UN
SURVIVANT DE VARSOVIE
Version
française – UN SURVIVANT DE VARSOVIE – Marco Valdo M.I. – 2012
Textes
de natures et de provenances diverses, tirés des témoignages des
survivants de la révolte du ghetto de Varsovie (1943)
Musique :
Arnold Schönberg
Au
terme de la Seconde Guerre Mondiale, le nazisme définitivement
vaincu, Schönberg écrivit un opéra pour évoquer la persécution
menée par l'Allemagne de Hitler contre les Juifs. Il utilisa le
récit d'un de ceux-ci, échappé au massacre du "ghetto"
de Varsovie.
Il
s'agit d'une composition dodécaphonique où une voix raconte en
anglais (avec de brèves insertions en allemand) le moment dramatique
où un groupe de prisonniers juifs sort des baraquements pour être
mené aux chambres à gaz.
Le
récit de ce jour, fait par un Juif de Varsovie qui a survécu au
massacre, peut parfois paraître très cru ; en lisant le texte
et en écoutant la musique, nous ne pouvons pas manquer de réfléchir
et méditer; la férocité de la persécution, la force et la
confiance en Dieu des Juifs, la condamnation de tout type de
fratricide: tout ceci ressort clairement de la musique et du texte,
tous deux d'un impact émotionnel très fort.
Au
travers de cet opéra, Schönberg veut faire comprendre l'absurdité
du massacre antisémite: pourquoi existe-t-il des haines entre les
hommes?
Pourquoi
l'homme opère-t-il des distinctions de race, de couleur, de religion
?
Pourquoi
l'homme tue-t-il ses semblables?
Ne
sommes-nous pas tous égaux ?
Ne
devrions-nous pas être tous frères ?
Pourtant
nombre de fois, au cours de l'histoire, l'homme a haï, ségrégué,
tué.
L’opéra
"Un survivant de Varsovie" veut nous aider à ne pas
oublier ce qui s'est passé afin de ne pas faillir à nouveau.
L'opéra
fut écrit en 1947 et publié aux États-Unis. Dans les années qui
suivirent la Seconde Guerre Mondiale commencèrent à se répandre
les nouvelles affreuses sur les camps de concentration nazis.
Schönberg lui-même avait appris depuis peu que son petit-fils était
mort dans un de ces monstrueux "lagers". Ceci explique
pourquoi le public, après que le morceau fut présenté pour la
première fois, n'applaudit pas, mais resta plongé stupéfait dans
un recueillement silencieux.
UN
SURVIVANT DE VARSOVIE
Arnold
Schönberg
Condamnation de la persécution antisémite.
Condamnation de la persécution antisémite.
Le
texte de l'opéra commence avec une brève introduction de
l'orchestre ; quelques secondes de musique qui rendent bien le
but de l’œuvre, c'est-à-dire aider à réfléchir sur l'absurdité
de l'extermination des Juifs en faisant ressortir toute la férocité
et la cruauté auxquelles ils ont été soumis. Voilà d'où naît
l'impact émotif fort de la musique, toujours caractérisée par une
dramaticité croissante. Les sonneries de trompettes, les
dissonances, les crescendos soudains créent autour de nous, avec
toute leur efficacité, une scène déchirante, faite de douleur et
de mort. La musique ne se limite pas à souligner la netteté déjà
présente dans le texte de l’opéra, mais contribue de manière
déterminante à reconstruire la scénographie et à recréer
l'ambiance des faits racontés.
INTRODUCTION
INSTRUMENTALE
Après
la brève introduction de l'orchestre commence à parler la voix
narrante, qui pendant tout l'opéra décrira avec l'orchestre les
tristes faits arrivés ce jour dans le ghetto de Varsovie. Le
narrateur affirme ne pas pouvoir se rappeler tout car il est resté
privé de sens pendant la plus grande partie du temps à cause des
coups subis de la part des soldats; dans cette brève introduction,
il fait référence au moment grandiose (qui correspond à la
dernière partie de l'opéra) durant lequel ses camarades entonnèrent
un chant hébraïque peu avant d'être tués dans les chambres à
gaz.
