LE
CHARMEUR DE RATS
J’ai pris mon sac, ma flûte et ma lyre et je me suis présenté au Conseil.
On m’eut à peine vu qu’on refermait la porte
Et j’entendis les messieurs dire qu’un homme d’une drôle de sorte,
Dépenaillé, puant, en haillons bariolés, avec un anneau dans l’oreille.
Cet homme dit aux messieurs qu’il venait de loin et même au-delà,
Et qu’il offrait son aide, car il est charmeur de rats.
J’attendis longtemps, puis au travers de la porte fermée, j’entendis une voix :
« Détruis les rats et tu obtiendras les thalers promis pour cela ! »
Et je partis dans la nuit et sur un seul ton de la flûte, j’ai joué –
Si haut que seuls les rats l’entendaient, et aucun ne put s’échapper,
Jusqu’à ce que toute la vermine couinante me suive dans la Weser
Et au matin, dans le courant dérivaient cent mille cadavres vers la mer.
Quand les citoyens d’Hamelin ont vu les rats dans la Weser,
Ils ont dansé dans les rues, aucun n’a même pensé à moi.
Et moi, j’allai à nouveau devant l’hôtel de ville et j’exigeai mon salaire.
Cette fois encore, j’ai trouvé porte de bois.
En se moquant, ils disaient que seul le diable pouvait avoir guidé mon bras,
Ce pourquoi il était juste que je touche de lui mes cent thalers.
J’ai attendu heure après heure ; jusqu’au soir, je suis resté,
Les édiles assis à l’intérieur ne se sont pas montrés.
Avec la nuit, des types armés, une douzaine ou plus, sont arrivés ;
Ils me frappèrent de leurs piques et hors de la ville, me poussèrent à coups de pieds,
Lançant leurs chiens sur moi et ces bêtes féroces ne m’ont pas épargné,
M’ont mordu et sur mon visage ensanglanté, ont pissé.
J’avais couvert mon visage déchiqueté d’un masque bariolé
Et garni ma blouse de plumes de coq, afin qu’on n’en voie pas les trous.
J’ai joué et chanté, aussitôt les enfants vinrent à moi de partout
Pour entendre ce qu’avec colère, je chantais et que je ne pourrai jamais oublier
Et les enfants ont décidé de m’aider et de ne plus rester
Où règne l’injustice, mais de toujours s’y opposer.
Cela arrive encore aujourd’hui, là où la tranquillité vaut plus que le droit,
Car là où les puissants veulent leur tranquillité, l’autorité ne va pas droit.
Ainsi, il fut décidé l’expulsion d’une génération entière.
Dans la nuit du même jour, l’action infâme a commencé ;
Sous la garde de leurs propres parents, menottés et ligotés,
On a emmené les enfants de Hamelin hors de la ville de leurs pères.
Le calme était revenu entre les murs d’Hamelin, comme autrefois ;
La fourberie fleurit, les conseillers ont rédigé à la hâte une lettre
Jointe à la chronique de la ville, avec le sceau des édiles,
Qui raconte que les enfants furent tués par le charmeur de rats.
Cependant, les enfants d’Hamelin dispersés par le monde,
Ont à leur tour engendré des enfants et ils leur content cette histoire.
Aujourd’hui encore, des hommes soutiennent les droits des plus faibles ;
Ces hommes sont les héritiers des enfants d’Hamelin.
Cependant, le mensonge écrase encore la vérité en ce monde
Et tant que la force et la peur tiendront le pouvoir entre leurs mains,
Je ne pourrai pas mourir, ni fuir, ni me reposer, ni rien de tel.
Car les hommes prennent toujours l’injustice pour un phénomène naturel.
Version
française – LE CHARMEUR DE RATS – Marco Valdo M.I. – 2016
(nouvelle version)
Paroles
et musique de
Hannes Wader
Jusqu’à
ce que toute la vermine couinante me suive dans la Weser
|
Le
joueur de flûte de Hamelin, chanté par Hannes Wader, libère la
ville des rats en échange de la simple promesse d’être rétribué.
Cependant, quand, le travail fait, il se présente pour encaisser son
dû, les autorités de la ville non seulement refusent de
l payer et le raillent,
mais ils le font massacrer et dévorer par des chiens, ignorant que
le joueur de flûte – figure semblable au « Juif
errant » – est une créature surnaturelle, un immortel.
Celui-ci
en effet revient bientôt en ville, le dimanche, quand tous les
adultes, faux et hypocrites, sont à la messe et seuls les enfants
sont restés à la maison. Le joueur de flûte les rassemble au son
de sa flûte et leur chante son malheur, si bien que les gamins
décident de l’aider à obtenir justice contre leurs pères. La
réaction ne se fait pas attendre :
les parents, mis au pilori, n’hésitent pas à frapper leurs
propres enfants et, en réponse à leur détermination et à leur
résistance, ils en arrivent à les emprisonner, à les faire
disparaître, en les chassant de la ville, cherchant ensuite à faire
endosser la faute au joueur de flûte.
