lundi 27 août 2018

L’Égyptienne


L’Égyptienne


Chanson française – L’Égyptienne – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
83
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XXXIX)




Dialogue Maïeutique

Une Égyptienne, maintenant, Marco Valdo M.I. mon ami, que ne vas-tu pas encore nous inventer ?. Que vient faire une Égyptienne dans les Pays et pourquoi danse-t-elle au coin d’un bois perdu ? Je suppose qu’il ne s’agit pas d’une réincarnation de Cléopâtre ou de la belle Néfertiti qui faisait tourner la tête à Martin dans la chanson Martin-Néfertiti.

Détrompe-toi, Lucien l’âne, il ne s’agit pas d’une de ces pharaonnes antiques, mais d’une jeune fille qui danse, danse devant Lamme qui est persuadé de reconnaître sa femme. Voilà toute l’aventure.

Que Lamme, que la silhouette de sa femme obnubile, pense voir sa femme dans tous les minois qui l’environnent, dans toutes les formes qui tremblent dans son regard, je n’en doute pas un instant et que cette vision l’affole au point de lui troubler la raison, j’en suis certain aussi. Mais ce que je ne sais pas, c’est ce que vient faire une Égyptienne dans cette légende du Nord.

Laisse-moi d’abord, Lucien l’âne mon ami, te confier un secret, qui n’en est pas vraiment un comme on va le voir. Cette Égyptienne n’est pas une Égyptienne au sens où on l’entend habituellement. Elle ne vient pas d’Égypte, de ça, on est sûr. Cependant, on ne sait trop d’où elle vient et à mon sens, on ne le saura jamais. Peut-être d’Europe centrale, d’un pays de la Mer Noire, des Balkans, d’Espagne ou même d’Italie.

Comment ça, s’étonne Lucien l’âne, on ne sait pas d’où elle vient, mais alors pourquoi l’appeler l’Égyptienne.

Au temps de la Légende comme au Moyen-Âge, dans nos régions, explique Marco Valdo M.I., on baptisait « Égyptien ou Égyptienne » ceux qui venaient d’on ne savait trop où, qui avaient l’air et des manières d’étrangers. Le mystère s’éclaircit un peu dans la chanson, quand on s’aperçoit que c’est Till qui la dit « Égyptienne », mais il précise immédiatement : une « Égyptienne de Bohême », une personne à l’air exotique, membre d’une troupe ambulante ou d’une tribu de gens du voyage. À la fin de la chanson, l’homme qui la protège dévoile ce qui faisait mystère : « Nous sommes des Gitans. ». C’est donc en réalité, une Gitane, une Tzigane, une Rom, une nomade, mais aussi une elfe, une nymphe, une dryade, qui sait ? Elle me fait penser à l’étrangère d’Aragon que chantait Léo Ferré :

« J’ai pris la main d’une éphémère
Qui m’a suivi dans ma maison.
Elle avait les yeux d’outremer
Elle en montrait la déraison.

Elle avait la marche légère
Et de longues jambes de faon
J’aimais déjà les étrangères
Quand j’étais un petit enfant. »

ou elle sur les gitanes. Pour le reste, voir la chanson.

Quand même, dit Lucien l’âne, les Gitans, les Bohémiens, les Roms ont toujours été mal perçus et mal reçus partout dans les pays d’ici.

En effet, Lucien l’âne mon ami, et ils le sont encore et pas seulement eux d’ailleurs. C’est toute une population SDF, ces éternels migrants qui dérangent les

« gens qui regardent
Le reste avec mépris du haut de leurs remparts
La race des chauvins, des porteurs de cocardes »

tels que les voyait Georges Brassens dans sa « Ballade des gens qui sont nés quelque part » et des migrants volontaires et inintégrables dans les mœurs statiques et casanières de nos régions.

Bien sûr, Marco Valdo M.I. mon ami, les migrants ne sont jamais les bienvenus chez les morts-vivants de nos pays, chez ceux qui ont fait de leur maison, de leur quartier, de leur ville une anticipation de tombe, un avant-projet de cimetière, chez ces gens qui survivent en phase terminale depuis leur enfance.

Une dernière chose, Lucien l’âne mon ami, sur laquelle je voudrais attirer l’attention, c’est que cette jeune personne un peu légère est protégée par son groupe, car elle est atteinte d’une folie d’amour ; protégée et non rejetée, comme la pauvre Clara que j’évoque dans la chanson Hou hou!

Maintenant, il nous faut conclure et reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde statique, casanier, xénophobe, raciste, idiot et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



« Ô désespoir, dit Lamme,
Mes pieds ne me portent pas.
Ma femme, ma bonne femme,
C’est elle, là-bas !»

« Elle est belle, cette fille si menue
Dans sa mousseline à demi-nue,
Mais, dit Till, trop jeune cette inconnue,
Pour être ton épouse disparue. »

« C’est elle, c’est elle, je le vois.
Et je ne peux marcher, porte-moi !
Danser dévêtue, les seins hors du corsage,
Elle, toujours si douce et si sage.

Ses bras ronds sortent de la dentelle
Et ses dents rient en sa figure
Et se tend, et se tord sa cambrure
Et ses yeux hardis, sûrement, c’est elle. »

« Cette danseuse n’est pas celle que tu aimes,
Dit Till, c’est une Égyptienne de Bohême. »
Soudain, un chien se jette sur la belle
Et Lamme court sauver la donzelle.

« Où as-tu mal ? Dis-le-moi !
Pourquoi ce rire hagard, ce regard plein d’éclats ? »
Lamme l’étreint, Lamme l’enlace.
Il la relève, il l’embrasse.

« Et cette marque sous le sein droit,
Je ne la retrouve pas.
Ciel, ma femme, ce n’est pas toi.
Mais qui est donc dans mes bras ? »

La fille s’enfuit et son rire la suit.
Un grand homme maigre et fier
Dit à Lamme : « Il faut payer le prix ;
Payer ses amours est de bonne guerre.

C’est la fille du chef de notre famille.
Frappée du mal d’amour et sans pudeur,
Elle danse nue dans sa folie.
La nuit devant le feu, elle pleure.

Till demande : « Qui êtes-vous bonnes gens ? »
« Tous nous repoussent, nous sommes des Gitans,
Des danseurs, des musiciens, des magiciens.
Nous vivons de réparations, de rapines ou de rien. »

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire