La
Complainte du P3
Chanson
française – La
Complainte du P3 – Jean Yanne – 1958
Ah,
Marco Valdo M.I., mon ami, une chanson de Jean Yanne. C’est
toujours une découverte et aussi, j’en suis sûr une fameuse
rigolade qui se prépare.
Si
on veut, Lucien l’âne, mon ami. Cependant, si le rire est le
propre des chansons de Jean Yanne.
Je
pense aussi que le rire est le propre de Jean Yanne lui-même, dit
Lucien l’âne de l’air grave de l’académicien.
Tu
as parfaitement raison, le rire est le propre de Jean Yanne et par
conséquent, le sale de ceux qui le méprisent. Donc, je reprends,
dit Marco Valdo M.I., il y a sous cette apparente facilité des
chansons et des propos, sous le recours à des formes très
populaires – ici, une sorte de java de caboulot, sous un air
ouvriériste, il y a un vrai portrait – à gros traits, certes –
de la vie sociale quotidienne et connaissant les habitudes du citoyen
Yanne, une fameuse critique du milieu ; le tout transbahutant
une fameuse joie de vivre. Ici, Jean Yanne s’en pend aux
prêtres-ouvriers qui s’incrustaient dans les usines et les
organisations syndicales, une forme d’entrisme catholique assez
pervers. C’est pour mieux te reconvertir mon enfant !
Oh,
dit Lucien l’âne, on ne dirait pas comme ça, à première vue.
Évidemment quand on y songe, on se demande ce que des prêtres
viendraient faire dans les usines. La même question se pose
d’ailleurs pour les aumôniers aux armées.
Quand
même, Lucien l’âne mon ami, quand on creuse un peu. Le P.3. qui
chante sa complainte : a comme amie la sœur d’un
prêtre-ouvrier et à force de chauffer sa gamelle dans son petit
bain-marie lui fait un enfant, le tout sans se marier du moins avant
que vienne « Irénée le divin enfant » – repris d’un
chant de Noël où le calembour couvre d’ironie ce « divin
enfant », entouré de l’âne et du bœuf.
À l’oreille et à l’orgue, on goûte mieux encore la sauce d’acide ecclésiastique dont il enrobe sa chanson, toute ciselée d’Ave Maria.
À l’oreille et à l’orgue, on goûte mieux encore la sauce d’acide ecclésiastique dont il enrobe sa chanson, toute ciselée d’Ave Maria.
Tu
m’en diras tant que je brûle comme l’encens de l’entendre,
s’exclame Lucien l’âne en agitant ses oreilles comme des fanaux
sur les récifs au large des océans.
Mais
enfin, Lucien l’âne mon ami, comme Jean Yanne a lui-même présenté
cette chanson par une sorte de causerie préliminaire, j’ai pris la
peine de retranscrire ce texte pour le mettre ici en guise
d’introduction.
Voilà
une très belle idée, Marco Valdo M.I. mon ami, car en quelque
sorte, ces commentaires introductifs de Jean Yanne font intégralement
partie de la chanson elle-même et puis, ainsi les voilà gravés
dans la pierre du temps et indissociablement liés à la chanson
qu’ils éclairent. Et puis, on leur portera ainsi peut-être toute
l’attention qu’ils méritent (religieux). Quant à nous deux,
pauvres canuts et moi en particulier qui court tout nu à poils,
reprenons notre tâche sempiternelle et digne d’une noria (Ave
noria !) et tissons avec méthode et obstination le linceul de
ce vieux monde miraculeux, illusionniste, clérical et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Je
voudrais vous chanter une chanson qui a pour but de réconcilier le
clergé et la masse ouvrière.
Je
voudrais réconcilier le clergé et la masse ouvrière, car vraiment,
il me paraît tout à fait nécessaire à notre époque de tenter ce
rapprochement entre les groupes ethniques opposés qui sont
quelquefois séparés pour des raisons physiques tout à fait
quelconques comme le fait qu’ils ne sont pas vêtus de la même
façon ou qu’ils ne mangent pas la même chose le vendredi.
Et
en même temps, comme je parle de masses ouvrières, je voudrais
attirer votre attention sur une catégorie d’individus dont on ne
fait pas assez le cas à notre époque, ce sont les P3.
Pour
ceux d’entre vous qui lisent attentivement les journaux, vous savez
ce que sont les P3, car les firmes automobiles en font une énorme
consommation. Ce sont les ouvriers professionnels de 3ième
catégorie dont on a eu l’occasion de parler de temps à autre lors
des remises de décorations, mais qu’on ne choisit jamais comme
personnages de roman ou de chanson. Et à mon sens, c’est un tort,
car les P3 sont une belle catégorie d’ouvriers et valent largement
tout un tas de personnages qu’on a illustrés ces derniers temps en
musique.
C’est
pourquoi j’ai voulu réparer cette injustice en écrivant tout
spécialement La Complainte du P3.
Ainsi
Parlait Jean Yanne
Du
début jusqu’à
la fin de la semaine,
Je suis P3 chez Citroën ;
C’est un bon petit boulot
Avec cantine et avantages sociaux.
Je suis P3 chez Citroën ;
C’est un bon petit boulot
Avec cantine et avantages sociaux.
Je suis copain avec Nénesse
Qui est délégué du syndicat.
À la chaîne des boîtes de vitesses,
Je suis heureux comme un roi.
D’autant plus que le samedi
Et le dimanche aussi :
Avec Maria,
On
va danser la java.
Maria, c’est la jouvencelle
Chez qui je vais tous les midis
Pour faire chauffer ma gamelle
Dans son petit bain-marie.
Maria, c’est la jouvencelle
Chez qui je vais tous les midis
Pour faire chauffer ma gamelle
Dans son petit bain-marie.
Je
l’ai connue l’année dernière
Au bal de la RATP,
Là où travaillait son frère
Comme prêtre-ouvrier.
Au bal de la RATP,
Là où travaillait son frère
Comme prêtre-ouvrier.
Et
ce
soir-là,
messieurs-dames,
À la salle Wagram,
Avec Maria,
À la salle Wagram,
Avec Maria,
On
a dansé la java.
On s’aime tout comme Adam et Ève,
On va bientôt se marier.
On attend la prochaine grève,
Pour que je sois augmenté.
On s’aime tout comme Adam et Ève,
On va bientôt se marier.
On attend la prochaine grève,
Pour que je sois augmenté.
Mais comme l’a dit mon contremaître,
Quand on est jeune, faut se dépêcher.
Ainsi, un enfant va naître
Qu’on appellera Irénée.
Quand on est jeune, faut se dépêcher.
Ainsi, un enfant va naître
Qu’on appellera Irénée.
Irénée le divin enfant
Et le soir sans
Un mot, autour du berceau,
Avec Maria, on ira danser le tango.
Avec Maria, on ira danser le tango.
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