mardi 5 mai 2015

DANSE, FILLE

DANSE, FILLE

Version française - DANSE, FILLE – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson en langue allemande – Tanz, MädchenKrystyna Żywulska1944
Texte de Krystyna Żywulska (1914-1992, de son vrai nom Sonia Landau), juive polonaise, originaire de Łódź.
Sur l'air
populaire tchécoslovaque d'« Ešče já pohár vínka », dans l'adaptation qu'en avait faite le musicien polonais Krzysztof Jażdżyński durant leur présence commune au camp d'extermination nazi d'Auschwitz-Birkenau.

Les chiens aboient, l'orchestre joue.


Je suis forcé – pour l'instant - à proposer la version allemande de l'original polonais, que je n'ai pas réussi à trouver à l'exception du fragment « Tańcz, tańcz dziewczyno / władze ci każą, z przyjemną miną / są dziś w humorze panowie śmierci, tańcz… », les seuls vers présents sur le Net.
Après l'invasion allemande, Sonia Landau se retrouva avec sa famille dans le ghetto de Varsovie. Mais en 1942, elle décida de passer à l'action ; elle fuit du ghetto, adopta une identité fausse (Zofia Wiśniewska) dans la « partie arienne » de la ville et rejoignit la Résistance. Capturée en 1943, elle fut identifiée comme prisonnière politique, et pas comme juive, car elle donna de faux renseignements d'identité en assumant le nom qu'ensuite elle conserva de Krystyna Żywulska.

Internée à
Auschwitz-Birkenau (Brzezinka), elle commença à écrire des poèmes qui rapidement, se répandirent de bouche en bouche parmi les prisonniers polonais du camp. Krystyna Żywulska dut littéralement la vie à une de ces poésies, « Apel » (« l'appel »). Un prisonnier de longue date, bien placé, fut frappé par ces vers, en chercha l'auteur et ainsi il sauva presque moribonde Krystyna en la faisant transférer à l'« Effektenkammer kommando », le magasin où ils étaient ramassés les effets personnels confisqués aux nouveaux arrivés. La vie était beaucoup moins dure que celle réservée aux autres prisonniers, forcés d'oeuvrer dans les équipes de travail en plein air. Krystyna Żywulska reprit des forces et put continuer à décrire à la vie et la mort dans le camp au travers de ses poèmes, dont quelques-uns furent mis en musique et représentés au cours d'un cabaret satirique clandestin préparé des prisonniers dans le grand magasin. Un de ceux-ci, composé à la fin de 1944, s'intitulait « Marsz o Wolnosci » (« la marche de la liberté ») et fut entonné par les prisonniers, Żywulska comprise, lorsqu'en février 1945, ils furent forcés à évacuer le camp devant l'imminente arrivée des troupes soviétiques.

Żywulska survécut à cette marche de la mort et dans l'après-guerre, elle créa une famille et continua à écrire des mémoires (« Przeżyłam Oswiecim », « J'ai survécu à Auschwitz »), des poèmes et des chansons (c'était aussi compositrice), dont quelques-unes devinrent populaires en Pologne dans les années 50 et 60. (source :  ”Krystyna Zywulska. The Making of a Satirist and Songwriter in Auschwitz-Birkenau is Discovered Through Camp Mementos., de Barbara Milewski, Assistant Professor of Music au Swarthmore College, Pennsylvania, USA.)



Danse, danse vite, fille !
Malgré ton agonie,
Essaye de sourire,
Tu ne peux pas choisir.

Aujourd'hui, nous sommes
De bonne humeur ;
Nous, les surhommes,
Les SS de malheur.

Bien que de l'abîme
À ce moment
Frère et sœur,
Soient si près,
Les chiens aboient,
L'orchestre joue.
Bien que tu sois
Happée par la tristesse,
Danse encore, fille,
Les messieurs regardent.

Danse, danse vite, fille.
Ce n'est pas ta faute.
Ce n'est pas ta faute.
Danse un tango
Avec dignité, avec patience.
Joue un bon rôle,
Joue sans manières,
Les messieurs veulent
S'amuser.
Danse, danse rapidement, fille,
La Czardas, danse !
Élan, saut, élégance.
Danse légère et souple, détendue.
Ta mère est brûlée maintenant. Danse !
Danse vite, par la danse
Oublie l'enfer.

Ne vit plus la mère
Le temps accélère.

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