CIGARETTES
Version
française – CIGARETTES – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson
italienne – Cigarettes
– Simone
Cristicchi – 2013
Version française – CIGARETTES – Marco Valdo M.I. – 2016
Ce
texte remonte à octobre de 1912 et est tiré d’un rapport de
l’Inspectorat du Congrès américain sur les immigrés italiens
dans les États-Unis d’Amérique.
Généralement, ils sont de petite taille et de peau sombre... |
Dialogue
maïeutique
Voici,
Lucien l’âne mon ami, une canzone d’une actualité confondante.
À l’écoute ou à la lecture, on dirait qu’elle a été composée
hier ou aujourd’hui matin. Que dit-elle en gros ?
Dis-le-moi,
dis-moi cela d’abord de sorte que je puisse comprendre ce que tu me
racontes, car à ton habitude, tu suis ta pensée sans trop te
soucier de savoir si les autres comprennent où tu en es et où tu
veux en venir. Et puis, ce titre est quand même étrange ;
pourquoi « Cigarettes » ?
Pour
ce qui est de ce titre, en effet étrange, de « Cigarettes »,
j’ai dans l’idée qu’il s’agit tout simplement de ces choses
que l’on passe en contrebande, en cachette de la douane ; mais
peut-être que je me trompe, qui sait ? Pour ma façon de
procéder, je te donne pleinement raison, Lucien l’âne mon ami,
c’est une de mes mauvaises habitudes : je fais trop confiance
aux autres, à leur bienveillante attention. J’oublie souvent que
d’autres ne peuvent suivre les méandres de mes méditations, ni en
deviner les péripéties antérieures. Bref, il est parfois bon de
faire le point avant d’aller plus loin. Dès lors, cette chanson
raconte une histoire de migration, une histoire d’émigrés, une
histoire de réfugiés, de ces réfugiés que l’on dit
« économiques » – non pas qu’ils soient moins
chers, mais bien parce qu’ils cherchent à échapper à la misère.
En fait, Lucien l’âne mon ami, tous les réfugiés se ressemblent
au moins sur un point : ils fuient leur lieu de vie précédent
où, généralement, ils avaient leurs familles, leurs amis, leurs
connaissances et toutes ces affinités qui rendent familiers et
rassurants les lieux et les gens qui vous entourent. Tu le sais aussi
bien que moi qu’il faut de très impératives raisons pour tout
abandonner et aller vers des pays inconnus où l’on sera forcément
un inconnu et un paria.
Ah,
je commence à comprendre, il s’agit d’une chanson sur
l’émigration, dit Lucien l’âne.
Pas
vraiment, répond Marco Valdo
M.I. Pas vraiment, car je dirais
plutôt qu’il s’agit d’une chanson d’immigration. Une chanson
qui envisage le migrant du point de vue du pays « d’accueil »
– si
on peut l’appeler ainsi. En fait, cette chanson énumère tous les
défauts de l’immigré, toutes ses tares comme les imaginent les
« gens
de quelque part » . J’énumère à mon tour leurs griefs pour que tu comprennes bien.
Les immigrés : sont petits, bruns, sales, ils puent, ils vivent
en groupe (sous-entendu : en bande, en tribu, en troupeau –
une
idée
de berger et de brebis, de pasteur et d’ouailles ?),
ils parlent des dialectes incompréhensibles, ils ne maîtrisent pas
la langue locale, ils
font beaucoup d’enfants, ils mendient, ils volent, ils sont
violents, ils violent, ils s’en prennent
à
« nos » femmes, ils organisent des bandes criminelles et
bien d’autres choses encore.
Joli
portrait, en effet, dit Lucien l’âne. Le pire, c’est que
j’entends ça tous les jours dans les rues, sur les places,
partout.
Et
ce n’est pas fini. Les « bonnes gens » disent aussi :
il faudrait fermer les frontières, car si ces réfugiés sont ici,
c’est la faute du gouvernement qui est trop laxiste, qui les laisse
entrer, qui ne les sélectionne pas.
Si
je suis bien, pour un peu, ces « braves gens »
exigeraient qu’on les reconduise chez eux.
