La
Maison des Morts
Chanson
française – Marco Valdo M.I. – 2017
Lucien
l’âne mon ami, as-tu souvenance d’un écrivain d’origine
hongroise, né à Budapest au temps de l’Empire austro-hongrois,
naturalisé britannique en 1949 et qui durant sa vie, a écrit dans
au moins, trois langues différentes : le hongrois, l’allemand
et l’anglais et qui est fort connu – entre autres choses – pour
sa prise de position contre la peine de mort et sa défense de la
République espagnole ?
Marco
Valdo M.I. mon ami, tu me poses toujours des devinettes du genre,
comme si tu ne savais pas que je sais de qui tu me parles ; ils
ne sont d’ailleurs pas nombreux qui pourraient correspondre à ce
portrait. Sans aucune hésitation, je te dirai qu’il s’agit
d’Arthur Koestler, dont je sais pertinemment aussi que tu es un
grand lecteur de ses écrits. Moi, je l’avais croisé
clandestinement en Grèce quand il rencontrait les Grecs qui
organisaient la résistance au dictateur Metaxas ; ses articles
furent censurés et jamais publiés à l’époque par son journal.
Sans aucun doute, sous l’influence du Foreign Office. Je l’ai
croisé aussi en Israël, qui était encore la Palestine sous
domination anglaise, quand A.K. (comme il aimait à signer), plaidait
déjà pour séparer les antagonistes. Enfin, bien évidemment du
côté de Malaga, quelque temps avant que la ville ne tombe aux mains
des nationalistes espagnols, dont le corps d’armée était composé
essentiellement de fascistes italiens (50 000), envoyés avec
armes et bagages par Mussolini pour appuyer les putschistes de
Franco.
C’est
bien de lui que je te parlais, en effet, répond Marco Valdo M.I. Et
précisément, c’est lors de cet épisode de la chute de Malaga que
A.K. sera fait prisonnier des fascistes et interné à Séville
plusieurs mois en attendant son exécution. Ce sont les pressions
anglaises qui finiront par le faire libérer en échange contre une
prisonnière, la femme d’un haut responsable nationaliste. Juste
une parenthèse à propos des années suivantes et de la situation
des réfugiés qu’on internait dans des camps, A.K. – toujours
Hongrois et donc suspect – y fut enfermé en France (au Stade
Roland Garros, puis au Vernet) et arrivé en Angleterre, il fut
également interné. Ce qui lui inspira cette amère réflexion :
« Les antifascistes étaient évidemment très gênants dans
une guerre contre le fascisme ».
Oh,
dit Lucien l’âne, je ne connaissais pas cette pensée, mais elle
me paraît assez exacte et surtout, devrait être prise en compte par
tous ceux qui dans les sociétés « démocratiques »
entendraient lutter contre le fascisme, clairement revendiqué ou
rampant. Dénoncer le fascisme n’est généralement pas bien perçu
surtout quand il montre un visage souriant et rassurant à la
télévision. Donc, tu disais de la chanson qu’elle était en
quelque sorte tirée d’un écrit d’A.K.
Effectivement,
Lucien l’âne mon ami. Il s’agit de ce roman autobiographique
qu’il publia sous le titre de « Le Testament espagnol »
dans lequel il relate la prise de Malaga et son séjour dans la
maison des morts, nom qui rappelle évidemment Fédor Dostoïevsky et
les pensées qu’un prisonnier condamné à mort et en instance
d’exécution peut avoir à ce sujet.
Marco
Valdo M.I. mon ami, on est dans un monde où tout cela peut encore
arriver et d’ailleurs, arrive tous les jours dans d’autres pays,
même si l’on s’en tient aux seuls prisonniers politiques, aux
opposants, aux résistants, à ceux qui essayent d’aller à
l’encontre des forces gigantesques qui président aux destinées de
l’humanité dans cette Guerre de Cent Mille Ans que les riches, les
puissants et les religieux font aux pauvres, aux réfugiés et aux
hommes de bonne volonté. Et nous, nous, ici dans notre réserve
indienne, nous tissons le linceul de ce vieux monde inique, odieux,
brutal, menteur, médiocre et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
À
Séville, dans la maison des
morts
La
pensée sans arrêt
Comme
une toupie tournait, tournait
Sur
son axe retors.
Cellule
40, j’attends ma fin
Une
histoire plate, sans sommet
Où
les cadavres reposent discrets
En
paquets au long des chemins.
Au
crépuscule, la trompette résonne
Le
soleil s’est couché, il n’attend personne.
À
l’enterrement de la République,
Le
couvre-feu est la seule musique.
Les
étoiles tremblent dans le firmament.
Au
clair de lune, les chats criaillent,
Les
fenêtres des cellules baillent
Des
plaintes et des ronflements.
Souvent
la nuit, je m’éveille.
J’ai
la nostalgie
De
la maison des morts de Séville
Et
je m’émerveille.
À
force, l’angoisse permanente
Rend
la mort indifférente.
Sans
vraie peur, on était libres,
Absolument
libres de vivre.
Les
heures nocturnes me berçaient,
Et
les morts sont morts à tout jamais.
Pourtant,
il me reste l’impression puissante
D’avoir
gagné de la vie dans la cellule quarante.
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