Version
française – PEUPLE QUI DE TOUJOURS – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson
italienne — Popolo
che da sempre – Dario
Fo – 1971
Du balcon de la Maison du Peuple |
Ah,
Lucien l’âne mon ami, un comédien qu’on aime bien vient de
mourir. Bien évidemment, comme il
est aussi l’auteur de cette chanson, dont je présente une version
française, tu sais déjà qu’il s’agit de Dario Fo. Boris
Vian disait lui-même : « un mort, c’est complet. On
n’est pas complet tant qu’on est pas mort. » Il
est mort, le voilà donc
complet ; elle
termine la vie ; la chose est banale et n’a rien de tragique.
En
effet, dit
Lucien l’âne d’un air narquois et aux pieds noirs, ce
sont des choses qui arrivent dans la vie. Cependant,
je le dis tout net à ceux
que ça inquiète, qu’ils se rassurent, ça n’arrive qu’une
seule fois. Une
seule fois, sauf dans de rarissimes cas et encore. On
laissera de côté les erreurs de diagnostic où des gens apparemment
morts ont soudain réémergé de cette sorte de coma. On laissera
pareillement de côté les ressuscités administratifs ou
judiciaires, comme Joseph
Porcu .
Cependant, on
raconte dans un livre ou dans
un
autre que certains seraient
morts
plusieurs fois ou
étant
déclarés
morts seraient revenus à la vie, comment dire : miraculeusement
– mais
nul n’en a gardé trace certaine. Ce sont des fariboles. En vérité,
Marco Valdo M.I. mon ami, je te le dis, à
part nous, petits personnages imaginaires, qui donc peut être
éternel et ressusciter ?
Et
ressusciter à la demande, de surcroît, précise
enthousiaste et joyeux Lucien l’âne ;
car moi, par exemple, parfois pendant des
siècles on me laisse végéter sur le bord des chemins peu
fréquentés et puis soudain, à ta demande, je reprends vie et
littéralement, je ressuscite. La
seule chose triste dans cette affaire, c’est que
Dario Fo, dont je doute fort qu’il ressuscite,
n’écrira plus de chansons,
ni de pièces et qu’il ne les jouera plus. Encore
que, en vérité, dans l’état où il
était, il vaut sans doute mieux qu’il ait
quitté le monde définitivement.
Du point de vue professionnel, en quelque
sorte, peut-être aurait-il pu comme
Molière et bien des travailleurs, rattrapés
par la mort
blanche et des militaires par une balle perdue ou un coup de mortier,
mourir en pleine
action et dans
son cas, en scène, dans
une dernière parade : théâtralement.
Mais, parle-moi maintenant de la canzone.
Eh
bien, Lucien l’âne mon ami, cette chanson est – avant la lettre
– une chanson qui raconte à sa manière la Guerre
de Cent Mille Ans , cette furieuse guérilla que les
maîtres mènent contre les gens du peuple aux seules fins de
maintenir leur pouvoir, d’accroître leurs richesses, de renforcer
leur domination et de tirer plus de profits encore. Et ils y
parviennent : l’écart entre les riches et les pauvres
s’accroît encore et encore et partout dans le monde. La canzone
s’adresse au peuple et lui propose de réfléchir à cet état de
choses. Elle
dit exactement :
C’est
une excellente idée, Marco Valdo M.I. mon ami, et si je m’en
souviens bien, c’était aussi le but de la chanson sur la Guerre de
Cent Mille Ans.
Avant
de te laisser conclure, je voudrais éclaircir une singularité de ma
version française. Comme on peut le voir, le texte de la version
française est plus long que l’original. Ce n’est pas que la
langue française soit si peu concise, mais c’est que j’ai
rajouté – un peu à la manière de Dario Fo – en manière de
refrain un petit quatrain, tiré du folklore populaire contemporain
de Wallonie.
« Et
ric et rac,
On
va squetter l’baraque !
