DES
JEUNES COMME TOI
Version française – DES JEUNES COMME TOI – Marco Valdo M.I. – 2015
Chanson
italienne – Giovani come te – Rocco Scotellaro – 1954
Ils sont là avec les moissonneurs, Endormis aux monuments, Qui attendent la main du patron Sur leur épaule. |
Ah,
Lucien l'âne mon ami, voici encore une canzone (comme disait
Pétrarque, tu sais bien l'auteur d'un célèbre Canzoniere et qui se
prénommait lui aussi, Francesco, lequel est un jeune homme qui nous
amuse bien) de notre poète lucanien Rocco Scotellaro, dont je ne
crois pas devoir faire la présentation et encore moins, justifier
d'icelle. Pour cela, je te renvoie à Mio Padre, dont j'avais
récemment présenté une version française. J'espère que tu t'en
souviens.
Évidemment,
c'était une canzone bouleversante. Mais, je t'en prie, continue…
Parle-moi de celle-ci.
Comme
tu peux le voir d'après le titre, .celle-ci décrit, raconte ,
dirais-je plus exactement, les jeunes de son temps et de son lieu. Et
tous coptes faits, ces jeunes de ce lieu et de ce temps-là, en ce
compris Rocco lui-même qui les interpelle, ne sont pas tellement
différents des jeunes de cet autre temps, qu'est le temps
d'aujourd'hui. Même désœuvrement, même déambulation, même
errance, même désespérance. Même sentiment de révolte, même
exigence de reconnaissance sociale, même orgueil au bord du vide de
la vie. Mêmes rêves, peut-être, on ne sait rien des rêves qui ne
sont pas dits : la vie dans un sourire, la lune dans le puits.
Et puis, un jour, même résignation. Même disponibilité au pire
comme au meilleur, à ce qui viendra et sur lequel, dans les faits,
on n'a pas de prise.
Oh,
Marco Valdo M.I. mon ami, je me souviens très bien de cette lune
dans le puits où le Lapin fit miroiter au renard mille poissons
d'argent, lune que le loup prit pour un fromage, ainsi qu'il est
conté dans le Roman de Renart (il y a presque mille ans), ou que
l'amoureux breton prit pour le visage d'une jeune femme, ou tout
simplement aussi, n'est-ce pas Narcisse…
Et
Goupil le Renart de conclure en latin (de cuisine, cela va de soi) :
« Ecce,
amice, caseum quam magnum et bonum ; descende ergo et ipsum
affer ». Je sais que tu te souviens très bien de ton latin,
même s'il n'est plus tant pratiqué, mais il se pourrait que
certains de nos auditeurs lecteurs ne le maîtrisent pas avec la même
maestria ; ainsi ne te vexe pas si je traduis cette petite
phrase :
« Voici,
ami, du fromage si grand et bon ; descend donc et prends-le ».
Depuis ce temps, l'affaire (qui, à mon sens, venait de bien avant
encore) fut reprise et adaptée mille fois ou plus encore. Je pense
que voici la canzone suffisamment introduite et je trouve le texte
suffisamment explicite et puis, j'aurais quelque embarras à déflorer
la poésie de Rocco Scotellaro.
Oh,
Marco Valdo M.I. mon ami, tu as raison. Il ne faut pas mâcher trop
les belles histoires, car elles finissent par en perdre tout leur
sel.
Lucien
l'âne mon ami, tu as parfaitement compris. Raconter ce que dit la
canzone ne sert à rien, puisque la chanson est là pour le dire.
Quant à l'expliquer, la manœuvre est délicate : sans compter
que cela peut laisser supposer qu'on détient la vérité de la
chanson, cela reviendrait en quelque sorte à exposer à l'amoureux
putatif (ici , l'auditeur lecteur) dans un langage plat et détaillé
les charmes intimes de la belle (ici, la chanson), dans une
description que je qualifierais pudiquement de gynécologique. Comme
disait Léo Ferré : « La
poésie fout le camp Villon ! »
Lors
donc, laissons la poésie dévoiler elle-même ses charmes et de
notre côté, reprenons note tâche, avançons à notre pas et
tissons le linceul de ce vieux monde empli de lunes dans des puits,
d'étoiles dans des lacs, de galaxies dans les océans et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
Ils
ne savent que se pavaner
Devant les vitrines lumineuses,
Aux comptoirs des bars,
Dans les trams à la rapide course,
Sous la publicité,
Patronne des places.
Devant les vitrines lumineuses,
Aux comptoirs des bars,
Dans les trams à la rapide course,
Sous la publicité,
Patronne des places.
Souvent,
car le temps se tue,
Ils chantent une chanson quelconque,
Où ils se nomment égarés, où ils se disent
Amoureux des bas-fonds
Et se repayent de compréhension.
Ils chantent une chanson quelconque,
Où ils se nomment égarés, où ils se disent
Amoureux des bas-fonds
Et se repayent de compréhension.
Une
chanson pour couver un fol amour
Des filles bonbons
Qui sont un peu les étoiles toujours vivantes,
Qui sont l'espérance
D'une vie surprise dans un sourire.
Des filles bonbons
Qui sont un peu les étoiles toujours vivantes,
Qui sont l'espérance
D'une vie surprise dans un sourire.
Et
comment, mais combien,
Ils voudraient la lune dans le puits,
Une route sûre
Qui ne se brise pas à tous les carrefours.
Ils voudraient la lune dans le puits,
Une route sûre
Qui ne se brise pas à tous les carrefours.
Quand
ils accomplissent un geste, leur seul geste,
Ils sont là avec les moissonneurs,
Endormis aux monuments,
Qui attendent la main du patron
Sur leur épaule.
Ils sont là avec les moissonneurs,
Endormis aux monuments,
Qui attendent la main du patron
Sur leur épaule.
Ils
sont avec les porteurs du port,
Contents de leur visage sale
Et leurs bras pendent
Dès que la charge est posée.
Contents de leur visage sale
Et leurs bras pendent
Dès que la charge est posée.
Ils
se terrent parfois dans des salons
À faire des orgies de fumée et d'existentialisme
Ces jeunes, malades comme toi du rien :
À faire des orgies de fumée et d'existentialisme
Ces jeunes, malades comme toi du rien :
Esprits
prêts pour tous les appels,
Anges maudits,
Conscrits et vagabonds,
Compagnons des chiens errants.
Anges maudits,
Conscrits et vagabonds,
Compagnons des chiens errants.
Alors,
quand la terre échauffée
Met sur notre dos le tourment du feu
Dans les longs après-midis d'été,
Il est temps de nous inquiéter
De dire oui à l'Homme que nous serons
Et qui nous attend
Au coin de la rue
Avec la faux et le livre à la main !
Met sur notre dos le tourment du feu
Dans les longs après-midis d'été,
Il est temps de nous inquiéter
De dire oui à l'Homme que nous serons
Et qui nous attend
Au coin de la rue
Avec la faux et le livre à la main !
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