Rotatives
Chanson
française – Rotatives
– Guy
Béart – 1968
Dialogue
maïeutique
Voici,
Lucien l’âne mon ami, une chanson de Guy Béart, chanteur au
répertoire polymorphe et gigantesque. Il a tenu la scène soixante
ans et comme pour presque tous les chanteurs – à part Georges
Brassens et Jacques Brel, bien de ses compositions et de ses
interprétations sont méconnues. Si je dis ça, ce n’est pas que
j’ai l’intention de te bassiner avec l’interminable énumération
de ces chansons, ni même d’en tenter une docte classification par
thèmes ; je dis ça, car j’ai un peu l’impression que Guy
Béart est un de ces créateurs dont l’interlocuteur se contente de
se rappeler l’une ou l’autre de ses chansons qui eurent du succès
aux temps de sa jeunesse – à l’interlocuteur. « Ah, Guy
Béart ! L’eau vive… Vive la Rose et tout ça… »
Précisément, « Et tout ça … ».
Mais la chanson n’a
pas d’âge, et si le compositeur, le chanteur disparaît, elle
reste. La chanson homérique, autrement l’Iliade et l’Odyssée,
n’ont pas d’âge ou elles en ont un tellement plein de sons et de
furie qu’on l’entendra encore avec passion dans les siècles des
siècles. Il en est de plus secrètes, de plus discrètes que le
temps a tenté d’effacer et qui d’un coup de cœur reviennent à
l’oreille ou à la voix intérieure de l’un d’entre nous. Et
c’est ainsi que les chansons vivent !
Oh,
Marco Valdo M.I. mon ami, te voilà encore dans un vol planant
au-dessus du marigot et des cagots et au passage, tu fais la peau aux
ragots. Tout cela est fort bien, mais dis-nous quand même quelques
mots de la chanson.
Lucien
l’âne mon ami, si Guy Béart n’était vraiment pas un parigot,
vu qu’il était venu du Caire en passant par le Mexique et le
Liban, il a fait son chemin à Paris aussi. C’est fou d’ailleurs
les chanteurs français qui ont fait leur chemin à Paris et qui sont
des étrangers et pas seulement des chanteurs. Ça me rappelle cette
phrase que Pierre Dac fait dire à De Gaulle : « Et si la
France n’était pas la France, tous les Français seraient des
étrangers ».
Oh,
oh, Marco Valdo M.I., de la même façon, mais avec moins de
prestance, l’actuel Président des Zétazunis pourrait déclarer
dans un moment de lucidité : « Et si les Zétazunis
étaient l’Amérique, tous les Zétazuniens (sauf les Indiens)
seraient des étrangers ».
Très
juste, il devrait le méditer, ajoute Marco Valdo M.I. Maintenant,
revenons un instant à la chanson qui, en fait, ne demande pas
beaucoup de commentaires, tant elle est précise dans son attaque.
Quoique… Son sujet est la presse de cancans, centrées sur les
stars ou sur les princesses anglaises… Lady machin et Sir truc ;
les amants de l’une, les amants de l’autre. C’est encore
d’actualité. Par exemple :
« Les
princes des manchettes
Que l’on anoblira
Grâce
à la caméra. »
Facile
dit Lucien l’âne, ce devait être Grâce Kelly, une jolie actrice
américaine, devenue princesse de Monaco.
Exact,
Lucien l’âne mon ami. Il y en a eu de plus récentes de ces
aventures rutilantes ou de ces romances de caniveau, pour lesquelles
les rotatives – machines à tirer les grands tirages s’emballent.
On ne citera pas de noms, il n’est pas dans nos habitudes de tirer
sur les corbillards de ces messieurs qui dévergondaient les très
jeunes demoiselles, même si les rotatives bénissaient leurs
apparitions. On vend de la merde, mais ça cache le sang ; on
vend de la princesse et du scandale aseptisé, ainsi on embrouille la
réalité.
En
effet, Marco Valdo M.I. mon ami, tournez, tournez rotatives, il faut
rattraper les télés, qui décidément courent plus vite dépecer la
charogne. Quant à nous, on se limitera à notre tâche et à tisser,
tisser le linceul de ce monde nauséabond, puant, suant, odoriférant
et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Quand
le soleil est sage,
Il nous faut des orages,
Du sang, des
sensations
Et des superstitions.
Dans les
hebdomadaires,
Vivants mais légendaires,
Renaissent les
héros
Des
contes de Perrault.
