samedi 25 février 2017

FROID


FROID

Version française – FROID – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson allemande – KälteErika Mann – 1933

Poème d’Erika et Klaus Mann
Musique de Magnus Henning (1904-1995), compositeur et pianiste bavarois
Dans le spectacle de cabaret intitulé « Die Pfeffermühle », « le Moulin à poivre », imaginé par Erika et Klaus Mann, avec la collaboration de Walter Mehring et de Wolfgang Koeppen, et interprété par la même Erika, son amie Therese Giehse et d’autres acteurs et de danseurs (Lotte Goslar, Sybille Schloß, Cilli Wang et Igor Pahlen.)





En 1933, la majeure partie des cabarettistes allemands avait déjà quitté l’Allemagne. Il fut alors qu’Erika et son frère Klaus – en guerre ouverte avec l’encombrante figure de leur père Thomas Mann, jusqu’à ce moment silencieux face au nazisme alors triomphant – décidèrent de se charger de cette scène littéraire et théâtrale en extinction et de la proposer de manière ouvertement anti-nazie.
« Die Pfeffermühle », « le Moulin à poivre » – nom suggéré justement par Thomas Mann – débuta le 1 janvier de 1933 dans un petit local de Munich, la Bonbonnière, pas loin de la brasserie où en 1923, avait débuté sur la scène politique un jeune peintre triste et médiocre, un certain Adolf Hitler.

Avec le coup d’État hitlérien après les élections de mars 1933, les Mann furent aussi contraints à l’exil ; d’abord en Suisse, ensuite à Paris, en Grande-Bretagne et enfin, aux USA. Erika risqua sa vie en rentrant dans le courant de 1933 à Munich pour sauver quelques manuscrits de son père. « Le Moulin à poivre » devint « Kabarett de l’exil » et fut présenté ensuite partout où Erika et Klaus furent amenés à vivre.

« Kälte », le froid. Ces vers d’Erika Mann – qui sur la scène les récitait dolente, dans un vêtement blanc de Pierrot – expriment mieux que tant d’autres le gel qui se propageait à travers l’Allemagne, en tuant toute forme de vie, et la désolation et le désespoir (dans beaucoup de cas résolu avec le suicide) de tant d’artistes, d’écrivains et d’intellectuels allemands – Juifs et non-Juifs – qui avant même la venue de Hitler au pouvoir furent contraints à quitter leur pays, car ils étaient empêchés de travailler et de survivre, poursuivis, insultés et battus par des bandes qui régulièrement entraient par effraction durant les spectacles, en ravageant les scènes.


L’anniversaire des 13 ans d’Erika Mann fut aussi celui de la république (de Weimar); le jour de ses 18 ans a vu la tentative de coup d’État dans sa ville, Munich. À trente-trois ans, c’était la Kristallnacht, la Nuit de Cristal.
Toute la famille Mann fut privée de la nationalité allemande par les nazis. En premier, et fier, Heinrich. Ensuite, tous les autres. Y compris Thomas, qui s’était décidé à prendre une position politique claire seulement suite aux pressions de sa fille. Ils continuèrent à s’adresser au peuple allemand et au public international, résistants exilés et loin de l’Allemagne, à vingt-huit ans, Erika monte sur scène à Zurich avec son ensemble et son costume de Pierrot, et introduit le spectacle avec ce morceau ...

Dans le froid hivernal, l’année était née, –
Il est si tendre, – soyez précautionneux avec l’enfant !
On en a déjà perdu quelques-uns cette année,
Et au jour d’aujourd’hui, le vent est coupant.

La neige est bleuâtre dans le froid ascète, –
Pauvres et nus, les arbustes gèlent ;
Deux corbeaux tournent affamés au-dessus d’un champ, –
Un paysan marche pesamment, comme le Géant du mont des Géants.

Pourquoi fait-il si froid ?
Pourquoi le froid glace !
Pourquoi ? Bientôt le monde ne sera
Plus que neige et glace!

Le monde est froid –
peu lui importe cependant,
De ce
ci et de cela qui existent malheureusement.
L’indifférence, ce plus frais des oreillers
Apprécié de tous et très demandé.

Pourquoi
avons-nous si froid ?
Pourquoi, –
cette glace !
Pourquoi ? Nous
ne sommes déjà
Plus que neige et glace!

Participez, – il s’agit de votre terre !
Et
vous êtes seul, à avoir tout le pouvoir entier !
Faites qu’il fasse un peu plus chaud
Dans notre
dure nuit de cet hiver glacé !

Tout est empli d’une froide épouvante
Tant que nous ne
l’attaquons pas au corps ;
Résistez et combattez et nous verrons alors,
Si les fantômes
emporteront cette lutte !


L’emporter ? Moi je n’y crois guère !
Le soleil triomphe à la
fin !
Pourquoi
 ? Car la lumière
Doit triompher à la fin !

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