Lamme philosophe
Chanson
française – Lamme
philosophe
–
Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 72
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXIX)
Ulenspiegel le Gueux – 72
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXIX)
Dialogue
Maïeutique
Lamme
philosophe ?, s’étonne Lucien l’âne. Voilà qui tombe bien
pour un dialogue maïeutique. Cependant, je n’aurais jamais imaginé
que Goedzak s’inscrive dans l’Histoire de la Philosophie. Si
c’est le cas, il est philosophe de ma même manière que je le
suis : c’est un philosophe de grand chemin.
En
ce cas, Lucien l’âne mon ami, il rejoindrait François Villon et
en d’autres temps, tu le sais, il aurait élégamment figuré parmi
les participants de l’école péripatéticienne. Plus sérieusement,
la chanson ne dit pas que Lamme est un philosophe, mais bien qu’il
philosophe, ce qui revient à dire qu’il émet des considérations
sur l’état du monde et sur la situation des gens dans ce monde.
Oh,
Marco Valdo M.I. mon ami, j’avais perçu cette nuance et j’ai
bien conscience que notre Goedzak n’a rien d’un de ces
philosophes professionnels qui s’enferrent dans un monde
philosophique désincarné qui s’éloigne aux confins de l’univers.
C’est justement pour ça que j’avais précisé qu’il était un
philosophe de grand chemin. Cela dit, on découvre ici qu’il y a au
moins deux univers philosophiques et qu’ils ont tendance à
s’écarter l’un de l’autre. Mais revenons à la chanson et à
la philosophie selon Lamme.
Je
ne te ferai pas l’ennui de détailler et d’analyser les propos de
Goedzak, tu les trouveras excellemment rapportés dans la canzone et
celui qui veut en savoir plus pourra toujours se reporter à la
Légende, telle qu’elle est rapportée par Charles De Coster. Quant
à les analyser, je laisse le soin à chacun de le faire, car je n’ai
foutrement pas l’âme, ni les qualités d’un décortiqueur.
Pourtant, je dirai encore deux mots relativement au débat qui
s’instaure entre Lamme et le smitte qui situe le nœud de la guerre
entre le refus de faire la guerre pour le profit des puissants et des
riches et la nécessité de faire la guerre pour se défendre d’une
agression guerrière et pour faire advenir le règne de liberté.
Certes,
Marco Valdo M.I. mon ami, je te dirais – sans pour autant
philosopher exagérément – que c’est le sens de La
Guerre de Cent Mille Ans où certains (les riches, les
puissants et leurs affidés) ont déclenché la guerre et la mènent
sans répit afin de maintenir leur domination et tout ce qui s’ensuit
et d’autres, mènent une guerre défensive pour mettre fin à la
guerre elle-même. C’est aussi le sens du paradoxe pacifique :
Guerre à la guerre ! ». Et je vois que dans la chanson,
le dialogue entre Lamme et le smitte pose cette alternative à sa
manière. Quant à nous, reprenons notre tâche et tissons le linceul
de ce vieux monde guerrier, armé, massacreur et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Lamme
fera donc des couques et des beignets.
Till
dit : « Il les mangera au lieu de les vendre.
Le
smitte dit : « Rien n’est encore prêt
Et
la grande besogne ne peut attendre. »
« J’ai
faim », dit Lamme.
« Il
y a du pain », dit le smitte.
« Sans
beurre ? », demande Lamme.
« Sans
beurre. », dit le smitte.
À
la nuit, le smitte sort les armes :
Vingt
arquebuses à réparer,
Cinquante
lames à aiguiser.
Aux
yeux de Lamme coulent les larmes.
Lamme
dit : « Smitte, tu dédaignes ton corps
Et
crois-moi, en vérité, tu as tort.
Il
a besoin de repos autant que de pain,
De
fèves, de bœuf, de bière et de vin.
Et
nous sommes fous, nous, hommes de peu
De
nous crever les yeux
Pour
tous ces grands de la terre
Qui
font entre eux la guerre.
Ils
invoquent Dieu, la religion, les mystères
Dont
en vérité, ils n’ont rien à faire
Et
nous non plus, d’ailleurs
Qui
supportons ces malheurs.
Regardez
les champs, les prés ;
Regardez
les moissons, les vergers.
Chasse,
pêche, mer, terre :
Tout
est à eux sans rien faire.
Et
vous, vous vivez de pain et d’eau ;
Vous
travaillez à vous casser le dos
Et
quand vous mourez, sans vergogne,
Ils
ignorent vos charognes. »
« Ho,
dit le smitte, parle moins haut !
Certes,
tout ce que tu dis n’est pas faux,
Mais
le Prince de Liberté sacrifie
Ses
biens et sa vie pour chasser la tyrannie. »
Pendant
trois nuits, Till et Lamme
Fondent
des balles et fourbissent des lames
Jusqu’à
l’aube. Puis, la quatrième, les deux amis
S’en
vont pour Gand au cœur de la nuit.
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