Version
française – JE TE RACONTE – Marco Valdo M.I. – 2017
Dans
ce morceau Claudio
Lolli
raconte toute sa vie et il en tire son
motif
de pessimisme. Il est d’un
pessimisme tout
à fait
radical qui ne
couvre
pas seulement la nature des choses, mais aussi
leur réelle importance de
communication de l’expérience.
Honnêtement,
j’ignorais cette chanson, je l’ai découverte dans Calibre 77 de
Gang. Avec Lorenzo, nous nous sommes dits qu’elle manquait…
Certes, elle parle de prison et de guerre, mais en s’arrêtant à
une lecture superficielle, on peut penser que Lolli parle vraiment
d’une prison avec ses barreaux et d’une guerre avec ses bombes,
ses chars et cetera, mais on parle d’une prison intérieure et
d’une guerre intérieure. Cependant peut-être, parle-t-il de la
tristement célèbre guerre de 100 000 ans qui nous relègue à
vivre à la marge.
Dialogue
maïeutique
Comment,
Lucien l’âne mon ami, comment rendre vraiment la vraie poésie
d’une chanson quand on n’a pas – comme le chanteur –
l’occasion de l’enrober de son ; en somme, quand on passe de
l’oreille à l’œil, de l’ouïe à l’audition.
E
effet, Marco Valdo M.I. mon ami, c’est une question que je me pose
souvent, car elle est à chaque fois présente quand tu publies une
version française d’une chanson étrangère ou même, quand tu
proposes une chanson en langue française. Peu importe finalement,
puisque à chaque fois quand il s’agit du texte, c’est l’œil
qui perçoit et la vision devient le guide de l’émotion.
Si
c’est exact, mon cher Lucien l’âne, si ce processus est clair et
si la vue prend le dessus, cela ne règle par entièrement la
question. Il reste qu’il y a d’autres élément qui entrent en
jeu. Laissons de côté l’image ou la photo, qui à coup sûr
sollicitent et impressionnent celui qui les voit et tenons-nous-en au
texte. Là aussi, les choses sont moins simples qu’il n’y paraît.
En gros, la distinction entre prose et vers est pertinente et même,
elle est contraignante. Autrement dit, il y a une forme du texte –
disons d’un roman, qui l’identifie nettement et une autre qui
identifie tout aussi nettement le texte « poétique » ou
qui – du moins – en a la prétention et la chanson est de
ceux-là.
Évidemment,
Marco Valdo M.I. mon ami, mais cela nous mène où ? Où veux-tu
en venir avec cette réflexion à propos de la poésie et de la
prosodie ? Parle-moi plutôt de la canzone de Lolli, qui m’a
l’air bien intéressante.
Mais
justement, Lucien l’âne mon ami, je ne fais que ça. Je te parle
de la chanson de Claudio Lolli, qui dans la version italienne
(l’originale ?) apparaît sous une forme inhabituelle et qui
lui donne des airs de prosodie, plus que de poésie. Mais elle n’est
là que la transcription de ce qui est chanté. Pour celui qui veut
écouter le chanteur, il n’y a là rien d’embarrassant. Mais,
voici où je voulais en venir, pour celui qui établit une version
dans une autre langue et se doit de la présenter par écrit, la
forme doit refléter l’idée de chanson. C’est l’oeil qui sera
l’interprète premier. Mais encore une fois, pas seulement.
Je
comprends bien ce que tu dis, Marco Valdo M.I. mon ami, et je suis
persuadé de tes raisons. Cependant, que cache ce « pas
seulement » ?
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, ce que cache ce « pas
seulement », c’est qu’en définitive, ce n’est pas
seulement l’œil qui absorbe et recrée l’émotion, c’est le
cerveau, qui – comme l’instrumentiste, le soliste – interprète
ce qu’il voit et qui l’ingère et l’intègre – en lui-même.
Incidemment, je viens de te décrire le processus d’élaboration de
la culture.
Où
vas-tu ainsi, Marco Valdo M.I. mon ami ? Arrête-toi, reviens à
la chanson, à la version française que tu proposes de la canzone de
Lolli.
Je
le fais, Lucien l’âne mon ami. Tout ceci est venu car dans sa
version italienne « visuelle », la canzone de Lolli
n’avait pas l’air d’en être une, elle n’avait pas du tout un
air poétique et à la traduire telle quelle, j’étais gêné et
j’avais une sensation, un sentiment d’incomplétude. Dès lors,
je lui ai donné une forme (une morphè) poétique ; je l’ai
restructurée pour qu’elle rende la musique. Dès lors, à comparer
les deux textes, on a l’impression que le second (le mien) n’est
pas la version française du premier (celui de Lolli) et pourtant, je
maintiendrai qu’il s’agit du même.
Je
te reconnais bien là, Marco Valdo M.I., toi et tes façons de faire
et c’est ce qui me plaît bien chez toi ; ces manières
d’assaisonner le monde à ta façon. Néanmoins, il me faut
conclure et nous ramener à notre tâche banale et si semblable d’une
fois à l’autre qui nous entraîne à tisser le linceul de ce vieux
monde informe, désespéré, répétitif, terne, inerte et cacochyme.
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Les
yeux fermés à la recherche d’une compagnie.
Je te dis le désespoir de qui ne trouve pas l’occasion
Je te dis le désespoir de qui ne trouve pas l’occasion