TOMBINO
Version
française – TOMBINO – Marco Valdo M.I. – 2016
Chanson
italienne – Tombino – Areamag
– 2010
La photo de rue pour prendre le monde |
Les
enfants de rue de
Bucarest sont moins nombreux qu’autrefois.
Mais seulement parce qu’ils ont grandi.
Station de métro Costin Giorgeanu, à la périphérie est de Bucarest. D’énormes blocs communistes, tous gris, comme la moitié de la capitale reconstruite selon les canons gigantesques du régime de Ceaușescu. Derrière un carrefour perpétuellement saturé, le long des rails abandonnés d’un ancien chemin de fer, s’étend une brousse inculte. « Viens, viens à l’intérieur. Je te montre où je vis », dit Cătălin, 15 ans. Après une centaine de mètres dans les mauvaises herbes, une lampe éclaire une baraque délabrée. Ici vivent une quinzaine de jeunes, de 14 à 30 ans. Ils dorment à terre, sur les matelas en commun. De petits hommes, mais avec encore une âme d’enfant, comme le mettent en évidence quelques grandes peluches qu’ils gardent dans la baraque. Dans et hors de la « maison », c’est la dégradation absolue : ordures, feuilles de journaux, bouteilles partout. Pourtant, ils sont organisés : ils étendent le linge sur un fil après l’avoir lavé dans un bassin, avec l’eau prise d’un lavage auto.
À
Bucarest, comme
eux, il y en a environ un millier. L’hiver,
ils se réfugient sous la rue :
les portes de leurs maisons sont les bouches qui
donnent accès aux aqueducs de chauffage urbain.
Ce ne sont pas
des égouts, comme beaucoup pensent. Ce
sont les tuyauteries de l’eau
chaude des
blocs d’immeubles
de tout Bucarest qui
passent dans ces tunnels souterrains. Les
enfants les utilisent
pour réchauffer leur vie ;
dans la capitale roumaine, l’hiver,
la température peut descendre jusqu’à
20 degrés sous zéro.
Ils font aussi
des trous dans les
tuyauteries, pour prélever
directement l’eau chaude
pour se laver. Ils se raccordent
aux poteaux électriques pour avoir l’électricité, avec des fils
qui courent dans leurs galeries, pour pouvoir employer télé et dvd,
même si le risque d’électrocution
et d’incendie est énorme. Le
gel mord de toute
façon, comme la tristesse :
alors, ils sniffent
l’Aurolac, un solvant qui coûte un euro la
boîte et porte
vite à la tête. Ils en versent un peu dans un sachet de nylon,
qu’ils
respirent
continuellement. L’étourdissement aide à dépasser la sensation
de froid, mais l’Aurolac brûle les cellules cérébrales et les
voies respiratoires. Ce soulagement temporaire qui coûte si peu,
on le paie, tôt
ou tard.
Le phénomène des enfants de la rue a explosé au début des années nonante, après l’écroulement du régime de Nicolae Ceaușescu. Sous le Conducător, même les denrées alimentaires les plus communes se faisaient rares, mais tous avaient un travail fourni par l’État. Avec la fin du communisme, la Roumanie connut un processus de libéralisation économique qui laissa des millions de familles sans emploi. Les plus entreprenants s’adaptèrent, en commençant à reformer un embryon de classe moyenne. Les plus pauvres devinrent encore plus pauvres. Pour beaucoup de familles, il était impossible d’élever les enfants, qui finirent ainsi à l’orphelinat ou se retrouvèrent à la rue. Il n’existait pas de structures qui s’occupaient d’eux, aussi en raison du manque de personnel adapté. Ceaușescu avait dissous les facultés universitaires de psychologie et l’assistance au début des années septante. Elles ont été rouvertes seulement en 1992.
Les
histoires de ces jeunes
sont semblables. Ils se
sont
enfuis de chez
eux
, car
ce sont des enfants de
pères violents et alcooliques.
