samedi 23 septembre 2017

UN AMOUR DE 750 000 ANS

UN AMOUR DE 750 000 ANS

Version française – UN AMOUR DE 750 000 ANS – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson italienne – 750 000 anni fa…l’amore – Banco del Mutuo Soccorso – 1972
Texte de Francesco Di Giacomo et Vittorio Nocenzi
Musique de Vittorio Nocenzi
Album : Darwin !


Homo Antecessor - La soirée en famille


Mil neuf cent septante-deux, c’était le quaternaire, période Olocene. Textes de Vittorio Nocenzi et de Francesco Di Giacomo, musique de Vittorio Nocenzi. Chant de Francesco Di Giacomo, de Siniscola, Thiniscòle en sarde nuorese, un nom d’origine probablement nuragique. Album : Darwin ! , avec le point d’exclamation. Un album entièrement dédié à l’évolution humaine, à l’évolution physique et psychique dans la préhistoire très lointaine qui, on le comprend de tous les morceaux, annonce l’aujourd’hui sans solution de continuité. Darwin ! est un album qui, dans le presque nouveau-né rock progressif italien, se retrouva d’un coup au sommet du monde, et ce n’est pas une exagération : le Banco del Mutuo Soccorso a été un band progressif parmi les plus grands de toute la planète, et il n’y a pas que moi pour le dire et basta. Le morceau n° 3 du côté B de l’album est cette incroyable chanson, et qu’on comprenne bien que je ne suis pas certainement pas habitué à jouer de l’hyperbole et de l’incroyable. Une histoire d’amour d’il y a septcentcinquantemilleans, et vu que nous sommes précis, la plaine ionienne du Pléistocène Moyen. La plaine s’appelle « Ionienne » car, géologiquement, les sédiments de la période sont particulièrement évidents sur la côte italienne de la Mer Ionienne. 

Il y a septcentcinquantemilleans, selon la science, vivait du côté de l’Atapuerca d’aujourd’hui , en Espagne, des hominidés d’une sorte intermédiaire entre l’Homo Georgicus et l’Homo Heidelbergensis dite Homo Antecessor. Dans le site d’Atapuerca, on a retrouvé environ 80 fragments osseux, parmi lesquels le mieux conservé est une mâchoire appartenant à un individu de dix ans d’âge. Il semble que l’Homo Antecessor était plutôt robuste, avec une taille entre 1,60 m et 1,80 m, et un poids qui pouvait atteindre les 90 kg. Sa capacité crânienne était d’environ 1000/1150 cm³ contre les 1350 cm³ de l’homme moderne. L’Homo Antecessor était déjà droitier, chose qui le diversifie des singes. Il avait une capacité auditive semblable à cette de l’Homo sapiens, et on présume qu’il était déjà en mesure d’utiliser d’un langage au moins symbolique, et qu’il était capable de raisonner.

En 1972, Francesco Di Giacomo et Vittorio Nocenzi ne pouvaient pas encore savoir ce qu’il en est du Quaternaire Olocène. Les découvertes d’Atapuerca autour de l’Homo Antecessor sont récentes, elles remontent à 1994 et 1995. Il peut se faire que les « 750 000 ans », auxquels ils firent remonter leur histoire d’amour, avaient été simplement inventés. L’ hominidé d’il y a 750 000 ans n’était pas du tout un grand singe sans raison, il était déjà glabre, et sa lèvre n’était déjà plus inerte, elle pouvait déjà dire ou exprimer quelque chose. Peu importe ; tout ceci n’ajoute et n’enlève rien à la chanson du Banco del Mutuo Soccorso, qui est peut-être l’unique chanson au monde où ce très humain désir d’amour, et d’amour physique, est daté d’une époque aussi lointaine. Avec mon célèbre frère aîné, qui en 1972, avait déjà dix-sept ans (j’en avais neuf), ça fait 45 ans que je connais cette chanson et cet album, dont j’ai encore une cassette originale terriblement éculée : ma préhistoire, en somme, maintenant. Il me déplaisait de ne pas la voir ici cette histoire d’amour du Moyen Pléistocène d’où, j’en suis certain, Francesco Di Giacomo, Homo Digiacomensis, faisait en quelque sorte partie avec sa voix catapultée dans le monde d’aujourd’hui peut-être de ce lointain. Et avec son humanité merveilleuse, avec sa discrétion, avec son intelligence. Si je devais dire quel artiste italien me manque davantage, il serait parmi les premiers.

