LES
CONDAMNÉS À MORT
Version
française – LES CONDAMNÉS À MORT – Marco Valdo M.I. – 2016
d’après
la version italienne de Riccardo Venturi
d’une
chanson suédoise - De
dödsdömda –
Jan
Hammarlund – 2008
Un
poème
de
Karin
Boye (1927)mis
en musique et chanté par Jan
Hammarlund
Karin
Boye (1900-1941).
La
Grande Karin Boye, autrice
de
Kallocain, roman distopique
qui anticipa 1984 de George Orwell, écrivit cette poésie en 1927
pour Sacco
et Vanzetti. Le texte nous a été envoyé directement par
l’ami Jan Hammarlund, que l’a mis en
musique et chanté. [RV]
Nous nous en allons sans honte,
Étincelants, audacieux et fiers.
Le 22 août 2014 s’est déroulé à l’Istituto De Martino de Sesto Fiorentino, un important événement pendant lequel a été projeté le très rare et survivant film des enterrements de Sacco et de Vanzetti (présenté par l’Université Libertario de Florence). En marge, il m’est revenu à l’esprit que, en février 2008, j’avais traduit en italien cette chanson de Jan Hammarlund tirée d’une poésie de Karin Boye. La traduction nous la fîmes en réalité ensemble, dans un bar crémerie de Via degli Alfani à Florence, en la testant et en la retestant pendant une matinée face des clients abasourdis (au bar crémerie se trouvait entre autre à deux pas de ma vieille faculté universitaire, où pendant des cours lointains de suédois, j’avais connu Karin Boye bien avant que Kallocain ne fut traduit par l’Iperborea). Jan Hammarlund, que cette même nuit, chez moi, je fis littéralement fuir car je ronfle comme une scie à ruban, la présenta dans un petit concert à CPA Firenze Sud, et ensuite l’a enregistrée et gravée en Suède. Raison pour laquelle je suis inscrit à la société des auteurs suédois, naturellement sans jamais avoir vu revenir la moindre demi couronne. Mais cela me fait plaisir et de le dire justement aujourd’hui, jour anniversaire de l’exécution de Sacco et Vanzetti. À ma manière, ce fut mon « Here’s to you » à Nicola et à Bart. [RV]
Cette
fois, Lucien l’âne mon ami, la chanson correspond à son titre et
raconte bien une petite partie de l’histoire de deux condamnés à
tort à mort, deux personnes humaines assassinées, car il fallait
faire un exemple. Ce fut un assassinat longuement préparé et
couvert par la machine judiciaire. Ce crime d’un
État contre des gens aux idées trop
généreuses pour être tolérées
fut commis car cet État d’Amérique vivait
et vit encore dans la peur du rouge…
Comme
les bovidés, dit Lucien l’âne en redressant le front et en
poussant un éclat de rire. La peur du rouge, c’est pour les
vaches.
Mais
soyons précis. Ces deux êtres humains, passés à la chaise
électrique, le 9 avril 1927, s’appelaient Nicolà Sacco et
Bartolomeo Vanzetti. L’un était cordonnier, l’autre marchand de
poisson. Ils avaient le double tort d’être des immigrés dans ce
pays et des anarchistes dans leur cœur et dans leur esprit.
L’affaire dont parle la chanson
fit un tollé international, mais malgré l’absence de vraies
preuves (car il y a eu des preuves, mais elles étaient fausses) et
l’existence d’aveux (et les déclarations d’innocence des
accusés) d’autres personnes qui se déclaraient coupables, cette
« justice » ne voulut pas revenir sur ses erreurs. Cette
affaire de Sacco et Vanzetti n’a d’ailleurs pas fini de faire
couler de l’encre ; elle est racontée dans de nombreuses
chansons.
Le
commentateur italien (traducteur et coauteur de la chanson), notre
ami Ventu, se réfère justement à une des plus célèbres de ces
chansons, une chanson étazunienne, intitulée « Here’s
to you ».
Maintenant,
deux mots à propos de la chanson elle-même. C’est en fait un
dialogue entre les deux condamnés et l’idée qu’ils développent
est que leur condamnation et conséquemment, leur exécution, est le
début de leur aventure – post-mortem. Elle dit
ceci :
« L’un
dit alors à l’autre :Personne ne sait ce qui nous incombe,
Peut-être est-ce le début seulement
D’une aventure qui nous attend. »
et Bartolomeo Vanzetti dira textuellement au juge lors du procès en réponse à la condamnation :
« Si cette chose n’était pas arrivée, j’aurais passé toute ma vie à parler au coin des rues à des hommes méprisants. J’aurais pu mourir inconnu, ignoré : un raté. Ceci est notre carrière et notre triomphe. Jamais, dans toute notre vie, nous n’aurions pu espérer faire pour la tolérance, pour la justice, pour la compréhension mutuelle des hommes, ce que nous faisons aujourd’hui par hasard. Nos paroles, nos vies, nos souffrances ne sont rien. Mais qu’on nous prenne nos vies, vies d’un bon cordonnier et d’un pauvre vendeur de poissons, c’est cela qui est tout ! Ce dernier moment est le nôtre. Cette agonie est notre triomphe.
(If it had not been for these things, I might have lived out my life talking at street corners to scorning men. I might have died, unmarked, unknown, a failure. Now we are not a failure. This is our career and our triumph. Never in our full life could we hope to do such work for tolerance, for justice, for man’s understanding of man as now we do by accident. Our words — our lives — our pains — nothing! The taking of our lives — lives of a good shoemaker and a poor fish-peddler — all! That last moment belongs to us — that agony is our triumph.) »
(https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Sacco_et_Vanzetti)
Et en effet, il avait raison et sans doute, cette histoire serait restée une affaire locale, si le juge n’avait pas été aveuglé par la haine et avait tout simplement reconnu son erreur ou dénoncé celles de l’enquête (menée à charge…), s’il avait acquitté ceux qui devaient l’être et qu’il envoya à la mort électrique.
Mais, Lucien l’âne mon ami, c’est toujours ainsi dans la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour protéger leurs privilèges, pour maintenir leur pouvoir, pour multiplier leurs richesses, pour renforcer leur domination et pour imposer leur terreur. Cependant, cette attitude, cette haine aveugle, fille de leur cupidité, les condamne aux yeux de l’humaine nation et les ramène au niveau de la brute, au degré zéro de la conscience commune. Dans ce sens, on peut dire qu’ils se sont mis hors de l’humanité.
N’épiloguons pas plus et reprenons notre tâche qui consiste à tisser le linceul de ce vieux monde injuste, immoral, brutal et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
L’un dit alors à l’autre :
Personne ne sait ce qui nous incombe,
Peut-être est-ce le début seulement
D’une aventure qui nous attend.
Étincelants, audacieux et fiers
Nous nous en allons sans honte,
Étincelants, audacieux et fiers.
L’âme brille et ensuite, monte.
Dans
l’espace vide et glacé
Par les vents transportés,
Là où le bois est plus cassant
Jaillissent deux rayons ardents,
Par les vents transportés,
Là où le bois est plus cassant
Jaillissent deux rayons ardents,
Où le bois est plus cassant
Jaillissent deux rayons ardents.
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