Ou bien ils sont sans parents, ou leurs familles étaient trop
pauvres, et ils
ont
été confiés à un orphelinat,
où beaucoup disent avoir
subi
des violences. Quoi
qu’il en
soit, ils ont fui, en choisissant de vivre comme des
vagabonds.
À les
entendre,
ce
n’est pas si mal. « Ça
nous plaît de
vivre ici »,
disent beaucoup du groupe de Costin Giorgeanu. Il
est sûr
que
ça
ne
fait pas de
bien,
au moins à voir Radu, l’un
d’eux. Il a 18 ans, mais le corps d’un gamin de 11 :
petit, maigre, clairement non développé. Il mesure
un mètre cinquante et
pèse 30
kilos. Il n’a pas grandi
car
il
sniffe et boit comme un forcené,
depuis
son enfance.
À l’arrivée de
l’hôte
italien, Radu est clairement cuit
et rit continuellement. Il
blague
avec les autres, boit le
vin d’une bouteille de 3 litres, frappe
avec une louche sur une marmite dégoûtante, s’agenouille à terre
pour s’allumer la cigarette sur un mégot jeté par
un camarade.
Avec lui,
il y
a
Mircea, 30 ans, qui
vit la
vie de
rue.
Il parle dans un roumain approximatif,
mais il n’écoute
pas. L’Aurolac doit lui avoir ravagé le cerveau.
Franco
Aloisio le considérerait « irrécupérable ». Aloisio
est un opérateur italien responsable de Parada, la fondation créée
par le clown
français Miloud, qui en 1992 découvrit le phénomène des enfants
de la rue et
décida de vivre
avec eux pendant quelques
mois. Parada cherche à sortir
les enfants de la
rue en leur
enseignant l’art du cirque,
leur donne à
manger, les aide dans les pratiques administratives,
à condition que les jeunes se
tiennent à l’écart de la
colle et l’alcool.
Aloisio est en
contact avec cette réalité depuis presque
dix ans. Et il
l’a vue
changer :
« À la moitié des années nonante,
les faits
étaient massifs :
les enfants de la rue
étaient environ 4.000. Aujourd’hui, il chiffre leur
nombre au
quart ». Selon Mirela, une opératrice
du centre pour enfants
des rues « Sfanta Macrina », géré par
l’Église
orthodoxe, il n’est
pas vrai que le nombre a baissé. De jour,
les enfants qui mendient de l’argent
seraient plus nombreux
qu’il y a
quelques années. Le
soir, beaucoup rentrent
chez eux.
Pour Aloisio, la baisse est due à divers facteurs. Quelques-uns de ces jeunes sont des morts, ravagés par la vie errante et l’Aurolac. D’autres ont trouvé place dans les maisons-familiales, nées depuis quelques années pour combattre le phénomène. Aujourd’hui, ceux qui s’enfuient des familles et de l’orphelinat pour vivre dans la rue sont peu nombreux. Mais une fois qu’un enfant a choisi la rue, explique Aloisio, il est difficile de le récupérer. « Il y a un rapport d’un à cinq, pour un travail similaire. Pour sortir de la rue celui qui a vécu en tant qu’errant un mois, il nous faut cinq mois. Un an, cinq ans. Cela signifie que les jeunes les plus âgés sont maintenant irrécupérables ». Comme Mircea, justement.
La situation de toute façon s’améliore, aussi car l’État a pris conscience du fait que, avec l’entrée dans l’Union Européenne, cela risquait d’obérer l’image de la Roumanie. Les politiciens veulent nettoyer les rues, tant bien que mal. La commune de Bucarest a au programme d’ouvrir trois dortoirs pour les enfants des rues ; cependant les organisations qui soutiennent ces jeunes ne sont pas vues d’un bon œil. « L’autre jour, j’ai été interpellé par le maire du secteur 4 – dit Aloisio – car le soir précédent, alors qu’il se promenait avec quelques parlementaires, il s’est retrouvé devant quelques enfants des rues qui se trouvaient devant notre centre ». En été, lorsque les jeunes vivent en plein air, la police a commencé à sceller les accès aux conduits où ils se réfugient en hiver. « Nous les rouvrons immédiatement après », dit avec un sourire de défi un gars du groupe de Costin Giorgeanu. Les policiers ne tiennent pas en sympathie ces enfants, car ce sont de petits délinquants, qui créent des problèmes même à ceux qui il les aident. Une nuit un groupe d’enfants bourrés d’Aurolac a réussi à entrer dans le centre de Parada, en causant pas mal de dommages. La police tolère les errants jusqu’à un certain point, mais de temps en temps, elle trouve des prétextes pour les coincer, ou seulement pour leur rendre la vie difficile.