Le monde est un spectacle,
Il nous
faut des miracles,
Des meurtres, des amants
Et des
enterrements.
Chantons les marionnettes,
Les princes des
manchettes
Que l’on anoblira
Grâce
à la caméra.
Tournez,
tournez rotatives
Pour les âmes sensitives
À tout cœur
et à tout sang,
À la prochaine, je descends.
Le métro
chante sa chanson grise,
Je n’ai pas trouvé de place assise.
Il me faut pour tenir le coup,
Une histoire à dormir
debout.
Souffrez
que je présente,
Une fille qui chante :
Voici la
cendrillon de nos microsillons.
Elle n’a pas de souffle,
Mais gagne une pantoufle.
Qui va la remplacer,
C’est
le petit Poucet.
Cette jeune starlette,
D’un seul coup
de baguette
De son impresario,
A perdu son maillot,
Mais
le bon photographe
A corrigé la gaffe
Avant que vienne
un flic
Qui presse le déclic.
Tournez,
tournez rotatives,
Pour les âmes sensitives !
À
tout cœur et à tout sang
À la prochaine je descends
Le
métro chante sa chanson grise
Je n’ai pas trouve de place
assise
Il me faut pour tenir le coup
Une histoire à
mourir debout.
La
commère bavarde,
Mais c’est Shérazade.
Nous sommes tout
autant
Ses lecteurs, ses sultans.
Qui a le vent en
poupe ?
C’est
Riquet à la Houppe
Qui malgré sa laideur
En amour est
vainqueur.
C’est dans une clinique
Que la quenouille
pique ;
La belle au bois dormant
Boit
des médicaments
Ou bien, c’est pas de chance,
Elle
attend la naissance
D’un rejeton royal
Pourvu qu’il
soit normal
Et lorsque le sang coule
Sur les fous, sur
les foules,
S’il va du bon côté,
Ça peut se
raconter ;
Mais s’il peut faire tache,
De grâce
qu’on le cache
Sous la soie des papiers
Des mariages
princiers.
Si les sorciers nous mentent
Et si la vie
augmente
Pourquoi crier : À bas
Le
Marquis de Carabas !
Puisqu’à toutes les pages
De
nos revues d’images,
Pour nous réconforter,
Il y a ces
chats bottés.
Tournez,
tournez rotatives !
Que l’on anoblira
Il nous faut des orages,
Du sang, des sensations
Et des superstitions.
Dans les hebdomadaires,
Vivants mais légendaires,
Renaissent les héros
Le monde est un spectacle,
Il nous faut des miracles,
Des meurtres, des amants
Et des enterrements.
Chantons les marionnettes,
Les princes des manchettes
Que l’on anoblira
Pour les âmes sensitives
À tout cœur et à tout sang,
À la prochaine, je descends.
Le métro chante sa chanson grise,
Je n’ai pas trouvé de place assise.
Il me faut pour tenir le coup,
Une histoire à dormir debout.
Une fille qui chante :
Voici la cendrillon de nos microsillons.
Elle n’a pas de souffle,
Mais gagne une pantoufle.
Qui va la remplacer,
Cette jeune starlette,
D’un seul coup de baguette
De son impresario,
A perdu son maillot,
Mais le bon photographe
A corrigé la gaffe
Avant que vienne un flic
Qui presse le déclic.
Pour les âmes sensitives !
À tout cœur et à tout sang
À la prochaine je descends
Le métro chante sa chanson grise
Je n’ai pas trouve de place assise
Il me faut pour tenir le coup
Une histoire à mourir debout.
Mais c’est Shérazade.
Nous sommes tout autant
Ses lecteurs, ses sultans.
Qui a le vent en poupe ?
Qui malgré sa laideur
En amour est vainqueur.
C’est dans une clinique
Que la quenouille pique ;
La belle au bois dormant
Ou bien, c’est pas de chance,
Elle attend la naissance
D’un rejeton royal
Pourvu qu’il soit normal
Et lorsque le sang coule
Sur les fous, sur les foules,
S’il va du bon côté,
Ça peut se raconter ;
Mais s’il peut faire tache,
De grâce qu’on le cache
Sous la soie des papiers
Des mariages princiers.
Si les sorciers nous mentent
Et si la vie augmente
Pourquoi crier : À bas
Puisqu’à toutes les pages
De nos revues d’images,
Pour nous réconforter,
Il y a ces chats bottés.
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