RENONCEMENT
(À LA PLAGE)
Version
française - RENONCEMENT (À LA PLAGE) – Marco Valdo M.I. – 2017
à
partir de la version italienne de Gian Piero Testa – RINUNCIA –
SULLA
SPIAGGIA – 2009
d’une
chanson grecque – ’Arnisi
[Sto perigiáli to kryfó] – Mikis
Theodorakis / Mίκης Θεοδωράκης – 1960
Poème
de Γιώργος
Σεφέρης – Georges
Séféris [1931]
Dialogue
maïeutique
Lucien
l’âne mon ami, il me semble utile et nécessaire de profiter de
notre dialogue maïeutique – dont je te rappelle qu’il signifie
simplement conversation à deux pour faire naître le sens – pour
éclairer notre lanterne magique à propos de cette chanson de Mikis
Théodorakis, dont certaine interprétation – que je vais de
présenter – est fondamentale. Elle repose sur le fait que l’auteur
– Georges Séféris a précisé – dans le titre – (À la
plage). Dès lors, pourquoi une telle précision et entre
parenthèses, ce qui a aussi du sens.
Ah,
Marco Valdo M.I., mon ami, je ne sais ce que tu vas me dire, mais je
t’assure de toute mon attention, car j’ai ressenti dans ton
exorde que cette réflexion te tient à cœur. D’autant, si je ne
me trompe – à voir toutes ces versions – que c’est une chanson
importante de Mikis Théodorakis, que j’ai connu lors de mes
pérégrinations et des siennes et dont je connais dès lors la
signification politique et l’engagement dans la Guerre
de Cent Mille Ans que
les riches et les puissants font aux pauvres, afin d’imposer leur
domination, de renforcer leur pouvoir, de faire croître leurs
richesses et leurs profits. D’ailleurs, actuellement encore, les
gens de Grèce en savent quelque chose. Mais
également, on ne m’ôtera pas de l’idée que ce qui leur est
fait attend les gens des autres pays.
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, tu as compris où je veux en venir et
pour ce qui est de Mikis Théodorakis, tu ne te trompes pas. On verra
ensuite de quel point de vue il faut comprendre son interprétation.
Mais il est essentiel et urgent de d’abord comprendre le texte de
Georges Séféris, car il a un sens tout à fait spécifique qui
tient à l’histoire vécue par l’auteur. On doit pouvoir répondre
à cette question en apparence futile : de quelle plage
s’agit-il ? Il
s’agit de la plage
où Séféris enfant passait le temps des vacances, lui et sa
famille ; c’étaient des moments paisibles pour ces Grecs
d’Asie qui résidaient habituellement à Smyrne. Et
ainsi, on
comprend de que raconte
le poète en exil forcé des ruines de la Smyrne grecque et de la
plage (Skala)
de
Vourla – anciennement, Clazomènes,
actuellement Urla,
qui sera toute sa vie son « paradis perdu ». Smyrne était
grecque depuis l’Antiquité ; on l’appelle aujourd’hui
Izmir, c’est tout dire. Smyrne fut conquise, massacrée et
incendiée par les
Turcs en
septembre 1922. Il y eut des milliers de morts. L’exil d’un
million et demi de Grecs d’Asie mineure s’ensuivit. C’est
certes un raccourci historique, mais c’est le nœud du poème.
Je
me souviens, dit Lucien l’âne, assez bien de ce retrait forcé des
Grecs d’Asie mineure ; ce fut un drame terrible et je ne pense
pas que cette blessure soit cicatrisée à présent.
Je
le pense aussi, dit Marco Valdo
M.I. et quand on relit la chanson à la lumière de tout cela, on
commence à en comprendre le sens réel originel. On peut situer la
plage, les espérances et la vie qui fut (brutalement) changée.
C’est ce que dit la poésie de Séféris, une poésie pleine de
l’émotion et de l’émotivité de cet écorché vif, à la
sensibilité
extrême.
Et dans le fond, on peut l’interpréter comme une chanson d’amour,
porteuse d’une émotion primordiale. Cependant, il me paraît très
difficile de la ramener à une chanson d’amoureux séparés. Le nom
que le poète (et ses amis) écrivait sur le sable était celui de la
« Grèce ».