Pour Aloisio, la baisse est due à divers facteurs. Quelques-uns de ces jeunes sont des morts, ravagés par la vie errante et l’Aurolac. D’autres ont trouvé place dans les maisons-familiales, nées depuis quelques années pour combattre le phénomène. Aujourd’hui, ceux qui s’enfuient des familles et de l’orphelinat pour vivre dans la rue sont peu nombreux. Mais une fois qu’un enfant a choisi la rue, explique Aloisio, il est difficile de le récupérer. « Il y a un rapport d’un à cinq, pour un travail similaire. Pour sortir de la rue celui qui a vécu en tant qu’errant un mois, il nous faut cinq mois. Un an, cinq ans. Cela signifie que les jeunes les plus âgés sont maintenant irrécupérables ». Comme Mircea, justement.
La situation de toute façon s’améliore, aussi car l’État a pris conscience du fait que, avec l’entrée dans l’Union Européenne, cela risquait d’obérer l’image de la Roumanie. Les politiciens veulent nettoyer les rues, tant bien que mal. La commune de Bucarest a au programme d’ouvrir trois dortoirs pour les enfants des rues ; cependant les organisations qui soutiennent ces jeunes ne sont pas vues d’un bon œil. « L’autre jour, j’ai été interpellé par le maire du secteur 4 – dit Aloisio – car le soir précédent, alors qu’il se promenait avec quelques parlementaires, il s’est retrouvé devant quelques enfants des rues qui se trouvaient devant notre centre ». En été, lorsque les jeunes vivent en plein air, la police a commencé à sceller les accès aux conduits où ils se réfugient en hiver. « Nous les rouvrons immédiatement après », dit avec un sourire de défi un gars du groupe de Costin Giorgeanu. Les policiers ne tiennent pas en sympathie ces enfants, car ce sont de petits délinquants, qui créent des problèmes même à ceux qui il les aident. Une nuit un groupe d’enfants bourrés d’Aurolac a réussi à entrer dans le centre de Parada, en causant pas mal de dommages. La police tolère les errants jusqu’à un certain point, mais de temps en temps, elle trouve des prétextes pour les coincer, ou seulement pour leur rendre la vie difficile.
Un
soir, alors que
les opérateurs de Parada effectuent le tour des divers groupes de
rue pour les
porter de la nourriture, à la station de Dristor deux agents
arrivent et demandent à tous leurs
papiers, que
nombre de jeunes
des rues n’ont pas. C’est
un prétexte. Ils
ne veulent tout simplement pas
que les errants soient aidés. « Si on
continue à le faire, ils restent
dans la rue, ils
ne travaillent pas et ils
volent », dit un agent à ceux de
Parada. Aux opérateurs sociaux, il ne reste qu’à
s’en aller. « Si nous ne le faisons
pas, ils nous collent une amende,
car ils disent
que nous n’avons pas la permission », admet désolé
l’un d’eux. Avant
que le convoi ne
reparte,
un enfant de 8 ans du
nom d’Elvis
embrasse Claire, une
volontaire du Caritas Ambrosiano
qui aide aussi
« Sfanta Macrina ». Il l’a reconnue,
car il se
rappelle l’avoir rencontrée
là une autre fois.
Il ressemble à
ce qu’il devrait être : un enfant
comme tous les autres. Seulement le jour d’avant,
toujours à Dristor, à six heures du soir,
Elvis était saturé d’Aurolac,
et respirait son
sachet devant l’appareil photo.