INTRODUCTION
DU NARRATEUR
Je
ne peux tout me rappeler
J'ai
dû être inconscient la plupart du temps
Je
me rappelle seulement le moment grandiose
Quand
ils ont tous commencé à chanter, comme si c'était arrangé
d'avance,
La
vieille prière qu'ils avaient négligée pendant tant d'années
Le
credo oublié !
Mais
je n'ai pas souvenance de comment j'ai fait
Pour
vivre en sous-sol dans les égouts de Varsovie pendant un si long
temps.
Ici
commence la description d'une journée typique dans le ghetto de
Varsovie: tous étaient réveillés tôt, avant que le soleil ne se
lève; le narrateur souligne l'impossibilité pour les Juifs du
ghetto de dormir, du fait qu'ils avaient été séparés de leurs
chers et que personne ne savait ce qu'ils étaient devenus. Les
préoccupations tenaient en éveil les gens toute la nuit en les
empêchant de dormir ; le narrateur lance alors un cri
douloureux: "How could you sleep?" - "Comment
pourrait-on dormir?" Après le réveil chaque personne devait se
rendre au point de ralliement pour l'appel. La musique dans ce cas
aussi accompagne les divers moments de la scène: le pizzicato des
contrebasses souligne le réveil douloureux des condamnés et des
phrases rythmiques convulsives, susurrantes et brisées, accompagnent
dès lors leur chemin désordonné vers le point de ralliement. Le
sergent nazi cependant est pressé et en hurlant commence à frapper
les prisonniers avec la crosse de son fusil, suivi à la brève
distance de ses adjoints qui n'épargnent leurs coups à personne.
Tous les prisonniers qui ne pouvaient pas se tenir debout étaient
alors frappés sur la tête ; les hurlements de ces personnes
sont soulignés tant par la musique que par la voix narrante. À un
moment donné le texte dit: "It was painful to hear them
groaning and moaning" – "Il était douloureux de les
entendre gémir et se plaindre ». Le narrateur, en effet, lit
les deux mots "groaning" et "moaning" comme deux
faibles cris, pendant que l'orchestre reprend ces deux cris avec des
notes longues et en decrescendo pour matérialiser la perte sensible
de force et d'énergie des prisonniers. En anglais, en outre, le
verbe "to moan" possède une nuance plus légère que le
verbe "to groan", ainsi avec le choix approprié des mots,
Schönberg a voulu souligner là la forte présence de douleur, mais
aussi la perte progressive d'énergie de la part des personnes
frappées avec une extraordinaire férocité par les gardes nazis.
INTRODUCTION
DU NARRATEUR
Le
jour commença comme d'habitude :
Réveil
quand il fait encore noir
Vous
étiez séparés de vos enfants,
De
votre femme, de vos parents ;
Vous
ne saviez pas ce qu'il en était d'eux
Comment
pouviez-vous dormir ? Sortez !
Que
vous dormissiez
Ou
que des tourments vous tinssent éveillés
toute
la nuit
Les
trompettes à nouveau – Dehors !
Le
sergent sera furieux.
On
sort. Certains très lentement ;
Les
vieux, les malades.
Certains
agités.
Ils
craignent le sergent.
Ils
se pressent tant qu'ils peuvent
En
vain ! Trop, beaucoup trop de bruit,
Trop
beaucoup trop d'agitation – et pas
Vite
assez ! Le Feldwebel crie
« Achtung!
Stillstanden!
Alors,
on se décide. Ou je dois
vous
aider avec la crosse du fusil ?
Bien ;
puisque vous l'aurez voulu ! »
Le
sergent et ses sous-fifres
Frappent
tout le monde : jeune ou vieux,
Calme
ou nerveux, coupable ou innocent.
C'était
douloureux de les entendre gémir
Et
se lamenter. Je l'entendais malgré
Que
j'avais été frappé très fort,
Tellement
fort que je ne pus éviter
De
tomber. Tous par terre,
Celui
qui ne pouvait se relever, alors
Était
frappé à la tête.
