LE MORT
Version française – LE MORT – Marco Valdo M.I. – 2015
Poème
de Rocco Scotellaro né d'un chant
populaire
de Lucanie,
intitulé « Une chanson de
mammaranna », la berceuse d'une
grand-mère, qui a perdu ses fils
à la
guerre et qui
maintenant élève
son petit-fils
orphelin en chantant le refrain distique « “Non vole fa cchiò
notte e iume / s’é ‘nchiummate lu pane ’nta lu fome”» (« Il
ne peut jamais faire nuit, jamais
faire jour, / Le
pain s'est
fait
plomb, au four »).
Texte
trouvé dans « L'univers
paysan et l'imaginaire
poétique de Rocco Scotellaro », de Giovanni Battista Bronzini,
Éditions Dedale, 1987.
Le
poème
fut également publiée
dans
la revue internationale de littératures des « “Botteghe
Oscure”» (huitième cahier, II semestre 1951), fondée par
la noble dame
Marguerite Caetani et éditée
de 1948 à 1960.
Poème
de Rocco Scotellaro né d'un chant
populaire
de Lucanie,
intitulé « Une chanson de
mammaranna », la berceuse d'une
grand-mère, qui a perdu ses fils
à la
guerre et qui
maintenant élève
son petit-fils
orphelin en chantant le refrain distique « “Non vole fa cchiò
notte e iume / s’é ‘nchiummate lu pane ’nta lu fome”» (« Il
ne peut jamais faire nuit, jamais
faire jour, / Le
pain s'est
fait
plomb, au four »).
Texte trouvé dans « L'univers paysan et l'imaginaire poétique de Rocco Scotellaro », de Giovanni Battista Bronzini, Éditions Dedale, 1987.
Le poème fut également publiée dans la revue internationale de littératures des « “Botteghe Oscure”» (huitième cahier, II semestre 1951), fondée par la noble dame Marguerite Caetani et éditée de 1948 à 1960.
Texte trouvé dans « L'univers paysan et l'imaginaire poétique de Rocco Scotellaro », de Giovanni Battista Bronzini, Éditions Dedale, 1987.
Le poème fut également publiée dans la revue internationale de littératures des « “Botteghe Oscure”» (huitième cahier, II semestre 1951), fondée par la noble dame Marguerite Caetani et éditée de 1948 à 1960.
Cigale chante ta longue chanson, Le tison s'est éteint dans la maison. |
Quelques
mots à propos de Rocco Scotellaro et d'Accettura.
Il
y a déjà quelques temps que je n'ai parlé de Rocco Scotellaro, ce
poète lucanien, jeune maire socialiste de Tricarico (1946-1950), ami
de Carlo Levi et il me souvient que je t'avais conté cette anecdote
où lors de son premier voyage à Rome, et sans doute son premier
voyage tout court, il séjourna chez Carlo Levi. La stupéfaction de
Linuccia Saba, elle-même fille du poète Ernesto Saba et amie intime
de Carlo Levi, fut grande de se rendre compte que Rocco portait des
souliers sans chaussettes. L'explication est simple : il n'en
avait pas, car paysan de la Lucanie, il n'avait jamais eu les moyens
de s'en payer. Linuccia Saba disait que Rocco avait un sens de
l'amitié qu'il pratiquait jusque dans les gestes les plus
ordinaires. Ainsi, lors du même séjour, au restaurant – encore un
endroit où Rocco n'avait jamais mis les pieds, il arracha la
bouteille des mains du serveur en s'exclamant : « Le vin,
c'est un ami qui le sert ! ».
Tu
sais, Marco Valdo M.I. mon ami, cette anecdote, je l'adore, mais je
la connaissais déjà, car tu me l'as déjà racontée maintes fois.
Je
sais, je sais, tu as l'impression, Lucien l'âne, mon ami que je
radote, mais il n'en est rien, car je ne parle pas que pour toi. Et
puis, souviens-toi, je n'écris pas nos petits dialogues pour nous
deux. Nous avons un public, nous sommes en représentation permanente
afin de présenter des chansons et nous en avons présentées des
centaines et des centaines et dès lors, on peut parfaitement augurer
que tel de nos auditeurs, lecteurs, que sais-je… découvrira nos
petits bavardages dans cinq ou cinquante chansons d'ici ou qu'il
arrive aujourd'hui… Et puis, qui aurait l'idée saugrenue de lire
tout ce qu'on dit ? À chaque nouvelle chanson, à chaque
nouvelle version, pour l'essentiel, on repart à zéro. L'impression
de répétition ne vient que pour celui qui s'attarderait à quelque
similitude, quand bien même, elle prouverait seulement un trait de
famille. Mais tu m'avais interrompu, je reviens à la chanson et
ensuite, à la photographie qui l'illustre dans Les Chansons contre
la Guerre. L'une comme l'autre démontrent combien Rocco Scotellaro
et Carlo Levi sont proches, car tous les deux puisent à la même
source du monde paysan transhistorique, plus ancien que la plus haute
Antiquité. Lors d'un de ses voyages en Sardaigne, Carlo Levi note
lui aussi un chant de mort, de la mort d'un fils psalmodié par la
mère, un attitu et c'est presque la même structure… « Tout
le miel est fini » chez Levi, « Le tison s'est éteint »
chez Scotellaro… Il en fait le titre de son livre.
Mais
Marco Valdo M.I. mon ami, je n'avais absolument pas l’intention de
dire que tu radotes, car à ce compte-là, je radote aussi. Je
voulais juste te porter à dire ce que tu as dit, à expliquer ce que
tu as expliqué. Et même, je vais te surprendre, mais j'aimerais
beaucoup que tu me redises cette fin du voyage de Levi, à commencer
par l'attitu complet.
Et
bien voilà, je te le lis intégralement – ce n'est pas long,
cependant et si la chose te plaît, je te ferai connaître tout le
livre de Levi en français dans la version que j'avais établie au
temps où je traduisais toute son œuvre. C'est la fin du livre, la
fin du voyage, on est dans un bar en attendant l'heure d'embarquer.
« Me
trottait en tête le rythme d’un chant funèbre entendu à Orune où
le fils mort est le miel de la maison, que la mère a perdu. Je
l’avais transcrit avec d’autres sur mon carnet, mais déjà je ne
le comprenais plus tout à fait dans sa langue sarde. Je me mis à le
déchiffrer avec l’aide de mes amis. Il y avait le miel précieux,
propre et net, il y avait le renard de la mort qui apparaissait à la
fin. Nous discutions des mots, de la graphie, du sens. C’était un
long attittu, qui commençait à peu près comme ceci :
Biditela
sa mere
ande
cheres de mele
si’nde
cheres de latte
como
tinne dat attere.
Su
mele puzoninu
chi
como t’es finidu
su
mele de sa chera
chi
bundabat che bena.
como
pius non d’asa
totu
inidu che l’asa
qu’en
italien, nous traduisions en vitesse et pas de façon littérale de
cette manière :
Tu
vois la patronne
et
tu veux ton miel
mais
ce n'est que du lait
qu'elle
te donne maintenant.
Le
miel des oiseaux
Est
bien fini maintenant
elle
s’écoulait de la cire
ta
veine de miel.
à
présent tu ne l’as plus
maintenant
tout est fini.
Nous
nous saluâmes au pied de l’escalier du bateau, de vrais amis qui
s’embrassaient en se quittant. Le bateau « La Ville de
Nuoro » s’était mis en mouvement sans que je ne m’en
aperçoive dans l’eau noire du port. Au dehors, passé les îles,
la mer était épouvantable de vagues et de vent ; et moi, qui
n'en ai jamais souffert, je craignais cette fois de devoir en pâtir.
Mais La Ville de Nuoro allait tout droit au travers des vagues et
j’étais bercé dans ma cabine au rythme de l’attitu :
Le
miel des oiseaux
Est
bien fini maintenant
à
présent tu ne l’as plus
maintenant
tout est fini.
jusqu’à
ce que je sombre dans un profond sommeil et je ne m’éveillai qu’à
l’aube, dans le port de Civitavecchia avec la blancheur des maisons
à la première lueur de l’aube. »
Et
tu m'avais dit, Marco Valdo M.I. mon ami, que tu devais aussi me
parler de la photographie…
Oui,
oui. En premier, j'aimerais que l'on pose la question de la présence
de Cartier-Bresson
en
Lucanie dans les années 50
du siècle dernier. Il faut chercher la réponse du côté du livre
de Carlo Levi, « Cristo si è fermato a Eboli » et des
tableaux du peintre Carlo Levi. Pour en revenir à cet enterrement en
montagne, à cette colonne zigzagante de paysannes et de paysans
escortant un cercueil à Accettura (Matera) en 1951, je voudrais lier
le texte de Rocco Scotellaro à celui que j'avais écrit sous forme
de chanson, ici même, sous le titre « Les
brindilles d'Accettura »[[10756]], directement – disons –
inspiré de Carlo Levi. Ainsi, la boucle se referme.
Tout
cela est bel et bon, mais il nous faut reprendre notre tâche et
tisser le linceul de ce vieux monde mortifère, empli d'assassins
idiots, d'égorgeurs imbéciles, de tueurs d'État et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane .
Il
ne peut jamais faire nuit, jamais faire jour,
Le pain s'est fait plomb, au four
Cigale chante ta longue chanson,
Le tison s'est éteint dans la maison.
S'élèvent les cris barrière barrière :
Justice noire, Justice noire.
Le pain s'est fait plomb, au four
Cigale chante ta longue chanson,
Le tison s'est éteint dans la maison.
S'élèvent les cris barrière barrière :
Justice noire, Justice noire.
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