Quelle fin feront ceux comme lui ? Le sortir de la rue déjà difficile à présent, imaginez dans quelques années. Mais cela ne veut pas dire que les « vétérans » n’essayent pas d’en sortir. Un exemple : Emil et Maria, lui 28 ans, elle 25. Ils se connaissent depuis 13 ans, ils vivent dans la rue depuis bien avant. Marie, qui a déjà été mariée avec un autre errant, a deux enfants. Entretemps, Emil a été en prison pour trois ans. Lorsque il est sorti, le mari de Marie s’est retrouvé en prison, et elle s’est réfugiée auprès d’Emil. Maintenant les deux ont eu leur premier enfant, Alexandru Constantin, qui cependant ne peut pas sortir du service de maternité, car Emil n’a aucun document d’identité. Pour l’état civil, il n’existe pas. Mais Emil ne s’avoue pas vaincu : il travaille au noir, veut récupérer ses papiers dans son ancien domicile, il a déjà trouvé quelqu’un qui louerait un appartement pour sa nouvelle petite famille. « C’est mon premier enfant et mon cœur pleure de le voir là et ne pas le pouvoir l’avoir avec moi. Maintenant, je voudrais une vie normale ».
Quelle fin feront ceux comme lui ? Le sortir de la rue déjà difficile à présent, imaginez dans quelques années. Mais cela ne veut pas dire que les « vétérans » n’essayent pas d’en sortir. Un exemple : Emil et Maria, lui 28 ans, elle 25. Ils se connaissent depuis 13 ans, ils vivent dans la rue depuis bien avant. Marie, qui a déjà été mariée avec un autre errant, a deux enfants. Entretemps, Emil a été en prison pour trois ans. Lorsque il est sorti, le mari de Marie s’est retrouvé en prison, et elle s’est réfugiée auprès d’Emil. Maintenant les deux ont eu leur premier enfant, Alexandru Constantin, qui cependant ne peut pas sortir du service de maternité, car Emil n’a aucun document d’identité. Pour l’état civil, il n’existe pas. Mais Emil ne s’avoue pas vaincu : il travaille au noir, veut récupérer ses papiers dans son ancien domicile, il a déjà trouvé quelqu’un qui louerait un appartement pour sa nouvelle petite famille. « C’est mon premier enfant et mon cœur pleure de le voir là et ne pas le pouvoir l’avoir avec moi. Maintenant, je voudrais une vie normale ».
Alessandro
Ursic
Un ange habillé en clown !
Voici l’histoire de Miloud Oukili à Bucarest. Miloud Oukili, clown français sorti de l’école de cirque d’Annie Fratellini, a découvert les enfants de la rue en Roumanie en 1992 quand il travaillait avec Handicap International dans les orphelinats, dans les hôpitaux et dans les centres pour adultes handicapés. Il profitait des instants de liberté pour découvrir les Roumains et faire des spectacles de rue. À une de ces représentations, il découvrit d’amusants spectateurs :
Un ange habillé en clown !
Voici l’histoire de Miloud Oukili à Bucarest. Miloud Oukili, clown français sorti de l’école de cirque d’Annie Fratellini, a découvert les enfants de la rue en Roumanie en 1992 quand il travaillait avec Handicap International dans les orphelinats, dans les hôpitaux et dans les centres pour adultes handicapés. Il profitait des instants de liberté pour découvrir les Roumains et faire des spectacles de rue. À une de ces représentations, il découvrit d’amusants spectateurs :
« Les enfants de rue ont été mon meilleur public, ils venaient voir dans mon sac pour découvrir ce qui s’y cachait », se rappelle de Miloud. « Ensuite ils disparaissaient, mais ponctuellement ils reparaissaient à chaque spectacle. »
Son nez rouge, ses gags et sa bourse lui servirent de passeport pour approcher les enfants auxquels il enseignait les premiers rudiments de l’art du cirque. Le soir, il les accompagnait dans leurs refuges et passait la nuit avec eux, à l’entrée de la Gare du Nord, dans les souterrains de la ville. Ils jouaient aux errants et à sourire à la police qui les poursuivait. Miloud partageait leur désarroi, leur profonde solitude, leurs angoisses d’enfants abandonnés.