Mais les enfants de Hamelin ne sont pas morts ; au contraire, ils se sont répandus dans le monde entier et continuent à lutter contre la terreur, les mensonges et la violence infligés par le Pouvoir.
Mais les enfants de Hamelin ne sont pas morts ; au contraire, ils se sont répandus dans le monde entier et continuent à lutter contre la terreur, les mensonges et la violence infligés par le Pouvoir.
Dialogue
maïeutique
Connais-tu
toi aussi, Lucien l’âne mon ami, cette histoire des enfants
d’Hamelin, qui fut contée par les frères Grimm, reprise sous
diverses formes par bien d’autres et par exemple, dans la chanson
française, par Hugues Aufray, auteur et interprète d’un « Joueur
de Pipeau », auquel nous reviendrons un de ces quatre.
Et
comment donc que je la connais cette légende, Marco Valdo M.I. mon
ami. Et depuis très longtemps, crois-moi et même bien avant qu’elle
soit écrite par Goethe, les frères Grimm, Mérimée et sans doute,
d’autres encore. Car cette histoire courait d’oreille en oreille,
elle allait sur les routes et traversait le monde. À tel point que
je l’avais entendue dans ma jeunesse quand j’étais encore en
Grèce chez les Atrides. En ce temps-là, les rats étaient des
sortes de guêpes, de grosses mouches qui mordaient, piquaient et
poursuivaient sans relâche les habitants d’Argos, depuis
l’assassinat d’Agamemnon. Elles ne me gênaient pas trop, car
comme tu le sais, les ânes ont la peau dure, un poil dru et une
queue solide et agile, qui frappe sans erreur les bestioles
importunes. Et j’ai de mes yeux vu les Érinyes quitter la ville à
la suite d’Oreste, le rédempteur.
Hou
la, tu vises haut, Lucien l’âne mon ami, et tu ferais ainsi
remonter cette histoire de charmeur de rats aux Érinyes, qui si j’ai
bonne mémoire étaient en effet elles aussi de sales bêtes…
Certes,
mais par la volonté d’Athéna, elles se muèrent sur le tard en
Euménides, écoute bien ça, chargées de faire régner la justice…
Mais le mythe du rédempteur va resurgir sous diverses formes et pour
ce qui nous intéresse ici, sous la forme du Charmeur de rats
d’Hamelin, dont il me paraît que la chanson raconte parfaitement
l’histoire. Quant à cette mutation des Érinyes en Euménides,
gardiennes de la justice, on en retrouve la marque dans la légende
allemande d’Hamelin dans le passage de rats en enfants, qui
entourent le « rédempteur » afin que justice se fasse et
puis, qui s’en allèrent en exil, installant ce souci partout dans
le monde au travers de la diaspora qui s’ensuivit. Je laisse à ta
sagacité le soin d’établir le lien de cette légende avec la
Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres afin de
perpétuer leur exploitation, d’étendre leur emprise, d’assurer
leur pouvoir et d’imposer leur domination. Quant au reste, il nous
faut reprendre notre tâche et tisser le linceul de ce vieux monde
endormi, vasouillard, mielleux, sournois, violent et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Presque
tout le monde sait ce qui s’est passé à Hamelin, il y a mille et
une années,
Comment des rats ont mangé tout ce qui n’était
pas en fer ou en bois.
Après un long voyage, j’étais arrivé comme musicien en ville, ce matin-là
Et au marché, j’ai entendu les hérauts crier,
Celui qui libèrera – avec l’aide de dieu ou tout seul – la ville des rats,
À la municipalité, cent thalers d’or sont prêts pour celui-là.
Après un long voyage, j’étais arrivé comme musicien en ville, ce matin-là
Et au marché, j’ai entendu les hérauts crier,
Celui qui libèrera – avec l’aide de dieu ou tout seul – la ville des rats,
À la municipalité, cent thalers d’or sont prêts pour celui-là.
J’ai pris mon sac, ma flûte et ma lyre et je me suis présenté au Conseil.
On m’eut à peine vu qu’on refermait la porte
Et j’entendis les messieurs dire qu’un homme d’une drôle de sorte,
Dépenaillé, puant, en haillons bariolés, avec un anneau dans l’oreille.
Cet homme dit aux messieurs qu’il venait de loin et même au-delà,
Et qu’il offrait son aide, car il est charmeur de rats.
J’attendis longtemps, puis au travers de la porte fermée, j’entendis une voix :
« Détruis les rats et tu obtiendras les thalers promis pour cela ! »
Et je partis dans la nuit et sur un seul ton de la flûte, j’ai joué –
Si haut que seuls les rats l’entendaient, et aucun ne put s’échapper,
Jusqu’à ce que toute la vermine couinante me suive dans la Weser
Et au matin, dans le courant dérivaient cent mille cadavres vers la mer.
