vendredi 21 avril 2017

JE TE RACONTE

JE TE RACONTE


Version française – JE TE RACONTE – Marco Valdo M.I. – 2017
Chanson italienneIo ti raccontoClaudio Lolli – 1973






Dans ce morceau Claudio Lolli raconte toute sa vie et il en tire son motif de pessimisme. Il est d’un pessimisme tout à fait radical qui ne couvre pas seulement la nature des choses, mais aussi leur réelle importance de communication de l’expérience.

Honnêtement, j’ignorais cette chanson, je l’ai découverte dans Calibre 77 de Gang. Avec Lorenzo, nous nous sommes dits qu’elle manquait… Certes, elle parle de prison et de guerre, mais en s’arrêtant à une lecture superficielle, on peut penser que Lolli parle vraiment d’une prison avec ses barreaux et d’une guerre avec ses bombes, ses chars et cetera, mais on parle d’une prison intérieure et d’une guerre intérieure. Cependant peut-être, parle-t-il de la tristement célèbre guerre de 100 000 ans qui nous relègue à vivre à la marge.


Dialogue maïeutique


Comment, Lucien l’âne mon ami, comment rendre vraiment la vraie poésie d’une chanson quand on n’a pas – comme le chanteur – l’occasion de l’enrober de son ; en somme, quand on passe de l’oreille à l’œil, de l’ouïe à l’audition.

E effet, Marco Valdo M.I. mon ami, c’est une question que je me pose souvent, car elle est à chaque fois présente quand tu publies une version française d’une chanson étrangère ou même, quand tu proposes une chanson en langue française. Peu importe finalement, puisque à chaque fois quand il s’agit du texte, c’est l’œil qui perçoit et la vision devient le guide de l’émotion.

Si c’est exact, mon cher Lucien l’âne, si ce processus est clair et si la vue prend le dessus, cela ne règle par entièrement la question. Il reste qu’il y a d’autres élément qui entrent en jeu. Laissons de côté l’image ou la photo, qui à coup sûr sollicitent et impressionnent celui qui les voit et tenons-nous-en au texte. Là aussi, les choses sont moins simples qu’il n’y paraît. En gros, la distinction entre prose et vers est pertinente et même, elle est contraignante. Autrement dit, il y a une forme du texte – disons d’un roman, qui l’identifie nettement et une autre qui identifie tout aussi nettement le texte « poétique » ou qui – du moins – en a la prétention et la chanson est de ceux-là.

Évidemment, Marco Valdo M.I. mon ami, mais cela nous mène où ? Où veux-tu en venir avec cette réflexion à propos de la poésie et de la prosodie ? Parle-moi plutôt de la canzone de Lolli, qui m’a l’air bien intéressante.

Mais justement, Lucien l’âne mon ami, je ne fais que ça. Je te parle de la chanson de Claudio Lolli, qui dans la version italienne (l’originale ?) apparaît sous une forme inhabituelle et qui lui donne des airs de prosodie, plus que de poésie. Mais elle n’est là que la transcription de ce qui est chanté. Pour celui qui veut écouter le chanteur, il n’y a là rien d’embarrassant. Mais, voici où je voulais en venir, pour celui qui établit une version dans une autre langue et se doit de la présenter par écrit, la forme doit refléter l’idée de chanson. C’est l’oeil qui sera l’interprète premier. Mais encore une fois, pas seulement.


Je comprends bien ce que tu dis, Marco Valdo M.I. mon ami, et je suis persuadé de tes raisons. Cependant, que cache ce « pas seulement » ?

Eh bien, Lucien l’âne mon ami, ce que cache ce « pas seulement », c’est qu’en définitive, ce n’est pas seulement l’œil qui absorbe et recrée l’émotion, c’est le cerveau, qui – comme l’instrumentiste, le soliste – interprète ce qu’il voit et qui l’ingère et l’intègre – en lui-même. Incidemment, je viens de te décrire le processus d’élaboration de la culture.

Où vas-tu ainsi, Marco Valdo M.I. mon ami ? Arrête-toi, reviens à la chanson, à la version française que tu proposes de la canzone de Lolli.

Je le fais, Lucien l’âne mon ami. Tout ceci est venu car dans sa version italienne « visuelle », la canzone de Lolli n’avait pas l’air d’en être une, elle n’avait pas du tout un air poétique et à la traduire telle quelle, j’étais gêné et j’avais une sensation, un sentiment d’incomplétude. Dès lors, je lui ai donné une forme (une morphè) poétique ; je l’ai restructurée pour qu’elle rende la musique. Dès lors, à comparer les deux textes, on a l’impression que le second (le mien) n’est pas la version française du premier (celui de Lolli) et pourtant, je maintiendrai qu’il s’agit du même.

Je te reconnais bien là, Marco Valdo M.I., toi et tes façons de faire et c’est ce qui me plaît bien chez toi ; ces manières d’assaisonner le monde à ta façon. Néanmoins, il me faut conclure et nous ramener à notre tâche banale et si semblable d’une fois à l’autre qui nous entraîne à tisser le linceul de ce vieux monde informe, désespéré, répétitif, terne, inerte et cacochyme.


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





Je te conte la misère d’une vie vécue à l’heure,
De gens qui ne savent plus faire l’amour.
Je te dis la mélancolie de vivre en
banlieue,
Du temps gris qui nous emporte.
Je te raconte ma vie mon passé m
es jours,
Même si à toi, je le sais, peu importe.
Je te raconte des semaines,
Faites d’angoisses surhumaines,
De vie et de tourments de personnes étranges.
Et de dimanches féroces
passés
À écouter les voix d’amis recrutés à la pizzeria.
Je te raconte tant de gens qui vivent
Et ne comprennent rien à la recherche d’un peu de joie.

Je te raconte le carnaval,
La fête qui finit mal,
Les faussetés d’une ville industrielle.
Je te raconte le rêve étrange
de poursuivre de la main
un horizon toujours plus lointain.
Je te raconte la névrose de vivre
Les yeux fermés à la recherche d’une compagnie.
Je te dis le désespoir de qui ne trouve pas l’occasion
De connaître un jour de lion.
De celui qui traîne sa vie, si las,
Dans une médiocrité infinie,
Avec quatre sous serrés entre les doigts.
Je te raconte la folie
Qui s’achète en église ou en épicerie,
Un peu de vin, un peu de religion.

Mais toi qui écoutes une chanson,
Connais-tu la prison ?
Sais-tu à quoi sert une gare ?
Sais-tu ce qu’est une guerre ?
Et combien il y en a sur terre ?
À quoi peut servir une guitare ?
Nous sommes tous morts
Et nous ne nous en sommes pas aperçus,
Et nous continuons à dire qu’il en soit ainsi.
Nous sommes tous morts
Et nous ne nous en sommes pas aperçus,
Et nous continuons à dire qu’il en soit ainsi.


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