Ce fut ainsi que des enfants de Bucarest, ceux sans passé et sans futur, ceux échappés des orphelinats, ceux qui se droguent avec la colle, ceux qui se prostituent pour un sandwich au jambon, ceux que les pédophiles brutalisent, peut-être tuent du fait que personne ne réclamera même pas le corps, trouvèrent un frère aîné.
Les
enfants le surnommèrent « Miloud respect ! ». Il ne
les a plus laissés.
Fort de cette expérience et réellement convaincu de l’importance et de l’urgence d’approcher les enfants des rues selon les modalités qu’il avait expérimentées, Miloud décida de structurer une véritable intervention.
D’abord, il travailla six mois comme volontaire avec Terres des Hommes.
Fort de cette expérience et réellement convaincu de l’importance et de l’urgence d’approcher les enfants des rues selon les modalités qu’il avait expérimentées, Miloud décida de structurer une véritable intervention.
D’abord, il travailla six mois comme volontaire avec Terres des Hommes.
Quand
le projet se termina, il commença tout seul, difficilement. Il
repartit pour la France à la recherche d’un nouveau soutien.
L’association Rue, Enfants, Ville lui permit de réaliser un
premier programme.
En partageant la vie de rue avec les jeunes, Miloud réussit à leur faire comprendre que si jusqu’à ce moment, la vie n’avait pas été généreuse pour les faire sourire, eux, malgré tout, étaient capables de faire sourire les autres.
Un an plus tard le premier spectacle est monté . En août 1994, les jeunes participent au festival d’art du Moyen Âge de Sighisoara.
Leur spectacle rencontra un grand succès, en particulier parmi les opérateurs des services sociaux et culturels. Tous s’accordèrent sur la volonté de développer l’expérience. La reconnaissance, les applaudissements, l’orgueil pour les résultats obtenus après un dur travail transmirent aux jeunes le désir de changer de vie et de quitter la rue. Restait la grosse difficulté de garantir une continuité à ce choix. Miloud, qui avait réussi à susciter l’enthousiasme autour de lui, voulut donner à cette amusante école de cirque de rue les moyens de poursuivre et il réunit dans ce but certains Roumains de sa connaissance et des amis français motivés. L’urgence de l’intervention, mais aussi son sérieux et son caractère professionnel n’étaient plus à démontrer. Le jeune clown français créa une structure locale, indépendante où développer des activités artistiques autour de la notion de réinsertion.
En janvier 1996, se constitua « Fundatia PARADA ».
Le résultat de six ans d’activités de Parada :
- 300 enfants et jeunes ont fréquenté le premier centre diurne, recevant une assistance socio-éducative ;
- 600 enfants et jeunes ont reçu les soins médicaux de premier secours par l’équipe de Caravana ;
- 150 enfants et jeunes ont été insérés dans les écoles et dans leurs familles ;
- 50 jeunes ont été réinsérés professionnellement ;
- 85 de ces enfants et jeunes font partie de la Compagnie du Cirque de Parada et ont participé en Roumanie, en France et en Italie à la campagne de sensibilisation de l’opinion publique ;
- 85 jeunes habitent dans les appartements sociaux, ils ont ainsi atteint la dernière étape du processus de réintégration sociale vers une réelle indépendance ;
- 27 collaborateurs roumains et 5 volontaires étrangers ont été formés comme assistants sociaux et éducateurs.
Dialogue
maïeutique
Tombino,
tombino, kesako ?, dit Lucien l’âne d’un œil épouvanté.
