mardi 14 avril 2015

L'Aveu théâtral

L'Aveu théâtral

Chanson française – L'Aveu théâtral– Marco Valdo M.I. – 2015

ARLEQUIN AMOUREUX – 4


Opéra-récit historique en multiples épisodes, tiré du roman de Jiří Šotola « Kuře na Rožni » publié en langue allemande, sous le titre « VAGANTEN, PUPPEN UND SOLDATEN » – Verlag C.J. Bucher, Lucerne-Frankfurt – en 1972 et particulièrement de l'édition française de « LES JAMBES C'EST FAIT POUR CAVALER », traduction de Marcel Aymonin, publiée chez Flammarion à Paris en 1979.




Château de Litomyšl
Enfin, il s'en revenait à Litomyšl au château des Wallenstein, car il avait appris qu'il y avait là une place de conseiller in teatro à prendre. Le Wallenstein s'était fait bâtir un théâtre...


Voici donc la suite de cette longue fuite de l’Arlequin déserteur. On le suit quasiment pas à pas. L’été, souvenez-vous, il était à Marengo. Les régiments vainqueurs à midi, vaincus à une heure, décimés, étrillés, remontaient vers Vienne et la haute protection de l’Empereur François, qui dit-on n’était pas une lumière et tenait les Tchèques et la Bohême sous son auguste botte. Comme on sait aussi, notre Arlecchino est en réalité tchèque et son idée fixe est de remonter en Bohême. Un périple de près de mille kilomètres… à pied et en se cachant, la plupart du temps. L’automne se passe à traverser les montagnes et à tenter d’atteindre Prague pour y passer l’hiver. Ce qui, tout bien considéré, était un fameux détour. La route la plus directe (mais quand on est déserteur, ce n’est peut-être pas la meilleure) aurait suivi le trajet suivant : Marengo, Vérone, Vicenza, Venise, Udine, Graz, Vienne, Brno, Litomyšl… Mais quoi qu’il en soit, ça représentait des jours et des jours de marche… et par tous les temps et sans trop pouvoir se montrer.


C’est assez dur en effet. Surtout pour un humain. Sans même un âne pour le soutenir et lui tenir compagnie. Cela dit, maintenant que tu en parles, il me semble quand même avoir comme une réminiscence… Il ne voyageait pas sous son nom… C’est normal. Je me souviens d’un drôle de personnage qui se disait italien, n’en parlait pas un traître mot et devait s’appeler quelque chose comme Louis Sébastiano… Mais c’était au printemps suivant ; je l’ai porté de Prague à je ne sais quel château en Bohême par des chemins de terre au moment où les arbres commençaient leur floraison. Un paysage tout en couleurs.


De cela, tu en sauras plus par la chanson ; mais à mon sens, ce doit bien être lui. Enfin, il s’en revenait à Litomyšl au château des Wallenstein, car il avait appris qu’il y avait là une place de conseiller in teatro à prendre. Le Wallenstein s’était fait bâtir un théâtre…


À Litomyšl ?, dit Lucien l’âne stupéfait, c’est-à-dire au milieu de nulle part…


Certes, mais en quelque sorte, que ne ferait-on pas pour asseoir sa gloire ? Et puisque théâtre, il y avait ; il y fallait un conseiller « in teatro », les précédents ayant disparu, notre Arlecchino, dûment renseigné, se présente à la Comtesse sous la fausse identité d’un artiste venu de Venezia pour occuper l’emploi. La Comtesse n’est absolument pas dupe, même pas un instant. Un artiste vénitien qui parle le tchèque, a-t-on déjà vu ça ? Dévoilé, il avoue tout et le reste. Même son statut précaire de déserteur, mais la Comtesse s’en fout. Elle l’engage en attendant le retour du Comte.
Voilà donc notre ami casé, au moins pour quelque temps. C’est un soulagement. Il exulte et promet un avenir radieux à son Arlecchina…


Holà, cette Comtesse est un fameux personnage, une bonne mère, en quelque sorte. Imagine, elle va sciemment abriter un déserteur… Ce n’est pas tous les jours qu’on voit ça… Mais j’y pense, depuis Prague, il se fait reconnaître et on ne le dénonce pas… C’est très tchèque… et cette manière de tromper l’occupant ou le dominateur, on la retrouve tout au long de l’Histoire de ces contrées. J’ai comme l’impression que cette histoire d’amour d’Arlecchino pour une Arlecchina évanescente cache quelque chose ou plutôt, raconte autre chose… Enfin, on verra. En attendant, tissons nous-aussi le linceul de ce vieux monde dominateur, hostile, mesquin et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane





Jiří Joseph, comte de Wallenstein
Voulait un conseiller in teatro
J’avoue dit Matthias, l’ex-fantassin
Arlequin, detto Luigi Sevastiano

Fuyant fuyard sous les pluies d’octobre
Dans les brouillards de novembre
De plaines en montagnes vers le pays,
Avant l’hiver, à Prague, il te faut un abri.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Matthias, te faut chercher un métier ? Quel métier ?
Dans ces campagnes de Marengo, j’ai tout oublié.
La guerre est finie, Matthias. Te faut rentrer au pays.
Fine la guerre ? Jamais pour les déserteurs et j’en suis.

Sais-tu l’italien, mein Freund von Venezia.
Il te faut un nom, tu n’en as pas.
Disons Luigi, infortunato re di Francia
Et Sevastiano, le félon des marionnettes en bois.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Arlecchina, ma rose blanche
Refais-toi une beauté, Arlecchina
Un peu de poudre à tes yeux, c’est dimanche.
Galop, galop, on va, on va, on va…

Demain ma mie, il y aura du pain, de la viande
Des saucisses, des anchois, des anguilles
Un citron, deux oranges, des airelles
De la crème, des raisins, des amandes.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.

Ah, dit la comtesse, un conseiller in teatro
Pour le théâtre vide du château ?
La dame appuie le bras sur l’accoudoir ;
Le Comte est à Vienne. Il reviendra plus tard.

De Venise, dites-vous et tchèque vous parlez…
Vous chantez, vous dansez ? Ballerino, j’ai été.
Où es-tu né, Arlecchino ? Ici, douce dame.
Je suis déserteur. Ce n’est pas un drame.

Oui, Monsieur Po, oui, Monsieur Li,
Oui, Monsieur Chi,
Oui, Monsieur Nelle,
Oui, Monsieur Polichinelle.


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