Le
narrateur perd connaissance à cause des coups subis ; pendant ce
temps, tout autour de lui se fait silence car aucun prisonnier
n'avait été épargné par la férocité des soldats, et personne
n'avait plus les forces pour se relever. Mais le silence, comme le
rappelle après le narrateur, porte en soi "fear and pain",
c'est-à-dire "peur et douleur." Le narrateur déclame avec
lenteur extraordinaire et dramatique les deux mots: d’abord "fear",
suivi par une brève réponse, dépourvue de force, de l'orchestre,
puis la conjonction "and" ; là, un bref silence est
interrompu à l'improviste par le mot "pain", très marqué,
mais prononcé presque hors de haleine; l'orchestre semble imiter ce
déclenchement de douleur du narrateur en faisant suivre le mot
"pain" d'une série rapide de notes en decrescendo et bien
marquées.
PERTE
ET RETOUR À LA CONSCIENCE DU NARRATEUR
Je
devais avoir sombré dans l'inconscience.
La
chose suivante que je vis était un soldat
Qui
disait : « Ils sont tous morts »,
Sur
ce le sergent ordonna
de
nous faire disparaître.
Moi,
je gisais là à demi-conscient.
Tout
était fort calme peur et douleur.
Puis
le moment dramatique du comptage de ceux qui, survivant aux coups
sont emmenés à la chambre à gaz: cet épisode est accompagné
d'une accélération continue du rythme jusqu'à l'hymne final, un
chant hébraïque avec lequel les condamnés ont encore la force de
proclamer leur credo religieux. Le moment est dramatique: les soldats
doivent en effet compter combien de gens doivent être envoyés à la
chambre à gaz. Le comptage n'est pas bien fait et alors le sergent
ordonne de recommencer depuis le début ; le comptage reprend,
en commençant lentement, puis en accélérant toujours plus, formant
un tumulte semblable, comme dit le texte à "une fuite de
chevaux sauvages".Une chose à remarquer est, dans une partie du
texte suivant, l'opposition texte/signifié utilisé pour marquer
encore plus la dramaticité des actions. Quand le texte dit que le
comptage "became faster and faster sait fast that it...",
"devint plus rapide et de plus en plus rapide, aussi rapide
que...", le narrateur lit les mots "faster...
faster...fast" d'une manière spéciale ; au lieu
d'accélérer, comme du reste la musique procède en suivant ce qui
est le sens du texte, la voix narrante déclame les mots qui
indiquent une augmentation de vitesse en ralentissant et en
s'arrêtant sur eux. L'effet qui se crée est fort contrasté, car
les mots qui expriment un sens de rapidité et de progression rapide
sont mis en contraste à travers leur lecture ralentie et marquée.
Alors cette partie se termine avec l'augmentation d'intensité et de
vitesse sonores qui culmineront dans le credo hébraïque "Shema
Ysroël", chanté par les prisonniers avant d'être envoyés
dans les chambres au gaz
COMPTAGE
DES PRISONNIERS
Alors,
j'entendis le sergent crier : « Comptez ! »
Ils
commencèrent lentement et irrégulièrement :
Un
deux, trois, quatre - « Achtung ! »
Le
sergent cria à nouveau : « Plus vite ! »
« Recomptez
encore une fois au début !
Je
veux savoir en une minute,
Combien
je vais en livrer à la chambre à gaz !
Comptez ! »
Alors
on recommença, d'abord lentement : un,
Deux,
trois, quatre, puis plus vite
Et
plus vite, tellement vite que
À
la fin, ça sonnait comme un sauve-qui-peut
De
chevaux sauvages et tout-à-coup
En
plein milieu
On
commença à chanter le Shema Ysroël.
Un
chœur entonne à l'unisson cet hymne qui se veut la réponse
courageuse du fidèle devant la brutalité aveugle de l'homme et de
la guerre.
Même
pas dans les moments les plus difficiles, l'homme n'oublie sa propre
foi et son propre espoir en Dieu, source d'amour et de paix.
HYMNE
JUIF « SHEMA YSROËL»
Écoute
Israël
Le
Seigneur est notre Dieu,
Le
Seigneur est unique.
Tu
aimeras le Seigneur ton Dieu
De
tout ton cœur
De
toute ton âme
De
toutes tes forces.
Et
ces paroles
Que
je te dicte aujourd'hui,
Dans
ton cœur,
Tu
les répéteras à tes fils
Et
tu en parleras avec eux,
Chez
toi
Dans
la rue
Quand
tu te coucheras
Et
quand tu te lèveras.
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