Tombino,
tombino ? C’est une chanson qu’on aurait pu intituler « La
complainte des enfants de rue ». Elle nécessite quelques
explications préliminaires. En premier, il faut élucider ce terme
de Tombino, qui est à la fois le titre de la canzone et le nom qui
désigne aussi bien, une petite tombe, une bouche d’égout ou
d’aération, la plaque qui les couvre qu’une entrée de tunnel ou
d’une conduite couverte, d’une galerie souterraine. Dans la
chanson, il désigne aussi celui ou celle qui vit dans ces galeries,
c’est-à-dire les enfants les enfants perdus de Bucarest (et par
extension, d’ailleurs). C’est tout cela qui fait que j’ai dû
conserver de mot et par fois, le traduire.
Voilà
qui éclaire un peu ma lanterne et facilité ma compréhension de la
canzone.
Avant
d’autres commentaires, je voudrais encore expliciter un jeu mots
particulier, car il repose sur la connaissance simultanée de
l’italien et du français. Le passage est le suivant :
Comme
tu le vois, il joue sur la similarité de ce « dans le Buca
reste » avec le nom de la ville de Bucarest, où se passe
l’histoire. Mot infaisable en français ; il m’a fallu- là
aussi – ruser et garder le mot italien Buca : bouche, trou…
Traduction : très exactement : dans le trou reste...
On
ne pouvait changer le nom de la ville… Aux dernières nouvelles,
« Trourest » n’est pas le nom de la capitale de la
Roumanie, ni d’ailleurs, commente Lucien l’âne en riant.
Une
dernière chose : comme on le verra, il s’agit d’une
histoire déjà ancienne et qui dure encore, mais elle a des
descendances diverses. Parmi celles-ci, je voudrais spécialement
faire écho à une initiative en cours à Bruxelles depuis quelques
années, qui
a connu elle aussi connu des débuts difficiles. Au départ, elle
concernait des enfants roumains réfugiés dans la capitale de
l’Europe ; elle a étendu son champ d’action à d’autres
enfants en difficulté. Elle est menée par une association appelée
Karousel (
http://www.karousel.be/)
et utilise notamment la photographie pour ouvrir le champ de vision
du monde.
La
photo, quelle bonne idée ! La photo, le sténopé, pour
comprendre le monde… Ce serait marrant, si on avait une photo de
leurs photos…
J’en
mettrai une pour illustrer. Mais revenons au fond de cette histoire
des enfants des rues. Il nous faut considérer les efforts de tous
ceux qui tentent d’y apporter un bout de solution comme le fait
Parada, mais aussi Karousel à Bruxelles ou en Italie, les « Maestri
di strada » (les maîtres d’école de rue –
http://www.maestridistrada.it/).
C’est un travail de Titans ou de fourmis ; ça dépend la
façon dont on exprime la chose. Mais il faut également considérer
l’existence de ces « enfants des rues » (de toutes les
grandes villes du monde) comme un de ces multiples effets collatéraux
de la Guerre
de Cent Mille Ans que les riches mènent sans discontinuer contre les pauvres afin de
les soumettre à l’exploitation, de les dominer, d’étendre
leurs propres privilèges, de renforcer leur pouvoir, d’accroître
leurs fortunes et satisfaire leurs ambitions et leurs délires.
Je
le pensais ainsi aussi, dit Lucien l’âne en relevant le front.
Cependant, reprenons notre tâche et tissons le linceul de ce vieux
monde avaricieux, dispendieux, exploiteur, entrepreneur, riche et
généreux pour les riches et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Tombino,
on l’appela ainsi dès sa prime enfance,
Depuis qu’on le jeta dans le noir,
Depuis qu’on l’enferma par erreur
Dans les bas-fonds de Dublin,
Ou de Berlin :
Rome, Vienne, Moscou, Londres, Madrid, Turin…
La géographie n’a jamais été mon fort.
Par force ! Je n’ai jamais visité même un pré,
Je n’ai jamais été à l’école, je n’ai jamais travaillé,
Je ne suis pas amusant ou incapable ou peu diligent,
Personne ne m’a jamais rien dit.
Depuis que je suis né, ils m’ont condamné à cette honte :
Je vis dans un égout !