Toujours selon la science, l’Homo Antecessor pratiquait gaiement le cannibalisme. Peut-être si l’individu de la chanson avait réalisé son désir de posséder la belle Mulier Antecessor au corps clair et aux larges flancs. Peut-être, qui sait, s’il ne l’aurait pas mangée, ou été mangé par elle. Comme, au fond, settecentocinquantamila ans après. Bonne écoute, en ce dernier jour d’été, ou premier d’automne, comme vous voulez. [At-XXI]


Dialogue maïeutique


Comme tu as pu l’entendre et le comprendre des explications données par l’A.T. XXI (l’athée du 21e siècle ?), c’est une histoire d’amour assez antique. Peut-être tellement antique que, même toi, Lucien l’âne mon ami, tu n’étais pas encore né quand elle s’est produite – oui, oui, même si ce n’est pas vraiment ce que dit la chanson, elle s’est produite ; il fallait bien, sinon comment cette espèce d’homos se serait-elle reproduite ? On ne peut quand même pas y voir la main du Saint-Esprit ou je ne sais quelle Immaculée Conception ; ce sont fariboles bonnes pour d’ignares pudibonds. Cela dit, 750 000 ans, c’est quand même une fameuse période.

Eh bien, Marco Valdo M.I. mon ami, nous les ânes, on était déjà là et comme l’Homo en question, nous étions un peu plus rudes et un peu moins, comment dire, civilisés (?) qu’à présent. On tenait plus de l’onagre que du baudet domestiqué qu’on rencontre parfois. Cependant, rassure-toi, même si j’ai gardé certaines de mes habitudes anciennes, nous les ânes, on ne s’est jamais mangé entre nous et de façon générale, on n’a jamais mangé d’animaux, fussent-ils des « homos ». L’inverse, malheureusement, n’est pas vrai. Ainsi, nous nous tenions vraiment à l’écart de cette espèce cannibale et carnivore. On savait se défendre, tu peux me croire ; d’ailleurs, on est toujours là et moi en particulier, même si, bien des sous-espèces asines sont en voie de disparition, comme bien d’autres sur cette planète que l’humanité est en train de détruire.

Sais-tu, Marco Valdo M.I. mon ami, que le Coran traite les athées d’onagres épouvantés. Ça me paraît être une vaste carabistouille, cependant, il est vrai que les ânes, les hémiones et les onagres sont des athées têtus et bien décidés à le rester. Ce n’est pas pour rien que les paysans de Lucanie disaient : « Noi, non siamo cristiani, siamo somari », ce que je traduirais volontiers par « Nous, nous ne sommes pas des chrétiens, nous sommes des bêtes de somme ». Autrement dit, notamment, des ânes.

Maintenant que penses-tu, Lucien l’âne mon ami, de la réflexion de Lorenzo ?

Oh, dit Lucien l’âne, moi, je veux bien en penser quelque chose, mais au fait, il me faudrait d’abord savoir ce que dit Lorenzo.

Certes, tu as raison, Lucien l’âne mon ami. Eh bien, Lorenzo dit ceci : « Il serait bien de demander à Marco Valdo M.I. si ce morceau se déroule à une époque précédente à la Guerre de cent mille ans ou si La Guerre de Cent mille ans doit être retrodatée ?