Quand les citoyens d’Hamelin ont vu les rats dans la Weser,
Ils ont dansé dans les rues, aucun n’a même pensé à moi.
Et moi, j’allai à nouveau devant l’hôtel de ville et j’exigeai mon salaire.
Cette fois encore, j’ai trouvé porte de bois.
En se moquant, ils disaient que seul le diable pouvait avoir guidé mon bras,
Ce pourquoi il était juste que je touche de lui mes cent thalers.
J’ai attendu heure après heure ; jusqu’au soir, je suis resté,
Les édiles assis à l’intérieur ne se sont pas montrés.
Avec la nuit, des types armés, une douzaine ou plus, sont arrivés ;
Ils me frappèrent de leurs piques et hors de la ville, me poussèrent à coups de pieds,
Lançant leurs chiens sur moi et ces bêtes féroces ne m’ont pas épargné,
M’ont mordu et sur mon visage ensanglanté, ont pissé.
Au
clair de lune, j’ai rapetassé mes chiffons, lavé mes blessures
dans le courant
Et j’ai pleuré ma faiblesse et ma rage, jusqu’à ce que la nuit me ferme les yeux.
Puis, je suis retourné en ville et j’ai mis en œuvre mon plan.
C’était dimanche, les citadins se rendaient à l’office religieux ;
Ainsi, les enfants restaient seuls en attendant
Et j’espérais qu’ils se montreraient plus justes que leurs parents.
Et j’ai pleuré ma faiblesse et ma rage, jusqu’à ce que la nuit me ferme les yeux.
Puis, je suis retourné en ville et j’ai mis en œuvre mon plan.
C’était dimanche, les citadins se rendaient à l’office religieux ;
Ainsi, les enfants restaient seuls en attendant
Et j’espérais qu’ils se montreraient plus justes que leurs parents.
J’avais couvert mon visage déchiqueté d’un masque bariolé
Et garni ma blouse de plumes de coq, afin qu’on n’en voie pas les trous.
J’ai joué et chanté, aussitôt les enfants vinrent à moi de partout
Pour entendre ce qu’avec colère, je chantais et que je ne pourrai jamais oublier
Et les enfants ont décidé de m’aider et de ne plus rester
Où règne l’injustice, mais de toujours s’y opposer.
Et
les enfants d’Hamelin ont tenu parole et par justice,
Mis au clair la méchanceté et les mensonges de leurs parents
Et ont ainsi, chez leurs aïeuls, suscité une honte
Et, car il avait honte, un père a frappé son enfant.
À chaque coup, le courage des enfants grandissait
Et les citoyens impuissants au Conseil se plaignaient.
Mis au clair la méchanceté et les mensonges de leurs parents
Et ont ainsi, chez leurs aïeuls, suscité une honte
Et, car il avait honte, un père a frappé son enfant.
À chaque coup, le courage des enfants grandissait
Et les citoyens impuissants au Conseil se plaignaient.
Cela arrive encore aujourd’hui, là où la tranquillité vaut plus que le droit,
Car là où les puissants veulent leur tranquillité, l’autorité ne va pas droit.
Ainsi, il fut décidé l’expulsion d’une génération entière.
Dans la nuit du même jour, l’action infâme a commencé ;
Sous la garde de leurs propres parents, menottés et ligotés,
On a emmené les enfants de Hamelin hors de la ville de leurs pères.
Le calme était revenu entre les murs d’Hamelin, comme autrefois ;
La fourberie fleurit, les conseillers ont rédigé à la hâte une lettre
Jointe à la chronique de la ville, avec le sceau des édiles,
Qui raconte que les enfants furent tués par le charmeur de rats.
Cependant, les enfants d’Hamelin dispersés par le monde,
Ont à leur tour engendré des enfants et ils leur content cette histoire.
Aujourd’hui encore, des hommes soutiennent les droits des plus faibles ;
Ces hommes sont les héritiers des enfants d’Hamelin.
Cependant, le mensonge écrase encore la vérité en ce monde
Et tant que la force et la peur tiendront le pouvoir entre leurs mains,
Je ne pourrai pas mourir, ni fuir, ni me reposer, ni rien de tel.
Car les hommes prennent toujours l’injustice pour un phénomène naturel.
Musicien
et charmeur de rats, j’irai toujours plus loin,
Condamner
la méchanceté et l’injustice.
Demain
encore, j’élèverai les enfants contre elles.
Musicien
et charmeur de rats, j’irai toujours plus loin,
Condamner
la méchanceté et l’injustice.
Demain
encore, j’élèverai les enfants contre elles.
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