mardi 11 juillet 2017

La Maison des Morts

La Maison des Morts

Chanson française – Marco Valdo M.I. – 2017






Lucien l’âne mon ami, as-tu souvenance d’un écrivain d’origine hongroise, né à Budapest au temps de l’Empire austro-hongrois, naturalisé britannique en 1949 et qui durant sa vie, a écrit dans au moins, trois langues différentes : le hongrois, l’allemand et l’anglais et qui est fort connu – entre autres choses – pour sa prise de position contre la peine de mort et sa défense de la République espagnole ?

Marco Valdo M.I. mon ami, tu me poses toujours des devinettes du genre, comme si tu ne savais pas que je sais de qui tu me parles ; ils ne sont d’ailleurs pas nombreux qui pourraient correspondre à ce portrait. Sans aucune hésitation, je te dirai qu’il s’agit d’Arthur Koestler, dont je sais pertinemment aussi que tu es un grand lecteur de ses écrits. Moi, je l’avais croisé clandestinement en Grèce quand il rencontrait les Grecs qui organisaient la résistance au dictateur Metaxas ; ses articles furent censurés et jamais publiés à l’époque par son journal. Sans aucun doute, sous l’influence du Foreign Office. Je l’ai croisé aussi en Israël, qui était encore la Palestine sous domination anglaise, quand A.K. (comme il aimait à signer), plaidait déjà pour séparer les antagonistes. Enfin, bien évidemment du côté de Malaga, quelque temps avant que la ville ne tombe aux mains des nationalistes espagnols, dont le corps d’armée était composé essentiellement de fascistes italiens (50 000), envoyés avec armes et bagages par Mussolini pour appuyer les putschistes de Franco.

C’est bien de lui que je te parlais, en effet, répond Marco Valdo M.I. Et précisément, c’est lors de cet épisode de la chute de Malaga que A.K. sera fait prisonnier des fascistes et interné à Séville plusieurs mois en attendant son exécution. Ce sont les pressions anglaises qui finiront par le faire libérer en échange contre une prisonnière, la femme d’un haut responsable nationaliste. Juste une parenthèse à propos des années suivantes et de la situation des réfugiés qu’on internait dans des camps, A.K. – toujours Hongrois et donc suspect – y fut enfermé en France (au Stade Roland Garros, puis au Vernet) et arrivé en Angleterre, il fut également interné. Ce qui lui inspira cette amère réflexion : « Les antifascistes étaient évidemment très gênants dans une guerre contre le fascisme ».

Oh, dit Lucien l’âne, je ne connaissais pas cette pensée, mais elle me paraît assez exacte et surtout, devrait être prise en compte par tous ceux qui dans les sociétés « démocratiques » entendraient lutter contre le fascisme, clairement revendiqué ou rampant. Dénoncer le fascisme n’est généralement pas bien perçu surtout quand il montre un visage souriant et rassurant à la télévision. Donc, tu disais de la chanson qu’elle était en quelque sorte tirée d’un écrit d’A.K.

Effectivement, Lucien l’âne mon ami. Il s’agit de ce roman autobiographique qu’il publia sous le titre de « Le Testament espagnol » dans lequel il relate la prise de Malaga et son séjour dans la maison des morts, nom qui rappelle évidemment Fédor Dostoïevsky et les pensées qu’un prisonnier condamné à mort et en instance d’exécution peut avoir à ce sujet.

Marco Valdo M.I. mon ami, on est dans un monde où tout cela peut encore arriver et d’ailleurs, arrive tous les jours dans d’autres pays, même si l’on s’en tient aux seuls prisonniers politiques, aux opposants, aux résistants, à ceux qui essayent d’aller à l’encontre des forces gigantesques qui président aux destinées de l’humanité dans cette Guerre de Cent Mille Ans que les riches, les puissants et les religieux font aux pauvres, aux réfugiés et aux hommes de bonne volonté. Et nous, nous, ici dans notre réserve indienne, nous tissons le linceul de ce vieux monde inique, odieux, brutal, menteur, médiocre et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



À Séville, dans la maison des morts
La pensée sans arrêt
Comme une toupie tournait, tournait
Sur son axe retors.

Cellule 40, j’attends ma fin
Une histoire plate, sans sommet
Où les cadavres reposent discrets
En paquets au long des chemins.

Au crépuscule, la trompette résonne
Le soleil s’est couché, il n’attend personne.
À l’enterrement de la République,
Le couvre-feu est la seule musique.

Les étoiles tremblent dans le firmament.
Au clair de lune, les chats criaillent,
Les fenêtres des cellules baillent
Des plaintes et des ronflements.

Souvent la nuit, je m’éveille.
J’ai la nostalgie
De la maison des morts de Séville
Et je m’émerveille.

À force, l’angoisse permanente
Rend la mort indifférente.
Sans vraie peur, on était libres,
Absolument libres de vivre.

Les heures nocturnes me berçaient,
Et les morts sont morts à tout jamais.
Pourtant, il me reste l’impression puissante
D’avoir gagné de la vie dans la cellule quarante.

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