mardi 27 mai 2014

LA FARINE DU DIABLE

LA FARINE DU DIABLE

Version française – LA FARINE DU DIABLE – Marco Valdo M.I. – 2014
d'après la version italienne d'une
Chanson frioulane – La farina dal Diàul – Braùl – 2005
http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=it&id=47410#agg224124



Et quand le monde connaîtra enfin ton destin,
De Genève pour te porter en Paradis viendront les saints :
Pour l'éternité, vin, pommes et eau douce
Avec tes yeux d'alors, tu traverseras les montagnes.







C'est l'histoire malheureusement réellement arrivée à Domenico Scandella, dit « Menocchio » (en frioulan, langue du Frioul-Vénétie-Julienne « Menòcjo »), meunier de Montereale Valcellina, dans la province de Pordenone, qui vécut au XVI° siècle. Il soutenait des thèses extraordinaires tant sur l'origine de l'Univers que sur la présence et le rôle de Dieu et de l'Église sur la Terre. Thèses cosmogoniques qui remontent aux anciens Védas indiens dont sans doute il n'avait pas connaissance.

Reconnu hérétique, il fut « naturellement » poursuivi en justice une première fois et incarcéré par la « Sainte » Inquisition et ensuite, à nouveau « accusé » et, jugé relaps, finalement condamné au bûcher pour sorcellerie.

L'enième exemple à ne pas oublier, d'abus, de cruauté et d'assassinat du pouvoir humain, perpétré au nom de….Dieu !




Oh, Lucien l'âne mon ami, voici un homme selon notre cœur... Tu sais bien un homme dont le destin rejoint des centaines d'années plus tard celui de Pierre Valdo et des compagnons de la Fraternité des Pauvres de Lyon. Un homme qu'on fit passer pour un sorcier et comme tu sais, nous quand l'Inquisition, l'Église ou toute institution du genre mènent la chasse aux sorcières, nous sommes toujours du côté des sorcières et bien évidemment, dans la chasse aux sorciers, toujours du côté des sorciers.


Pour que la chose soit claire, dans la chasse à l'homme, nous sommes toujours, moi y compris, du côté de l'homme..., dit l'âne Lucien en raidissant le long ruban de poils qui marquent son épine dorsale... Mais il en est toujours ainsi dans la Guerre de Cent Mille Ans... Dès qu'un homme relève la tête (ou un âne d'ailleurs), on le poursuit, on le bat, on le terrorise et s'il ne plie pas encore ou s'il plie mais ne rompt pas, alors, c'est tout simple, on le massacre.

Ah, Lucien l'âne mon ami, ton commentaire rejoint totalement celui de notre ami aux mille surnoms – je lui en suggère d'ailleurs un nouveau, qui les engloberait tous...


Et lequel suggères-tu, Marco Valdo M.I. mon ami ? Quel surnom à toutes épreuves proposes-tu à notre ami ?



Je lui propose tout simplement : « Alias... ». Avec les trois petits points à l'horizontale... cela dit, voici son commentaire :
« Imagine que j'écrivais (sous le premier de mes nombreux surnoms), il y a cinq ans, dans un des commentaires à « Pòvri avans 'd la guèra infausta: » :[« Le fromage et les vers »] (sur l'histoire de ce meunier du Frioul-Vénétie-Julienne de 1500 exécuté pour hérésie car il était assez cultivé et libre pour s'être créé sa cosmogonie, antithétique à celle des classes dominantes), ce sont les microhistoires qui m'intéressent, des histoires de sans voix et de sans visage, de ce qu'ils ont vécu avec peine, qui ont connu le pire, le monde des vaincus, qui furent vaincus très souvent car jusqu'au dernier instant, ils voulurent conserver leur dignité d'êtres humains, même dans les circonstances plus difficiles, même dans les guerres voulues par les puissants dans lesquelles vaincus, ils furent de la chair à canon… »

Pardonnez l'autocitation : il était seulement pour dire combien ce livre ait été important pour moi.

Salut.
Bernart Bartleby » - Fin de citation.


Voilà donc notre ami Bernart Bartleby, rebaptisé Alias... En fait, il peut ajouter ce petit appendice à tous ses alias, à tous ses surnoms... Nous le retrouverons toujours bien. Pour le reste, je le rappelle, il nous faut tisser le linceul de ce monde inquisitorial, tortionnaire, ecclésiastique, catholifère et cacochyme.


Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane




Tu te seras demandé où regardaient les yeux de Dieu
Lorsque ta vie a fini entre leurs mains.
Conte-moi Menocchio tes espoirs et ton coeur :
Fumée, feu, étincelles de la « Sainte » Inquisition !
Astrologue et philosophe, poète ou Benandante (1),
Avec un livre que tu avais, tu faisais des choses étonnantes.
Quand la lune était pleine, quand les étoiles s'alignaient sur les planètes
Le diable n'arrivait plus à arrêter tes pensées.



Des racontars, des histoires sans vérité,
Mais quand part l'éclair, rien ni personne ne peut l'arrêter.
« Je dirais tant de choses qui étonneraient les gens :
Un monde sans différences de couleur, de langue ou de religion. »
« Tous les anges et même le seigneur sont nés d'un brouillon
Comme les vers sortant du fromage puant. »



Et quand le monde connaîtra enfin ton destin,
De Genève pour te porter en Paradis viendront les saints :
Pour l'éternité, vin, pommes et eau douce
Avec tes yeux d'alors, tu traverseras les montagnes.


Mais à Carnaval (5) naît et meurt le monde à l'envers
L'Enfer (7) existe encore, si on éveille l'Orcolàt (6)
Religions, larmes, doctrines, sang, tortures, calvaires :
Crois maintenant Menocchio ou portes-tu aussi ta Croix ?



NOTES:


  1. les benandantes (à la lettre signifiant « bons marcheurs ») étaient les pratiquants d'un culte paysan pagano-chamanique basé sur la fertilité de la terre, répandu dans le Frioul vers les XVI - XVII siècles.

  1.   la ville de Genève, étant protestante, était considérée comme la capitale des libertés d'expression religieuse. Manocchio pensait que ceux qui l'auraient porté en Paradis, seraient luthériens.
  2. Concepts tirés du Coran.
  3. « Les yeux de l'esprit » des défunts.
  4. À Carnaval tout était permis, même le renversement des rôles établis. On se souvient du célèbre Carnaval de 1511, durant lequel des masses de paysans du Frioul-Vénétie-Julienne, en proie à l'exaspération pour leur condition sociale, massacrèrent énormément de représentants de l'aristocratie et détruisirent par le feu leurs châteaux
  5. En frioulan, signifie « Tremblement de terre »
  6. Entendu ici comme recours à la terreur afin d'obtenir l'obéissance absolue et l'asservissement au pouvoir religieux de la part du peuple.

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