mercredi 27 juin 2018

Le Mariage de Till


Le Mariage de Till


Chanson française – Le Mariage de Till – Marco Valdo M.I. – 2018
Ulenspiegel le Gueux – 60
Opéra-récit en multiples épisodes, tiré du roman de Charles De Coster : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au Pays de Flandres et ailleurs (1867).
(Ulenspiegel – III, XXIII)




Dialogue Maïeutique


Ben ça alors, Till va se marier, dit Lucien l’âne. Comme ça subitement, sans fiançailles et sans ban, voilà qui est surprenant.

Je te l’accorde, dit Marco Valdo M.I. ; c’est un événement assez inattendu, une péripétie soudaine et déroutante, mais c’est ainsi. Il y a urgence. En fait, Till se marie et en même temps, il ne se marie pas. D’abord, comme tout le monde le sait, il est promis – quoi qu’il arrive – à Nelle ; ainsi le veut la Légende et elle n’en démordra pas. Till est lié à Nelle par la légende, c’est son destin et aucun prêtre, aucune cérémonie sacramentelle n’y pourra rien changer. Ensuite, comme la chanson le révèle, c’est un mariage de circonstance, un mariage nécessaire et la chanson explique pourquoi. C’est, comme on dirait actuellement, un mariage blanc et qui ne sera pas consommé – au grand dam de Till et, semble-t-il, de la mariée.

Là, dit Lucien l’âne, si c’est un mariage blanc, je comprends mieux ce qui se passe, même si je ne sais pas trop en quoi untel mariage peut être utile à Till. De nos jours, les mariages blancs servent à donner accès à la nationalité ou à tout le moins, aux sacro-saints papiers à des gens qui fuient le malheur qui les étreint dans le pays d’où ils viennent.

Note, Lucien l’âne mon ami, que tout ceci est franchement hérétique, pour ne pas dire, digne d’un vrai libre-penseur, d’un authentique athée. Je m’explique. Le mépris que Till démontre du mariage religieux est violent pour l’époque et surtout, dans son principe. Je résume : il s’agit d’un mariage catholique, à l’église – sous l’œil de Dieu ou de son fils ou des deux et de la Vierge, célébré par un prêtre, où les futurs jurent sur la Bible, le crucifix, l’hostie en sachant pertinemment qu’ils trompent le prêtre, mais aussi, celui qu’il représente : Dieu lui-même – ce qui, on en conviendra, ne peut en aucun cas être le fait d’un croyant – comme dit l’autre, Dieu est Dieu et il n’y a qu’un seul Dieu. De plus, le mariage religieux est un sacrement : y contrevenir et a fortiori, le tenir pour rien est, dans la logique canonique, un très grave péché ; en clair, un crime contre la Loi divine et un pays catholique, contre l’Église et contre l’ordre royal.

Hou là, ça va chercher lin ces crimes-là. On en a torturé et brûlé pour moins que ça, dit Lucien l’âne ; mais, j’imagine que pur Till et Lamme – et tous les Gueux en lutte qui sont déjà passibles de la peine de mort, de la pendaison ou du bûcher, ça n’aggrave pas leur cas et que de plus comme ils sont déjà poursuivis, ils s’en foutent.

Sans aucun doute, Lucien l’âne mon ami. Donc, le but de toute cette aimable comédie est d’organiser une noce de campagne qui emmènera les mariés et leur suite joyeuse sur des chariots fleuris et ornés de drapeaux et de feuillages, en chantant jusqu’au lieu et en fanfare de leur nuit de noces. Ici, ce lieu magique se situe nécessairement au cœur de Maestricht. Tel est le plan d’action de Till et de son témoin de mariage malgré lui, Lamme, à qui Till n’a pas dévoilé son plan.

Ils vont sans doute réussir cette audacieuse manœuvre, dit Lucien l’âne en riant. En tout cas, je le souhaite.

Peut-être, dit Marco Valdo M.I., peut-être que oui, peut-être que non, c’est toujours comme ça dans la vie. Mais, rassure-toi Lucien l’âne mon ami, nous en saurons plus dans la chanson suivante.

Alors, dit Lucien l’âne, ne traîne pas à l’écrire, car il me tarde de savoir et en attendant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde papivore, bureaucrate, contrôlé, audité, surveillé, inspecté, quadrillé et cacochyme.


Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


« Où devez-vous aller, gueux clandestins ? »
« Par le grand Gueux, dit Till,
À Maestricht, au cœur de la ville. »
Le maître des lieux dit : « On ne le peut point ;

L’armée du duc tient les chemins. »
« Lamme et moi, nous le ferons,
Si de me marier, j’ai la permission
Et une femme qui m’épouse dès demain.

Une femme, riche ou pauvre,
Belle et douce, timide ou fière,
Pas trop vieille et assez soumise
Le temps de passer à l’église.

Par le curé, notre union bénie sera.
Ainsi, on aura le précieux certificat –
Pour nous, un papier sans valeur,
Car il émane d’un papiste inquisiteur.

Ce document attestera notre soumission
À l’Église romaine et nous aurons
Les bénédictions du Pape et des saints,
Des curés, des belîtres et des doyens. »

En la ferme du maître des lieux,
Avaient trouvé refuge des exilés de Zélande,
Des gens du parti des Gueux
Qui fuyaient le duc et ses bandes.

Tous s’empressent à se préparer :
Les hommes ont mis leur habit de fête,
Les femmes une robe, leurs souliers aux pieds
Et un grand bijou doré sur la tête.

Et Thomas, le maître des lieux
S’en va à l’église prier le prêtre de Dieu
De marier deux tourtereaux sur le champ :
Thylbert, fils de Claes et Tennekin, la belle enfant.

Une fois payé, le prêtre de Dieu les marie
Et la noce revient au foyer faire la fête.
Tous dansent, boivent et rient
Et s’amusent au creux de la tempête.

À midi, clair soleil, vent frais, ciel serein,
Les chariots fleuris se mettent en chemin
Aux sons des fifres et des tambourins,
Emmenant les mariés et toute la noce au loin.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire