L'Invitation au Voyage
Chanson
française – L'Invitation
au Voyage – Léo Ferré – 1957
In
Les Fleurs du Mal – Charles Baudelaire – 1857
Les canaux, la ville entière, D’hyacinthe et d’or ; Le monde s’endort Dans une chaude lumière. |
Voici
donc, Lucien l'âne mon ami, comme je te l'avais promis
L'Invitation au Voyage, tirée des Fleurs du Mal de
Charles Baudelaire – un de ces livres libres autant que
sulfureux, promis à l'enfer et poursuivi par la justice des
bien-pensants, tout comme son auteur.
Dès
lors, rien que pour ça, elle a tout lieu de figurer parmi les
Chansons contre la Guerre...
Certainement,
mais de façon pleine et entière, il s'agit à mes yeux d'une de ces
chansons qui sont résolument contre la guerre, au point même
d'ignorer la guerre, de la traiter par le mépris. En fait, elle se
présente comme une chanson au-delà de la guerre, qui comme L'Âge
d'Or de Léo Ferré (encore lui) raconte un monde où
la guerre a été éradiquée, un monde rigoureusement sans guerre…
Et dans le cas de l'Invitation au Voyage, ce n'est même pas une
utopie. Elle vit dans un de ces trous du temps, un trou du temps tout
comme il y a des trous dans l'espace, dont Lorenzo, sans doute,
pourrait nous dire bien des choses. Elle se situe ni dans un
non-lieu, ni dans un non-temps. C'est l'antonyme de la mort et de la
société de cette Guerre de Cent Mille Ans qui ravage tant les vies
humaines et détruit l'humaine nation. Suis bien mon raisonnement :
premier pas : on ne vit qu'une fois ; deuxième pas, on est
là dans un monde malade de la richesse, des richesses et des envies
de richesse ; pourtant, vivre peut suffire au bonheur – la vie
se suffit à elle-même, point n'est besoin d'artificieuses
possessions… Bien au contraire, elles encombrent, elles polluent,
elles finissent par étouffer ceux qui les accumulent.
Ô,
Marco Valdo M.I. mon ami, je préfère de beaucoup ce « Songe à
la douceur »…
Pour
en revenir à la chanson, comme
je le disais récemment, elle
a ceci de très paradoxal d'être une chanson contre la guerre. Je le
disais, souviens-t-en, en commentant la version française de la
chanson de Tucholsky « Ruhe
und Ordnung » .
Elle
fonctionne un
peu à la manière dont Jarry soulignait qu'on trouvait les panneaux
routiers annonçant une descente… toujours
dans
la montée. Ainsi
en va-t-il de sorte que les
chansons les plus résolument contre la guerre sont des chansons de
paix. Ainsi en va-t-il du Temps
des Cerises ,
ainsi en va-t-il de cette Invitation au Voyage. Chaque fois
que je m'y replonge, pour
moi,
le monde guerrier est proprement annihilé, perdu dans les vagues du
temps.
Il
ne reste plus, dit Lucien l'âne d'une voix pleine de rire, joyeuse,
ricochant sur les rayons de soleil, qu'à
créer ici, le grand reposoir, l'immense chapitre des chansons de
paix. Quant à nous, reprenons notre tâche pacifique et tissons le
linceul de ce vieux monde malheureux, pénible, ennuyeux et
cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Mon
enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour
mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
—
Les
soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
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