mardi 19 juin 2018

Les trois Prédicants


Les trois Prédicants


Chanson française – Les trois Prédicants – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 57
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXII)





Mon ami Lucien l’âne, il te souviendra que Till et Lamme s’étaient retrouvés près de Namur, où Lamme avait abouti toujours en quête de sa femme et pêchait en Meuse le sandre et le gardon. Après avoir croisé une espionne, réelle ou supposée, les deux compères s’étaient acheté deux ânes : Jef et Jean, afin de reprendre leur pérégrination vers Maestricht, où Till devait pénétrer afin de porter les messages du Taiseux.

Certes, dit Lucien l’âne. On en était là de l’histoire.

Cette fois, reprend Marco Valdo M.I., Till et Lamme continuent à longer le fleuve et s’arrêtent en fin de journée dans une auberge à l’enseigne « Chez Marlaire ». Pour ta gouverne, je signale que Marlaire est un prénom, même si à présent, il est plus usité comme nom de famille. En fait d’auberge, il faut se souvenir qu’il en est de toutes sortes. Ici, disons, c’est une halte sur le bord du chemin, tenue par une seule personne.

Sans doute le dénommé Marlaire lui-même, dit Lucien l’âne. Je me souviens très bien, moi qui ai parcouru tant de chemins depuis tant de temps, je me souviens très bien à quoi peuvent ressembler ce genre d’endroits. La plupart du temps, il s’agit d’une seule pièce où le voyageur ou le passant peut se faire servir à boire et à manger et se poser un peu à l’abri. Ça n’a rien de ce qu’on appelle aujourd’hui une auberge ; ça tient plus de la gargote ou du boui-boui. Ainsi donc, nous voici à nouveau dans une auberge et peut-être même, y trouvera-t-on un espion ?

Exactement, Lucien l’âne mon ami, il y a un espion et cette fois-ci, un vrai de vrai, un agent au service du duc (d’Albe), un papiste acharné qui va tenter de tirer les vers du nez de Till et de Lamme. Ces derniers, malheureusement pour l’espion, ne sont pas nés de la dernière pluie et vont aisément retourner la situation en trinquant avec le patron. C’est ainsi qu’ils vont découvrir un complot hispano-catholique, à l’évocateur nom de code « Vent d’Acier », qui a comme but d’assassiner le Prince d’Orange et qu’ils vont repérer le commando chargé de cette mission, composé de « Trois Prédicants », de vrais catholiques se faisant passer pour des réformés. Voilà toute l’affaire.

Ce n’est pas rien, dit Lucien l’âne. Ce qui me stupéfie un peu, c’est pourrait imaginer une affaire du genre actuellement.

Oh, dit Marco Valdo M.I., tu as parfaitement raison et il circule d’ailleurs toute une littérature à ce sujet et la presse raffole de telles nouvelles.

Et même, dit Lucien l’âne péremptoire, de tels complots existaient déjà dans la plus haute Antiquité. On s’y assassinait à tours de bras. En fait, dès qu’il y a du pouvoir, il y a des conflits qui s’installent et des complots qui s’élaborent. Songe seulement à la mort de Pompée et à celle de Jules César. Pour le reste, il nous faut reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde méfiant, complotant, espionnant, mentant et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



À l’enseigne « Chez Marlaire », un lieu convenable
Ayant bu maint flacon,
Mangé force poissons,
Till et Lamme s’attardent à table.

L’hôte est bavard comme une pie,
Bon catholique, papiste en diable,
Maudit les rebelles et l’hérésie,
Espion pour sûr, mouche véritable.

Il trinque, il questionne
Il ruse, il demande à voir ;
Les passes signés du duc l’impressionnent.
L’hôte dit : Buvons au duc, notre espoir.

En quoi prend-on le rat, le mulot ?
En ratière, en mulotière.
Et qui est le rat, qui est le mulot ?
Orange l’hérétique, le prince de l’Enfer.

Trois beaux prédicants
Réformés, de forts soudards
Des bonshommes vaillants
Vont venir un peu plus tard.

Dieu est à nos côtés ;
Trois beaux prédicants réformés
Viennent par la route de Huy
Pour eux, je verse, je cuis.

Vrai catholique et faux Gueux,
Vent d’Acier tranchera au nom de Dieu
Le cou du merle de Nassau ;
Il l’empêchera de siffler encore bientôt.

Et Till trinque et l’hôte boit.
Je bois au roi et au duc, santé !
Je bois aux prédicants et à Vent d’Acier !
Je bois au vin, je bois à moi, je bois à toi !

Alors, enfin fin soûl, l’hôte s’endort.
Et Till dit : Lamme, filons dehors
Attendre ces vilains oiseaux-là,
Ces noirs corbeaux du roi.

Ils viennent de Marche-les-Dames,
Le long des rochers au bord de Meuse.
Tendons un piège aux truands,
Il nous faut occire ces prédicants.

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