vendredi 17 août 2018

La Stevenine pendue

La Stevenine pendue


Chanson française – La Stevenine pendue – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux –
80
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel –
III, XXXV)



Dialogue Maïeutique


Lucien l’âne, mon ami, connais-tu Chantecler le coq ancien qui sut venir à bout de la ruse de Renart le goupil ? Ici, il chante lui aussi « Trinquons aux Gueux ! » et nous renvoie ainsi tous à l’ancien Roman du Renart, qui n’est rien d’autre qu’une grande chanson, écrite vers le XIIᵉ siècle. Je vois à ton air éwaré que tu te demandes ce que vient faire ici ce propos à propos du Roman de Renart, alors qu’on est censé raconter une histoire qui se passe environ 400 ans plus tard. Je le vois et je m’empresse de te répondre en te rappelant que le signal de reconnaissance des Gueux est à l’appel, le chant de l’alouette des champs et à la réponse, le chant du coq, celui de Chante Clair, orthographié Chantecler et non Chanteclair, comme on aurait pu le penser. Et dès le début de la canzone, on le voit qui reprend l’inquiétant « Trinquons avec les Gueux ! »

Voilà bien, Marco Valdo M.I. mon ami, où mène l’abus de littérature ! Mais soit, qu’y a-t-il dans cette canzone à part ce coq qui chante clair ?

Comment dire, Lucien l’âne mon ami, il y a dans cette canzone la fin de l’histoire de Stevenine, la fin de Stevenine, la fin de Gilline et la fin de toute l’aventure de l’Arc-en-Ciel et de l’Abeille. Il m’aura fallu pas moins de 5 chansons, dont celle-ci, pour arriver à tourner cette page.

De fait, Marco Valdo M.I. mon ami, je me souviens très bien de toutes ces chansons : 
La Vendeuse d’Amour ; L’Abeille et l’Arc-en-Ciel ; La Fête chez Stevenine ; Trinquons aux Gueux !. Et j’y ajouterais volontiers celle qui les précède : Les Gueux des Bois, car tout cet épisode a commencé au camp des Gueux et tout se termine dans le même camp. Toutefois, il serait bel et bon de donner quelques détails de la conclusion de l’aventure. Que deviennent tous ces gens ?

Comme tu pourras les constater, Lucien l’âne mon ami, la canzone détaille fort bien les choses, mais globalement, les Sept et leurs prisonniers ont comme objectif de rejoindre la côte et les Gueux de mer pour servir dans la flotte de liberté ; les folles-filles s’en iront à leur suite divertir et servir les équipages – moyennant, comme il se doit, honnête rétribution et primes sur le butin de guerre. D’où il appert que même en amour, on ne perd pas le Nord.

Voilà qui est réjouissant, dit Lucien l’âne. Je me demande quand même ce qui a bien pu arriver pour qu’on pende la Stevenine, comme l’annonce le titre de la chanson.

En fait, Lucien l’âne mon ami, pour la Stevenine, tout se termine fort mal. Elle qui régnait en maîtresse absolue sur son Arc-en-Ciel et ses folles-filles, se trouve subitement ruine, prisonnière et ramenée par décision de Till au rang de servante, car en raison de son âge et de sa conformation, elle ne peut plus exercer valablement le métier. Et qui plus est, ramenée au rang de servante de ses anciennes esclaves, alors que la Gilline, sa complice et son âme damnée, toujours par la volonté de Till, est préservée de ce sort. Dès lors, de jalousie et de rage, la Stevenine va assassiner la Gilline d’un coup d’aiguille (à tricoter ?) en plein cœur. Après un passage par-devant le tribunal des Gueux, elle sera conduite à la potence.

Fort bien, dit Lucien l’âne, mais que deviennent Till et Lamme, car tu n’en pipes pas mot.

Oh, Lucien l’âne mon ami, ne m’en demande pas trop. La canzone te dira tout.

Alors, Marco Valdo M.I., il ne nous reste plus qu’à reprendre notre tâche et à tisser le linceul de ce vieux monde aveugle, sourd, méchant et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Trinquons aux Gueux !, chante Chantecler.
Lamme, Till et les sept bouchers.
Avec leurs cordes, ils lient les happe-chair
Et emmènent tout ce monde prisonnier.

Jusqu’au camp des Gueux,
Tout le monde, sauf deux
Des mercenaires par Till payés
Pour espionner les royales autorités.

Du camp, les Sept et leurs captifs iront
Se joindre aux Gueux de mer
Pour faire vaillante guerre
Sous peine d’être pendus pour désertion.

Et les filles, folles-filles deviendront
Folles-filles de la mer
Et à donner douceur à la guerre
Leur part de butin recevront.

Till dit : « De ces belles galantes
Qu’elle a tant exploitées et soumises,
Stevenine sera la servante
Et lavera cottes, draps et chemises.

Gilline, la séductrice en diable,
Par la volonté d’un Till intraitable,
Tenant sa viole entre ses bras,
En sa robe de brocart restera. »

Les autres filles de jalousie folles
Déversent d’étranges paroles :
« Till d’elle s’affole ».
Et la Gilline chante sur sa viole.

On ferme l’Arc-en-ciel au jour levant
Et par les champs, on arrive au camp ;
Chante l’alouette dans le vent
Et le coq répond hardiment.
Le troisième jour, d’une pointe en plein cœur,
Gilline se meurt, Gilline est morte,
Tuée par la baesine que la rage emporte.
Alors, pendue, Stevenine connaît sa male heure.

Till et Lamme se remettent en chemin :
L’un va à Bruges chercher sa femme ;
L’autre rêve à s’éveiller à Damme.
Dans les bras de Nelle, au clair matin.

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