Antonio
Chanson française – Antonio – Marco Valdo M.I. – 2017
Antonio ?
Comme Tonio,
Il y en a plein.
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Voici,
Lucien l’âne mon ami, une nouvelle chanson léviane – autrement
dit, si tu t’en souviens, une chanson inspirée des récits de
Carlo Levi. Je ne pourrais plus te dire si elle est tirée de
« L’Orologio » ou du « Quaderno a cancelli ».
En tout cas, elle ne vient ni de ma relecture de « Paura della
Libertà », ni de celle que j’ai faite il n’y a pas si
longtemps de « Cristò si è fermato a Eboli » ;
elle s’intitule « Antonio ». Elle aurait pu s’intituler
aussi bien Giovanni, Roberto, Silvio, Fortunato ou Francesco, mais
voilà, elle s’intitule Antonio. En fait, cet Antonio est une sorte
de silhouiette quelconque, un personnage qualunquiste, un « Nobody »,
un inconnu, cet inconnu du coin qu’on connaît de vue. Peut-être
est-ce un « fanullone », un bon à rien ou alors, un
honnête citoyen. Allez savoir avant d’avoir réfléchi à ce que
raconte la chanson.
Bref,
Marco Valdo M.I. mon ami, si je résume ton propos, c’est une
chanson qui parle d’un dénommé Antonio.
Exactement,
Lucien l’âne mon ami, et cet Antonio est un portrait vivant de
l’Italien moyen tel qu’il est décrit par Carlo Levi et cet
Antonio est la personnalisation de ces braves gens qui font la base
de la société, ce fondement social qui aime sa tranquillité et
être maître chez soi. Cette population extrêmement nombreuse,
majoritaire et de loin dans le pays est celle qui porte et maintient
au pouvoir celui qui lui apporte certaines assurances et dont elle
imagine qu’il lui est dévoué. Cet homme de la base est vu, non
pas dans ce rôle politique de supporter de l’autorité, de la
discipline et de l’ordre, mais bien dans sa vie plus intime, dans
sa vie familiale, dans son domaine où il est le maître, dans son
rôle de maître de maison, de chef de famille.
C’est
assez inhabituel dans la chanson, cette façon de considérer les
choses, dit Lucien l’âne en hochant le front. J’ai même
l’impression qu’elle n’est pas habituelle ailleurs non plus.
Et ton
impression est bonne, Lucien l’âne mon ami. Elle est inhabituelle
et on comprendra tout de suite pourquoi. En fait, elle impose de
réfléchir au lien entre la façon individuelle de vivre sa vie au
quotidien, en tant que cellule sociale et la façon d’agir au
niveau le plus général. Ainsi, ce protectionnisme familial est le
pendant et le moteur du protectionnisme national. La façon dont
Antonio considère sa femme et son fils – un diminutif de
lui-même : Antonino, dont il se juge maître souverain de son
foyer est le mécanisme fondamental de la société fasciste ou de
toute société conservatrice et réactionnaire. Évidemment, la
chanson ne fait pas de théorie socio-politique et elle entend encore
moins enfourcher mon dada du lien entre le comportement individuel et
l’adhésion ou le refus du système. Elle ne l’évoque qu’en
creux, comme un négatif photographique laisse deviner ce que serait
la photographie imprimée. Ceci elle le laisse entendre et qui voudra
comprendre comprendra.
Mais,
dis-moi, Marco Valdo M.I. mon ami, tu faisais déjà des « canzones
lévianes », il y a dix ans. Pourquoi en viens-tu à parler
d’Antonio à présent ?
Ta
remarque est juste, Lucien l’âne mon ami. La raison de ce retour
d’Antonio est tout simplement que je viens de retrouver la version
d’origine que j’avais écrite à cette époque où j’étais
plongé dans ma période Carlo Levi, où je le traduisais
intensément. Ce n’est d’ailleurs pas la seule que j’ai
retrouvée. Cependant, cette version-ci est assez différente de la
précédente ; en fait, je l’ai entièrement repensée et je
l’ai réécrite.
Allons
donc à la rencontre de cet Antonio et ensuite, reprenons notre tâche
et tissons le linceul de ce vieux monde plein d’Antonios,
respectueux, violemment conservateur, décidément réactionnaire et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Certainement,
vous le connaissez,
Vous
l’avez souvent croisé, Antonio,
Le
voisin de palier.
S’imaginer
Antonio ?
Comme
Tonio,
Il
y en a des milliers.
Il
s’est marié,
Il
a pris femme, Antonio,
Il
habite le quartier.
Une
femme, Antonio ?
Comme
Tonio,
Il
y en a des milliers.
C’est
un père respecté.
Une
femme et
Un
fils, nommé Antonino.
Un
fils, Antonio ?
Comme
Tonio,
Il
y en a des milliers.
Il
est heureux d’être marié :
Sa
fidèle petite femme à son côté
Et
son petit Antonino.
Une
femme et un fils, Antonio ?
Comme
Tonio
Il
y en a des milliers
On
écrirait un livre entier
Sur
un type comme Antonio,
L’homme
régnant sur son foyer.
Le
roi du foyer, Antonio ?
Comme
Tonio,
Il
y en a des milliers.
Antonio surveille
son bien,
Sa
fidèle petite femme qui l’aime bien
Et
Antonino qui bat des mains.
Qui
bat des mains, Antonio ?
Comme
Tonio,
Il
y en a plein.
Dans
sa maison, dans son jardin,
Antonio
est un maître, un souverain.
Un
maître, un souverain,
Antonio ?
Comme
Tonio,
Il
y en a plein.
Au-dehors,
il se tient bien.
Il
lève le bras, il lève la main,
Il
fait le salut romain.
Antonio ?
Comme
Tonio,
Il
y en a plein.
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