mardi 18 octobre 2016

La Complainte du P3


La Complainte du P3

Chanson française – La Complainte du P3 – Jean Yanne – 1958





Ah, Marco Valdo M.I., mon ami, une chanson de Jean Yanne. C’est toujours une découverte et aussi, j’en suis sûr une fameuse rigolade qui se prépare.

Si on veut, Lucien l’âne, mon ami. Cependant, si le rire est le propre des chansons de Jean Yanne.

Je pense aussi que le rire est le propre de Jean Yanne lui-même, dit Lucien l’âne de l’air grave de l’académicien.

Tu as parfaitement raison, le rire est le propre de Jean Yanne et par conséquent, le sale de ceux qui le méprisent. Donc, je reprends, dit Marco Valdo M.I., il y a sous cette apparente facilité des chansons et des propos, sous le recours à des formes très populaires – ici, une sorte de java de caboulot, sous un air ouvriériste, il y a un vrai portrait – à gros traits, certes – de la vie sociale quotidienne et connaissant les habitudes du citoyen Yanne, une fameuse critique du milieu ; le tout transbahutant une fameuse joie de vivre. Ici, Jean Yanne s’en pend aux prêtres-ouvriers qui s’incrustaient dans les usines et les organisations syndicales, une forme d’entrisme catholique assez pervers. C’est pour mieux te reconvertir mon enfant !

Oh, dit Lucien l’âne, on ne dirait pas comme ça, à première vue. Évidemment quand on y songe, on se demande ce que des prêtres viendraient faire dans les usines. La même question se pose d’ailleurs pour les aumôniers aux armées.

Quand même, Lucien l’âne mon ami, quand on creuse un peu. Le P.3. qui chante sa complainte : a comme amie la sœur d’un prêtre-ouvrier et à force de chauffer sa gamelle dans son petit bain-marie lui fait un enfant, le tout sans se marier du moins avant que vienne « Irénée le divin enfant » – repris d’un chant de Noël où le calembour couvre d’ironie ce « divin enfant », entouré de l’âne et du bœuf. 
À l’oreille et à l’orgue, on goûte mieux encore la sauce d’acide ecclésiastique dont il enrobe sa chanson, toute ciselée d’Ave Maria.

Tu m’en diras tant que je brûle comme l’encens de l’entendre, s’exclame Lucien l’âne en agitant ses oreilles comme des fanaux sur les récifs au large des océans.

Mais enfin, Lucien l’âne mon ami, comme Jean Yanne a lui-même présenté cette chanson par une sorte de causerie préliminaire, j’ai pris la peine de retranscrire ce texte pour le mettre ici en guise d’introduction.

Voilà une très belle idée, Marco Valdo M.I. mon ami, car en quelque sorte, ces commentaires introductifs de Jean Yanne font intégralement partie de la chanson elle-même et puis, ainsi les voilà gravés dans la pierre du temps et indissociablement liés à la chanson qu’ils éclairent. Et puis, on leur portera ainsi peut-être toute l’attention qu’ils méritent (religieux). Quant à nous deux, pauvres canuts et moi en particulier qui court tout nu à poils, reprenons notre tâche sempiternelle et digne d’une noria (Ave noria !) et tissons avec méthode et obstination le linceul de ce vieux monde miraculeux, illusionniste, clérical et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Je voudrais vous chanter une chanson qui a pour but de réconcilier le clergé et la masse ouvrière.
Je voudrais réconcilier le clergé et la masse ouvrière, car vraiment, il me paraît tout à fait nécessaire à notre époque de tenter ce rapprochement entre les groupes ethniques opposés qui sont quelquefois séparés pour des raisons physiques tout à fait quelconques comme le fait qu’ils ne sont pas vêtus de la même façon ou qu’ils ne mangent pas la même chose le vendredi.
Et en même temps, comme je parle de masses ouvrières, je voudrais attirer votre attention sur une catégorie d’individus dont on ne fait pas assez le cas à notre époque, ce sont les P3.

Pour ceux d’entre vous qui lisent attentivement les journaux, vous savez ce que sont les P3, car les firmes automobiles en font une énorme consommation. Ce sont les ouvriers professionnels de 3ième catégorie dont on a eu l’occasion de parler de temps à autre lors des remises de décorations, mais qu’on ne choisit jamais comme personnages de roman ou de chanson. Et à mon sens, c’est un tort, car les P3 sont une belle catégorie d’ouvriers et valent largement tout un tas de personnages qu’on a illustrés ces derniers temps en musique.
C’est pourquoi j’ai voulu réparer cette injustice en écrivant tout spécialement La Complainte du P3.

Ainsi Parlait Jean Yanne




Du début jusqu’à la fin de la semaine,
Je suis P3 chez Citroën ;
C’est un bon petit boulot
Avec cantine et avantages sociaux.

Je suis copain avec Nénesse
Qu
i est délégué du syndicat.
À la chaîne des boîtes de vitesses,
Je suis heureux comme un roi.

D’autant plus que le samedi
Et le dimanche aussi :
Avec Maria,
On va danser la java.

Maria, c’est la jouvencelle
Chez qui je vais tous les midis
Pour faire chauffer ma gamelle
Dans son petit bain-marie.


Je l’ai connue l’année dernière
Au bal de la RATP,
Là où travaillait son frère
Comme prêtre-ouvrier.

Et ce soir-là, messieurs-dames,
À la salle Wagram,
Avec Maria,
On a dansé la java.

On s’aime tout comme Adam et
Ève,
On va bientôt se marier.
On attend la prochaine grève,
Pour que je sois augmenté.


Mais comme l’a dit mon contremaître,
Quand on est jeune, faut s
dépêcher.
Ainsi, un enfant va naître
Qu’on appellera Irénée.

Irénée le divin enfant
Et le soir sans

Un mot, autour du berceau,
Avec Maria, on ira danser le tango.

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