J’entends
ça chaque jour, ici et maintenant, hic et nunc et tu as raison,
c’est vraiment une chanson d’actualité, d’une brûlante
actualité.
Oui,
bien sûr, sauf que, sauf que ce texte date de 1912 – il y a un peu
plus d’un siècle et que les « migrants, émigrés, réfugiés,
immigrés » dont il parle sont des Européens (en l’occurrence,
des Italiens) et qu’ils essayent d’atteindre le « paradis
de leurs rêves » : l’Amérique. Merica, Merica !
Sauf aussi que ce n’est pas la « vox populi » qui
s’exprime, ce n’est pas un discours d’un parti populiste, c’est
un rapport officiel parlementaire sur les immigrés.
Moi,
je me demande ce que donnerait un même rapport parlementaire
aujourd’hui dans l’un ou l’autre de nos bons États désunis
d’Europe ou même, du parlement européen.
Ah,
Lucien l’âne mon ami, tu ne penses pas si bien dire. Ils ont déjà
pris des accords pour renvoyer les réfugiés en Turquie en sachant
pertinemment que la Turquie est un régime fasciste, que le pouvoir
turc massacre les Curdes ou Kurdes, qu’il renvoie les réfugiés
vers les lieux de guerre et de mort.
Arrêtons
là et reprenons notre tâche qui, je le rappelle, consiste plus que
jamais à tisser le linceul de ce vieux monde égocentrique,
xénophobe, inhospitalier, criminel et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Généralement,
ils sont de petite taille et de peau sombre.
Ils n’aiment pas
l’eau, beaucoup d’entre eux puent,
Car ils portent le même vêtement de nombreuses semaines.
Avec du bois et de l’aluminium, ils se bâtissent des baraques
Dans les faubourgs où ils vivent, collés les uns aux autres.
Lorsque ils réussissent à se rapprocher du centre,
Ils louent à des prix élevés des appartements délabrés.
Ils se présentent d’habitude par deux et cherchent une chambre avec possibilité de cuisiner.
Ensuite, après quelques jours, à quatre, six, dix, ils se regroupent.
Entre eux, ils parlent d’anciens dialectes, des langues incompréhensibles
Car ils portent le même vêtement de nombreuses semaines.
Avec du bois et de l’aluminium, ils se bâtissent des baraques
Dans les faubourgs où ils vivent, collés les uns aux autres.
Lorsque ils réussissent à se rapprocher du centre,
Ils louent à des prix élevés des appartements délabrés.
Ils se présentent d’habitude par deux et cherchent une chambre avec possibilité de cuisiner.
Ensuite, après quelques jours, à quatre, six, dix, ils se regroupent.
Entre eux, ils parlent d’anciens dialectes, des langues incompréhensibles
Cigarettes si vous plait...do you remember my name?
Tu vuo’ fa’ l’americano? Thank you paisà tell me wht’s your name.
Cigarettes si vuos plait... do you remember my name?
Tu vuo’ fa’ l’americano? Thank you but don’t wanna play your game.
Ils font beaucoup d’enfants qu’ils peinent à élever.
Ils utilisent les jeunes pour demander l’aumône,
Et souvent devant les églises, des femmes vêtues de sombre
Et des hommes presque toujours âgés invoquent la pitié,
Avec des tons plaintifs et impertinents.
On dit qu’ils volent et sont violents.
Nos femmes les évitent,
pas seulement car ils sont peu attirants et un peu sauvages
mais aussi car la rumeur court de viols
Perpétrés en cachette dans les rues à l’écart
Quand les femmes reviennent de leur travail.
Nos gouvernants ont ouvert trop grand les entrées aux frontières
Mais, surtout, ils n’ont pas su sélectionner
Ceux qui entrent dans notre pays pour travailler
Et ceux qui pensent y vivre d’expédients ou, d’activités criminelles ».
Cigarettes si vous plait...do you remember my name?
Tu vuo’ fa’ l’americano? Thank you paisà tell me wht’s your name.
Cigarettes si vuos plait...do you remember my name?
Tu vuo’ fa’ l’americano? Thank you but don’t wanna play your game.
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