Soit,
Marco Valdo
M.I. mon ami, mais
quand
Mikis Théodorakis reprend ce texte quelques 30 à 40 ans plus tard,
voulait-il s’en tenir à cette nostalgie ou ne pensait-il pas à
autre chose, à un autre nom.
Je
suis ravi de ta question, Lucien l’âne mon ami, et certainement,
le point de vue de Mikis Théodorakis est différent, il a d’autres
urgences (même si sans doute le drame vécu par la génération
précédente ne le laisse pas indifférent), lui qui Grec mena le
combat en Grèce et en exil et qui séjourna dans les prisons de la
dictature. Ma
réponse ne peut éluder le fait que cette chanson quand elle dit :
m’en
rappelle une autre, française celle-là, écrite aussi dans de
terribles circonstances de lutte contre une dictature. Il s’agit
bien évidemment « Liberté » de Paul Éluard, qui dit notamment :
« Sur
l’absence
sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom …
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom …
Et
par le pouvoir d’un mot
Je
recommence ma vie. »
Voilà
pour le sens de la chanson. Mais avant de te laisser conclure, je
souhaite rappeler ici l’appel de Mikis Théodorakis (2010) aux
Européens :
« Nous ne vous demandons pas de soutenir notre combat par solidarité, ni parce que notre territoire a été le berceau de Platon et Aristote, Périclès et Protagoras, des concepts de démocratie, de liberté et d’Europe. Nous ne vous demandons pas un traitement de faveur parce que nous avons subi, en tant que pays, l’une des pires catastrophes européennes aux années 1940 et nous avons lutté de façon exemplaire pour que le fascisme ne s’installe pas sur le continent. »
« Nous vous demandons de le faire dans votre propre intérêt. Si vous autorisez aujourd’hui le sacrifice des sociétés grecque, irlandaise, portugaise et espagnole sur l’autel de la dette et des banques, ce sera bientôt votre tour. Vous ne prospérerez pas au milieu des ruines des sociétés européennes. Nous avons tardé de notre côté, mais nous nous sommes réveillés. Bâtissons ensemble une Europe nouvelle ; une Europe démocratique, prospère, pacifique, digne de son histoire, de ses luttes et de son esprit. Résistez au totalitarisme des marchés qui menace de démanteler l’Europe en la transformant en tiers-monde, qui monte les peuples européens les uns contre les autres, qui détruit notre continent en suscitant le retour du fascisme. »
On
le répétait
ici aussi :
« REGARDEZ
CE QU’ILS
FONT AUX GRECS,
ILS
VOUS LE FERONT AUSSI »
Que
dire de plus, dit Lucien l’âne, si ce n’est que comme Séféris,
comme Théodorakis et tous les autres, il nous faut reprendre notre
tâche et tisser le linceul de ce vieux monde autoritaire, brutal,
avide, arrogant et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Sur
la plage paisible
Et blanche comme une colombe
Nous avions soif à midi
Mais l’eau était saumâtre.
Nous avions soif à midi
Mais l’eau était saumâtre.
Et blanche comme une colombe
Nous avions soif à midi
Mais l’eau était saumâtre.
Nous avions soif à midi
Mais l’eau était saumâtre.
Sur
le sable blond
Nous avions écrit son nom.
Splendide ! Mais la brise souffla
Et le nom s’effaça.
Splendide ! Mais la brise souffla
Et le nom s’effaça.
Nous avions écrit son nom.
Splendide ! Mais la brise souffla
Et le nom s’effaça.
Splendide ! Mais la brise souffla
Et le nom s’effaça.
Avec
quel souffle, avec
quel cœur,
– quelles espérances et quelles ardeurs –
Nous tenions notre vie : erreur !
Nous avons changé de vie.
Nous tenions notre vie : erreur !
Nous avons changé de vie.
– quelles espérances et quelles ardeurs –
Nous tenions notre vie : erreur !
Nous avons changé de vie.
Nous tenions notre vie : erreur !
Nous avons changé de vie.
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