Depuis qu’on le jeta dans le noir,
Depuis qu’on l’enferma par erreur
Dans les bas-fonds de Dublin,
Ou de Berlin :
Rome, Vienne, Moscou, Londres, Madrid, Turin…
La géographie n’a jamais été mon fort.
Par force ! Je n’ai jamais visité même un pré,
Je n’ai jamais été à l’école, je n’ai jamais travaillé,
Je ne suis pas amusant ou incapable ou peu diligent,
Personne ne m’a jamais rien dit.
Depuis que je suis né, ils m’ont condamné à cette honte :
Je vis dans un égout !
Tombino.
Le monde, vu au travers d’une grille, me laisse de beaux signes,
Une ligne sur le visage, un sillon, une ride d’enfant,
Le torticolis permanent, en espérant que les gens
Laissent tomber quelque sou dans la rue… et ensuite s’en aillent,
Sans rien dire, ne réclament pas leur argent,
Ne dénoncent pas ma position,
À un policier, à la presse, à toute l’opinion,
D’enfant de douze ans mendiant parmi la foule,
Indifférents à ce qu’on colle régulièrement le nez dans un vase,
Sniffant mon dîner,
Pour mieux supporter mon sort, mon destin, mon cas
Et ne pas lancer de S.O.S,
Ne pas dire partout que j’ai peut-être le SIDA.
Ne pas le dire surtout à celui qui a payé,
À celui qui attend pour être satisfait,
C’est ainsi depuis que je suis né et moi, j’y suis habitué,
Pour ça, je suis muet comme une Tombino !
Tombino la vie est une ronde, tu verras qu’elle tournera…
Quand tu tombes à terre, on est tous à terre et elle finira.
Tombino la vie est une ronde, qui ne s’arrête pas
Si tu tombes à terre, on est tous à terre et elle finira dans la Tombino, avec Tombino !
Tombino
Les chaussures toujours étroites ou toujours larges,
Les chaussures toujours cassées et toujours sales, la semelle qui s’ouvre, qui se lève,
Les chaussures qui ne sont jamais comme les voudrait.
Ce ne sont pas celles du footballeur, ce ne sont pas celles de la télévision :
Ce sont les chaussures d’un monsieur, d’un qui me regarde souvent,
Qui souvent quand il regarde meurt,
Qui souvent quand il regarde voit son fils et il se sent sans cœur.
Par erreur, il l’a vendu à l’État
Au pain, à l’auto, la maison, la vie,
« Il est arrivé ce qui est arrivé ».
Ils l’ont traîné dans un trou
Et dans le trou, il reste,
Dans le Buca reste,
Dans le Buca reste,
Dans le Buca reste,
Dans le Buca reste …
Et ensuite, on fermera tout avec un Tombino.
Les chaussures toujours étroites ou toujours larges,
Les chaussures toujours cassées et toujours sales, la semelle qui s’ouvre, qui se lève,
Les chaussures qui ne sont jamais comme les voudrait.
Ce ne sont pas celles du footballeur, ce ne sont pas celles de la télévision :
Ce sont les chaussures d’un monsieur, d’un qui me regarde souvent,
Qui souvent quand il regarde meurt,
Qui souvent quand il regarde voit son fils et il se sent sans cœur.
Par erreur, il l’a vendu à l’État
Au pain, à l’auto, la maison, la vie,
« Il est arrivé ce qui est arrivé ».
Ils l’ont traîné dans un trou
Et dans le trou, il reste,
Dans le Buca reste,
Dans le Buca reste,
Dans le Buca reste,
Dans le Buca reste …
Et ensuite, on fermera tout avec un Tombino.
Tombino la vie est une ronde, tu verras qu’elle tournera…
Quand tu tombes à terre, nous tous à terre et elle finira.
Tombino la vie est une ronde, qui ne s’arrête pas
Si tu tombes à terre, nous tous à terre et elle finira dans la Tombino, avec Tombino !
Tombino prépare le trou, tu verras qu’il servira
Pour mettre un arbre, une fleur, quelque chose qui grandira
Tombino la vie est une ronde, tu verras qu’elle tournera…
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