Pour moi, dit Lucien l’âne et j’imagine que pour toi aussi, la réponse est simple. Il y a 750 000 ans, la Guerre de Cent Mille Ans n’avait pas encore commencé. Tout simplement, car les riches n’existaient pas ; il n’y avait que des Homos Antecessors ou peut-être, des Homos Erectus. Pour ces Homos, les choses étaient plus simples; à l’époque, on ne prenait pas le temps d’accumuler; on mangeait tout de suite le pauvre qui vous tombait sous la dent. Il faut dire que la vie était plus courte et que du coup, on n’avait pas le temps de faire de la richesse, ni même, de développer une société d’exploitation. En gros, chez les Homos de l’époque, on ne pensait qu’à manger et sans doute également, à se reproduire.

En effet, Lucien l’âne mon ami, mes pensées vont dans le même sens que les tiennes, même si personnellement, je n’ai pas vécu à cette époque légèrement éloignée.
En fait, je pense que le chiffre de 100 000 ans est trop petit ; quand je l’ai énoncé la première fois, il voulait simplement dire beaucoup, vraiment beaucoup. Mais ce pourrait aussi bien être un million ou un milliard. Qui sait ? Et puis, nul ne sait exactement quand elle a vraiment commencé cette Guerre. Bien sûr, comme tu l’as fait, on peut fixer les conditions minimales pour qu’elle existe : en gros, il faut de la richesse considérée comme l’accumulation de choses et considérée comme désirable, il faut aussi de l’ambition, il faut une bonne dose d’avidité, de ladrerie, un manque total d’intelligence du monde. Quant à sa durée dans le futur, on ne pourra pas la vérifier. Enfin, je le pense ; sauf toi peut-être, mais de toute façon, tu ne pourras jamais nous en informer. En résumé, on ne peut fixer exactement ni la date où elle a commencé, ni la date où elle finira. Il est donc assez improbable qu’on puisse en donner la durée avec précision. Dans ces conditions, en l’absence de recherches pour mettre à jour des données plus précises, on peut garder l’expression « Guerre de Cent Mille Ans », tout en sachant ce que ça recouvre.

Soit, Marco Valdo M.I. mon ami. Adoptons cette idée ; de toute façon, on pourra toujours la reconsidérer ; il n’y aura aucun inconvénient à le faire. En attendant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde accumulateur, ambitieux, peu respectueux de la vie des espèces, destructeur de la planète et cacochyme.

Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Déjà le soleil dans l’eau s’enfouit,
Ton sein danse, tu remontes la vallée
Avec ton troupeau aux puits
Désaltérer tes lèvres séchées …
Corps étendu aux larges flancs,
Je suis dans l’ombre à te regarder.
Te posséder, te posséder, oui te posséder !

Et je retiens mon souffle,
Si tu me voyais, tu fuirais…
Et dans la terre, je prends
L’argile rouge pour cacher mon visage,
Mais je voudrais, juste un instant,
Te serrer contre moi ici sur ma poitrine,
Mais je ne peux pas, tu fuirais, tu me fuirais !

Te posséder, je ne peux pas, je ne peux pas,
Je ne peux pas, tu fuiras.
Te posséder, moi je ne peux pas…
Même pour une seule fois.

Si être mienne tu voulais,
De gouttes d’eau, ton sein je couvrirais,
Sous tes pieds, j’étendrais
Des voiles de vent et des feuilles
Corps clair aux larges flancs,
Je te porterais dans le vert des champs
Et je danserais, je danserais avec toi sous la lune.

Je le sais, mon esprit veut
Mais ma lèvre inerte, dire ne peut.
Le ciel devient tout noir,
Tu t’éloignes, reste encore à boire…
Mienne vraiment ! Ah, si c’était vrai !
Mais que suis-je, moi ? Un grand singe,
Sans raison, sans raison, sans raison,
Tu fuirais, tu fuirais,

Un grand singe !
Un grand singe, un grand singe, sans raison !
Tu fuirais
 !

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