MON
PÈRE
Version
française – MON PÈRE – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson
italienne – Mio
Padre – Rocco Scotellaro – 1954
ROCCO
SCOTELLARO
PAR CARLO LEVI |
Lucien
l'âne mon ami, voici une chanson de Rocco Scotellaro, qui raconte
son père.
Fort
bien, Marco Valdo M.I. mon ami, mais dis-moi ce qu'une pareille
chanson vient faire dans les Chansons contre la Guerre.
Tu
as raison de poser la question, même si pour moi, la réponse est
évidente, puisqu'il s'agit de Rocco Scotellaro. En fait, voici. Tu
sais que Rocco Scotellaro est un homme du Sud, un homme au destin
tragique et ce n'est pas négligeable, en l'occurrence, un militant
politique socialiste qui avait pris – comme par exemple, Salvatore
Carnevale, en Sicile – le parti des paysans pauvres de Lucanie.
Notamment dans cette formidable tentative que fut la réforme agraire
et l'occupation des terres : une confrontation entre les riches
propriétaires fonciers et les les paysans, une lutte pour tenter de
construire un avenir, bref, un de ces moments fameux de la Guerre de
Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres afin d'assurer leur
domination, d'accroître leurs privilèges, de sauvegarder leurs
propriétés, de perpétuer la millénaire exploitation des paysages,
des terres et des hommes.
Voilà
déjà, en effet, une bonne raison, dit Lucien l'âne en souriant
jusqu'à ses oreilles, lesquelles flottent comme de jolies barques à
voile des deux côtés de sa tête. Y en a-t-il d'autres ?
Certes
et elles se trouvent dans la chanson elle-même. D'une part, il y a
le fait que Rocco Scotellaro évoque la condition d'artisan de son
père, condition généralement oubliée en nos temps
post-industriels. On en était encore à mesurer le pied droit de
l'homme pour lui faire ses chaussures. Puis, il y a dans cette
canzone bien de la violence, des scènes de guerre sociale évoquées.
Et la lutte de l'artisan pour se défendre de la pression de l'État,
plus prompt à saigner les pauvres qu'à gêner les riches aux
entournures.
Alors,
en effet, voilà d'autres bonnes raisons de placer ici cette
évocation du père… Un fameux lutteur, il me semble. Cordonnier,
il taillait le cuir, le cousait et nous, nous tissons le linceul de
ce vieux monde où rien n'a fondamentalement changé, ce vieux monde
exploité, exploiteur, propriétaire et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Il
mesurait le pied droit, mon père
Et vendait les chaussures faites à la main
Dans les foires pleines de poussière.
Et vendait les chaussures faites à la main
Dans les foires pleines de poussière.
De
son tranchet, il coupait la semelle
Comme on coupe le pain.
Un jour, il sortit les tripes
D'un fils de chien.
Comme on coupe le pain.
Un jour, il sortit les tripes
D'un fils de chien.
C'était
une nuit à oublier
Et quand on lui demandait d'en parler ,
Il faisait les petits yeux à tout le monde.
Et quand on lui demandait d'en parler ,
Il faisait les petits yeux à tout le monde.
Il
jeta la suspicion
Sur son camarade qui fut arrêté
Car un jour, désespéré,
Il envoya à l'administration sa collation
Et dessus, il était écrit sur un papier :
« Yeux de bœufs
Magnez-vous des deux ».
Sur son camarade qui fut arrêté
Car un jour, désespéré,
Il envoya à l'administration sa collation
Et dessus, il était écrit sur un papier :
« Yeux de bœufs
Magnez-vous des deux ».
Il
n'espéra plus alors, d'ailleurs.
Mon père, le cordonnier
Au rire fragile et sans rougeur
Répondait « Qu'il soit toujours loué »
Mon père, le cordonnier
Au rire fragile et sans rougeur
Répondait « Qu'il soit toujours loué »
Et
il se mit déjà fatigué –
De son grand manteau ressortaient ses yeux –
À regarder la place, sur le côté,
À l'écart des hommes qui discutaient entre eux.
De son grand manteau ressortaient ses yeux –
À regarder la place, sur le côté,
À l'écart des hommes qui discutaient entre eux.
Et
il mourut – comme il voulait – vite, sans cri,
Sans faire la paix avec le monde.
Lorsqu'il pressentit l'attaque
Il chercha la main de maman dans le lit,
Il la broie ; elle comprend et s'écarte.
Sans faire la paix avec le monde.
Lorsqu'il pressentit l'attaque
Il chercha la main de maman dans le lit,
Il la broie ; elle comprend et s'écarte.
Le
mot de révolte
Lui était resté dans la gorge.
Ensuite, ils dirent que c'était un brave homme,
Même l'agent, et ils en firent tout un vacarme.
Lui était resté dans la gorge.
Ensuite, ils dirent que c'était un brave homme,
Même l'agent, et ils en firent tout un vacarme.
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