NON,
ÇA N’EST PAS FINI
PLACE
LORETO
Chanson
italienne – Non
è finita a Piazzale Loreto – Fausto
Amodei – 1971
Texte
et musique :
Fausto Amodei
Pour
ceux qui croient que le fascisme est mort avec Mussolini, oh oui,
Pour
ceux qui croient que Berlusconi (Salvini et tutti quanti) n’est pas
fasciste, mais si !
Dialogue
maïeutique
Salut
à toi, Lucien l’âne mon ami, toi qui viens de si loin dans le
temps, de tellement loin que personne ne s’en souvient, que nul ici
n’en saurait dire le début, même pas toi. Eh bien, Lucien l’âne
mon ami, j’imagine que tu sais ce qu’est la place Loreto et ce à
quoi elle renvoie dans la chanson et dans l’histoire de l’Italie
contemporaine.
Évidemment,
Marco Valdo M.I. mon ami, que je le sais parfaitement bien, mais
j’aimerais entendre ton explication, car il s’agit là d’un
symbole important. Disons quand même que c’est une place de Milan
où l’on a pendu des gens au sortir de la guerre.
C’est
d’elle en effet, Lucien l’âne mon ami, qu’il s’agit et on y
pendit par les pieds les cadavres de Mussolini et de certains de ses
amis. Cela tenait d’ailleurs plus de la cérémonie expiatoire que
de la punition. On ne punit pas un cadavre pour la raison qu’il
n’aurait même pas l’occasion de s’en rendre compte. Disons que
l’affaire était une catharsis, une désinfection symbolique visant
à l’élimination des miasmes du fascisme. Ce n’était en réalité
qu’un juste retour des choses : le fascisme avait pendant
vingt ans noyé l’Italie dans les symboles de sa puissance.
Je
me disais aussi que pendre des cadavres devait avoir un sens
symbolique, dit Lucien l’âne. Mais ensuite ?
Ensuite,
reprend Marco Valdo M.I., il me semble que le remède n’a pas eu
les effets escomptés ; peut-être son champ d’action se
limitait-il à la place Loreto, car les miasmes ont continué à se
répandre et même, à prospérer. Souviens-toi, Carlo Levi, dès
après la guerre, après le sabordage du gouvernement issu de la
Résistance en décembre 1945, signalait cette persistance ;
et
Piero Calamandrei, dès 1946, parlait de « desistenza »
– qu’on traduira en français par« désistance »
(Calamandrei
la définissait ainsi : « questo
generale abbassamento ... merita di avere anch’esso il suo nome
clinico, come il necessario opposto dialettico della resistenza:
"desistenza" » – Cet
abaissement général… mérite d’avoir lui aussi son nom
clinique, comme le nécessaire opposé dialectique de la résistance :
« désistance ») ;
plus tard encore (1972), cette chanson reprenait le même message
alarmant. Et depuis lors, comme on peut le lire tous les jours dans
la presse – et depuis des années et des années, les choses ne se
sont pas arrangées, tout au contraire. Il faut dire qu’en Italie,
comme ailleurs, on n’a pas voulu mettre à mal les anciennes
couches dirigeantes, ni mettre au jour les difformités de la culture
en place ; en bref, on n’a ni voulu, ni pu assainir le climat
général. Les
hommes de pouvoir ont gardé les mœurs des hommes de pouvoir, ils
sont restés aux commandes, sous d’autres appellations, sous
d’autres couleurs, de vrais caméléons, prêts à se rallier à
tous les régimes, à tous les pavillons en guettant le moment de
revivifier leur foi. Et il y a lieu de penser que ce moment approche.
Brecht avait raison : « Le ventre est encore fécond d’où
sortit la bête immonde » (et en original allemand : Der
Schoß ist fruchtbar noch, aus dem das kroch). Non,
décidément non, « l’histoire n’est pas terminée »,
et
oui, décidément oui, « à
la
place Loreto commença
notre délivrance »
Ainsi,
Marco Valdo M.I., j’en conclus qu’il faut à toute force contrer
cette désistance qui pourrit notre quotidien et obstinément tisser
le linceul de ce vieux monde autoritaire, raciste, idiot, fasciste et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
On
se retrouve avec un corps
Seuls
les germes anciens se perdent.
Afin
qu’elle ne
produise ni graines,
ni fruits, ni feuilles.
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