Et
rac et ric,
On
va squetter l’boutique ! »
C’est
en fait en soi une chanson complète, disons une antienne, une
rengaine que chantent les manifestants en colère, annonçant leur
intention de faire de gros dégâts s’ils n’obtiennent pas
satisfaction. C’est l’expression pure de la colère populaire ;
elle veut dire grosso modo : « On va tout foutre en
l’air » ; c’est le feulement du tigre, le grondement
du séisme qui monte du centre de la Terre, c’est le chant
des Canuts : « on entend déjà la révolte
qui gronde ». Ce chant accompagnait les grandes manifestations
très dures (il y eut des morts) de l’hiver 1960-1961, quand la
Wallonie a failli obtenir son indépendance. Finalement, la manœuvre
politique n’a fait que renverser le gouvernement belge… et un
autre s’est empressé de prendre sa place ; c’est ce que
raconte si bien la chanson. Voilà, nous sommes plus de cinquante ans
plus tard et l’affaire n’est toujours pas réglée. Et la
Wallonie, très largement minoritaire au nombre d’habitants et donc
aux élections, au nombre d’élus – dans toutes les structures
nationales, elle souffre d’un sous-investissement systématique,
d’une sorte de mépris national et paye toujours plus cher son
enfermement dans la Belgique sous domination flamande. Tout cela se
traduit par une misère grandissante (qu’on essaye de camoufler),
par la disparition massive d’emplois, la dégradation se marque
dans les paysages urbain et périurbain, on annonce une pénurie de
médecins…Voilà pourquoi dans les manifestations, on entend de
plus en plus « Et ric et rac… ». À propos de la
chanson de Dario Fo elle-même, on comprendra à ce qui précède
qu’elle est tout à fait en syntonisation avec la situation
contemporaine de nos régions.
Oh,
Marco Valdo M.I. mon ami, ce « Et ric et rac » pourrait
bien devenir un cri de ralliement à l’échelle de l’Europe
entière. Quand on voit ce qu’ils font aux Grecs et qu’ils
essayent d’imposer partout ailleurs sur le continent, sans compter
le reste du monde. Européens, regardez ce qu’ils font aux Grecs,
ils vous le feront bientôt ! Tu as donc bien fait de rajouter
ce petit refrain, il pourra servir. Quant à nous, reprenons notre
tâche et tissons, autant que nous pourrons, le linceul de ce vieux
monde arnaqueur, exploiteur, rusé, flagorneur, écraseur et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Peuple
de toujours au boulot assidu,
Couillonné depuis dix mille ans et plus,
Piétiné, divisé,
Raillé et roulé,
Couillonné depuis dix mille ans et plus,
Piétiné, divisé,
Raillé et roulé,
Combien
de fois as-tu explosé
Et t’es-tu jeté tête baissée dans la bagarre
Et as-tu foutu en l’air toute la baraque ?
Et t’es-tu jeté tête baissée dans la bagarre
Et as-tu foutu en l’air toute la baraque ?
Et
ric et rac,
On
va squetter l’baraque !
Et
rac et ric,
On
va squetter l’boutique !
Les
têtes bâtardes des
maîtres.
Mais le maître sans attendre pâques et trinité
Est toujours ressuscité.
Mais le maître sans attendre pâques et trinité
Est toujours ressuscité.
Avec
des flagorneries,
avec des cabrioles,
Avec des bons mots, avec des crocs en jambe,
Avec des préfets, avec des prêtres !
Alléluia !
Avec des bons mots, avec des crocs en jambe,
Avec des préfets, avec des prêtres !
Alléluia !
Avec
des réformes, avec
des chiquenaudes,
Avec des policiers, avec des juges ,
Comme avant, toujours, est revenu le maître !
Alléluia !
Avec des policiers, avec des juges ,
Comme avant, toujours, est revenu le maître !
Alléluia !
Comment
y est-il parvenu?
Le truc est archiconnu.
Dans cette histoire,
Cherchons à comprendre,
Ensemble au moins une fois à comprendre
Le truc est archiconnu.
Dans cette histoire,
Cherchons à comprendre,
Ensemble au moins une fois à comprendre
Et
ric et rac,
On
va squetter l’baraque !
Et
rac et ric,
On
va squetter l’boutique !
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