mercredi 1 juin 2016

LA GRÈVE INTERNE


LA GRÈVE INTERNE

Version française – LA GRÈVE INTERNE – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson italienne – Sciopero interno – Fausto Amodei – 1969






En avant camarades !
Faisons la grève interne !
Ni Dieu, ni Diable
Ne peuvent

Maintenant nous empêcher
De progresser, de diriger et décider.


Comme tu le sais sans doute, mon ami Lucien l’âne, dans les années 70 du siècle dernier, la Fiat était à l’Italie ce que la Régie était à la France, une sorte de monument national ; un peu comme les pyramides le sont à l’Égypte. Et dans une grande part, le sont restées.

Tu exagères peut-être un peu, Marco Valdo M.I. mon ami, mais il y a certainement de ça.

Lors donc, la Fiat, entreprise turinoise, trônait sur l’Italie. D’ailleurs, en Italie, il y avait des Fiat à tous les coins de rue et elles faisaient couci-couça la fierté nationale ; même à l’étranger, surtout là où on trouvait une communauté italienne immigrée ; on trouvait des Fiat et des pizzerias.

C’est encore assez le cas aujourd’hui. Dès lors, une grève à la Fiat était, elle aussi, un événement qui dépassait les frontières de l’entreprise, qui franchissait les murs de l’usine, même quand cette grève se faisait à l’intérieur des ateliers, quand c’était une grève (en) interne. D’ailleurs, cette grève en interne – c’est ce que raconte la chanson de Fausto Amodei, qui se réfère à cet automne chaud chez Fiat en 1969 – était elle aussi – au début une particularité de la Fait et sans doute, de Mirafiori. C’était une nouvelle façon d’agir ; pour parler comme les stratèges, une nouvelle tactique d’auto-défense et de résistance ouvrière dans la Guerre de Cent Mille Ans [[7951]] que les riches font aux pauvres afin d’assurer leur domination, de renforcer leurs privilèges, d’augmenter leurs profits, d’imposer l’exploitation. Aux dernières nouvelles, en ce qui concerne la Fiat (mais évidemment ailleurs aussi), cette lutte est toujours en cours.

Je le vois, je le sais, on vit actuellement dans un climat de grèves et de luttes depuis des années ici et au train (en grève) où vont les choses, je ne pense pas que ça va s’apaiser de si tôt. C’est un des symptômes du libéralisme en rut. Mais au fait, qu’est-ce qu’elle pouvait avoir de particulier cette tactique de la grève interne ?

En premier lieu, elle avait comme fondement non pas une organisation générale qui surplombait toue l’entreprise ou à tout le moins, l’entièreté de l’usine (plusieurs dizaines de milliers d’ouvriers), mais elle se fondait sur des groupes de travailleurs plus réduits, mais plus cohérents qui se trouvaient ensemble dans les ateliers, de groupes homogènes qui servirent de démarreurs et de moteurs à un mouvement plus vaste, né au travers des manifestations qui circulaient à l’intérieur (d’où le « interne ») de la gigantesque usine.

Des manifestations à l’intérieur de l’usine ?, dit Lucien l’âne étonné.

Eh bien oui, à l’intérieur de l’usine. Des manifestations qui partaient d’un atelier et circulaient en cortège dans les installations. Il faut savoir que cette usine de Mirafiori était réellement immense. Elle s’étale sur 200 hectares et comprend, notamment, des kilomètres de voies ferrées et de routes internes.
Et le cortège – drapeaux et banderoles – s’en allait d’atelier en atelier propager la grève et tout cela débouchait sur des assemblées qui donnaient sens et objectifs au mouvement : grève pour de meilleures conditions de travail, grève pour des horaires moins longs, pour des rémunérations plus correctes, pour des cadences moins folles, pour plus de sécurité au travail, pour des temps de pauses réguliers, pour, pour, pour, etc. Et ces manifestations, ces cortèges, ces assemblées, ces grèves étaient possibles en raison de la taille de l’usine, du nombre élevé d’entrées à l’usine et du très grand nombre de travailleurs ; ils étaient nécessaires pour les mêmes raisons ; ils étaient aussi une excellente façon de contacter tous les travailleurs ou presque : ils étaient à leur poste de travail.

Évidemment que c’était une bonne idée, mais il allait oser le faire et ils ont osé. Voyons voir cette chanson et reprenons notre tache et tissons le linceul de ce vieux monde motorisé, exploiteur, exploité et cacochyme.

Heureusement !

Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane



Nous avons trouvé
Une méthode d’action
Pour mieux casser
Les couilles au patron.
C’est la méthode la plus rapide et la plus moderne,
Celle qu’on appelle la grève interne.

La grève interne
Se fait à l’atelier.
Pour nous, c’est sans danger
Et le patron paie les heures.
Quand on fait grève à l’intérieur,
C’est le patron qui nous crédite.
Il nous suffit d’être
Deux cents grévistes
Et toute l’usine
Ne peut plus fonctionner.
Trop peu de gens en font assez
Quasi-rien n’est fabriqué.

La grève interne
Nous faisons tomber le rendement
Et nous baissons
La production de nonante pour cent
En sabotant la fabrication
Nous réussirons à vaincre le patron

La grève interne
Veut dire en substance
Qu’aujourd’hui je bataille
Et pas que je suis en vacances
Mais que je rencontre les camarades
Pour, dès demain, améliorer la lutte.

La grève interne.
Nous tenons des assemblées.
À nos maîtres et contre-maîtres
Vient la diarrhée
À voir que sans demander leur assentiment,
Nous commandons l’usine dès à présent.

La grève interne.
On fait aussi des manifestations
Et les cadres
Restent plantés là comme des couillons
À voir que même à l’intérieur,
Nous n’avons plus peur.

En avant camarades !
Faisons la grève interne !
Ni Dieu, ni Diable
Ne peuvent
Maintenant nous empêcher
De progresser, de diriger et décider.

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