession marchent vers le canal
Le
curé, les vicaires, le bedeau
Le
bailli, les échevins, le bourreau.
Au
signal du prévôt, le bourreau
La
jette dans le canal ; des hommes
Plongent
et la repêchent vivante comme
Si
la mort de Katheline venait trop tôt.
Ainsi
Katheline par les villageois sauvée,
Trempée,
glacée, gelée, désespérée,
Trois
jours durant, à la mort, s’oppose
Et
enfin, apaisée, dans ses bras, elle se pose.
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