vendredi 11 août 2017

Antonio

Antonio

Chanson française – Antonio – Marco Valdo M.I. – 2017



Antonio ?
Comme Tonio,
Il y en a plein.


Voici, Lucien l’âne mon ami, une nouvelle chanson léviane – autrement dit, si tu t’en souviens, une chanson inspirée des récits de Carlo Levi. Je ne pourrais plus te dire si elle est tirée de « L’Orologio » ou du « Quaderno a cancelli ». En tout cas, elle ne vient ni de ma relecture de « Paura della Libertà », ni de celle que j’ai faite il n’y a pas si longtemps de « Cristò si è fermato a Eboli » ; elle s’intitule « Antonio ». Elle aurait pu s’intituler aussi bien Giovanni, Roberto, Silvio, Fortunato ou Francesco, mais voilà, elle s’intitule Antonio. En fait, cet Antonio est une sorte de silhouiette quelconque, un personnage qualunquiste, un « Nobody », un inconnu, cet inconnu du coin qu’on connaît de vue. Peut-être est-ce un « fanullone », un bon à rien ou alors, un honnête citoyen. Allez savoir avant d’avoir réfléchi à ce que raconte la chanson.

Bref, Marco Valdo M.I. mon ami, si je résume ton propos, c’est une chanson qui parle d’un dénommé Antonio.

Exactement, Lucien l’âne mon ami, et cet Antonio est un portrait vivant de l’Italien moyen tel qu’il est décrit par Carlo Levi et cet Antonio est la personnalisation de ces braves gens qui font la base de la société, ce fondement social qui aime sa tranquillité et être maître chez soi. Cette population extrêmement nombreuse, majoritaire et de loin dans le pays est celle qui porte et maintient au pouvoir celui qui lui apporte certaines assurances et dont elle imagine qu’il lui est dévoué. Cet homme de la base est vu, non pas dans ce rôle politique de supporter de l’autorité, de la discipline et de l’ordre, mais bien dans sa vie plus intime, dans sa vie familiale, dans son domaine où il est le maître, dans son rôle de maître de maison, de chef de famille.

C’est assez inhabituel dans la chanson, cette façon de considérer les choses, dit Lucien l’âne en hochant le front. J’ai même l’impression qu’elle n’est pas habituelle ailleurs non plus.

Et ton impression est bonne, Lucien l’âne mon ami. Elle est inhabituelle et on comprendra tout de suite pourquoi. En fait, elle impose de réfléchir au lien entre la façon individuelle de vivre sa vie au quotidien, en tant que cellule sociale et la façon d’agir au niveau le plus général. Ainsi, ce protectionnisme familial est le pendant et le moteur du protectionnisme national. La façon dont Antonio considère sa femme et son fils – un diminutif de lui-même : Antonino, dont il se juge maître souverain de son foyer est le mécanisme fondamental de la société fasciste ou de toute société conservatrice et réactionnaire. Évidemment, la chanson ne fait pas de théorie socio-politique et elle entend encore moins enfourcher mon dada du lien entre le comportement individuel et l’adhésion ou le refus du système. Elle ne l’évoque qu’en creux, comme un négatif photographique laisse deviner ce que serait la photographie imprimée. Ceci elle le laisse entendre et qui voudra comprendre comprendra.

Mais, dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, tu faisais déjà des « canzones lévianes », il y a dix ans. Pourquoi en viens-tu à parler d’Antonio à présent ?

Ta remarque est juste, Lucien l’âne mon ami. La raison de ce retour d’Antonio est tout simplement que je viens de retrouver la version d’origine que j’avais écrite à cette époque où j’étais plongé dans ma période Carlo Levi, où je le traduisais intensément. Ce n’est d’ailleurs pas la seule que j’ai retrouvée. Cependant, cette version-ci est assez différente de la précédente ; en fait, je l’ai entièrement repensée et je l’ai réécrite.

Allons donc à la rencontre de cet Antonio et ensuite, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux monde plein d’Antonios, respectueux, violemment conservateur, décidément réactionnaire et cacochyme.

Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





Certainement, vous le connaissez,
Vous l’avez souvent croisé, Antonio,
Le voisin de palier.
S’imaginer Antonio ?
Comme Tonio,
Il y en a des milliers.

Il s’est marié,
Il a pris femme, Antonio,
Il habite le quartier.
Une femme, Antonio ?
Comme Tonio,
Il y en a des milliers.

C’est un père respecté.
Une femme et
Un fils, nommé Antonino.
Un fils, Antonio ?
Comme Tonio,
Il y en a des milliers.

Il est heureux d’être marié :
Sa fidèle petite femme à son côté
Et son petit Antonino.
Une femme et un fils, Antonio ?
Comme Tonio
Il y en a des milliers

On écrirait un livre entier
Sur un type comme Antonio,
L’homme régnant sur son foyer.
Le roi du foyer, Antonio ?
Comme Tonio,
Il y en a des milliers.

Antonio surveille son bien,
Sa fidèle petite femme qui l’aime bien
Et Antonino qui bat des mains.
Qui bat des mains, Antonio ?
Comme Tonio,
Il y en a plein.

Dans sa maison, dans son jardin,
Antonio est un maître, un souverain.
Un maître, un souverain,
Antonio ?
Comme Tonio,
Il y en a plein.

Au-dehors, il se tient bien.
Il lève le bras, il lève la main,
Il fait le salut romain.
Antonio ?
Comme Tonio,

Il y en a plein.

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