REQUIEM
POUR UN ENNEMI INCONNU
Version
française – REQUIEM POUR UN ENNEMI INCONNU – Marco Valdo M.I. –
2014
Chanson
italienne – Requiem per un nemico ignoto – Gesualdo
Bufalino – 1944
Musique
et interprétation de Marco
Rovelli (2014)
Poème de Gesualdo Bufalino
De "Annali del Malanno"
in "L'amaro Miele", Einaudi, Collezione di poesia 176, 1982.
Poème de Gesualdo Bufalino
De "Annali del Malanno"
in "L'amaro Miele", Einaudi, Collezione di poesia 176, 1982.
Qu'espérais-tu, héros,
De nous à qui tu portas la tempête
Et la haine, à la tête
D'une abjecte troupe de héros ?
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Au
sens habituel, ce n'est pas une chanson, et ce ne l'a jamais été.
C'est une poésie, et une des plus terriblement belles, de Gesualdo
Bufalino. Jusqu'à ce qu'il parvienne à ses soixante et un ans, on
n'avait rien su de ce réservé, discret et très cultivé professeur
de Comiso en Sicile; sur l'insistance de quelques amis, parmi
lesquels Leonardo Sciascia, il publia "Diceria dell'untor"
et se retrouva catapulté d'un jour à l'autre parmi les écrivains
italiens majeurs du XX siècle. « Le discours s'adresse à un
officier allemand, moribond après une attaque partisane, amené en
urgence dans ma chambre d'hôpital » ; ainsi s'explique brièvement
Bufalino dans son petit volume de poésies de toute une vie. Le poème
fut écrit à l'hôpital de Scandiano, en province de Reggio Emilia,
en février 1944. Il y a quelques jours, à la maison de ma mère où
il gisait depuis vingt ans, j'ai repris son « Amaro miele » (Miel
amer) et je l'ai ramené chez moi. Bufalino n'était pas un
écrivain-né, ni un poète au langage simple ; il écrivait d'une
manière rare, recherchée mais en même temps, pleine d'humanité
populaire. On le baptisa « sicilien atypique », mais ne sachant ce
qu'est un sicilien « typique », je m'abstiendrai de quelque autre
commentaire à ce sujet. Je sais seulement que sa poésie plonge dans
les recoins de l'être humain souffrant, et face à la mort dans un
climat de haine qu'on ne peut refuser et d'une violence qui s'insinue
jusque dans les fissures des existences ; et (poésie) qu'on ne
trouvait nulle part dans ce « grand réseau » qui n'a pas encore
réussi à être aussi grand que les pages des livres. D'une d'elles,
je tire ce poème, le livrant à la connaissance. Non, je ne pouvais
pas faire moins. [RV]
Gesualdo
Bufalino n'aimait pas les diableries modernes ; déjà lorsqu'il dut
abandonner les disques 78 tours, il avait souhaité aller en enfer.
Comment donc aurait-il réagi en apprenant que son poème, grâce à
l'introduction dans une diablerie authentique comme un site internet,
aurait été choisi, mis en musique et chanté. Pourtant c'est
vraiment ce qui s'est passé : il a suffi de quelques mois à compter
du 15 avril 2014 pour que Marco Rovelli l'y trouva, le prenne et il
lui donne une musique. Il l'a présenté pour la première fois le 4
août passé à Fosdinovo, au festival « Fino al Cuore de la Rivolta
», en rendant du haut de la scène, un hommage à cette diablerie de
site. Nous vous la présentons ici, en sortant avec grand plaisir le
poème de Bufalino, qui est devenu une chanson, des « Extras » où
on l'avait confiné. Il nous plaît de penser que notre diablerie
aide, dans un cas comme celui-ci, la poésie à trouver musique et
instruments ; et nous concédons que Gesualdo Bufalino a émis un
grognement, mais accompagné d'un sourire.
Riccardo
Venturi - 13/8/2014 - 13:11
Deux
mots pour notre ami Venturi, qui se plaint de trous de mémoire...
On pourrait
lui appliquer ce début de la chanson
«
De trous noirs tout meurtri,
Leutnant
Riccardo Venturi...
Dans
cette chambre de géhenne »...
Trêve
de jeux de mots, moi qui suis là depuis la plus haute antiquité et
qui devrait être la mémoire des mémoires, des trous dans la
mémoire, j'en ai aussi et pas un peu. Pour tout dire, les mots
m'échappent et quand j'arrive à en rattraper un, il s'en éclipse
mille autres. C'est le privilège de mon grand âge. Il n'y a rien là
que de très normal... Les mots s'en viennent, les mots s'en vont.
Pour montrer ce qui finalement en découle, voici une version
française de ce Requiem.
Ainsi
Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
De
trous noirs tout criblé,
Leutnant
Adolf Henne Henne
Dans
cette chambre de géhenne,
Je
te cède la place volontiers .
À
mon « Morior ergo sum »
Déclamé
contre le mur
Tu
viens ajouter le murmure
Monotone
de ton « Warum ? »
Viens,
viens ici sur ton lit en fer ;
Entre
mon lit de camp et la porte,
Il
y a aussi ta mort,
Mon
pauvre malheureux frère.
Mais
d'abord, faisons au moins connaissance,
Échangeons
un ja contre un sí,
Leutnant
Rudolf Onneséqui
D'Onneséou
du côté de Coblence.
Ouvre
les yeux, vois : scintille
Sur
les vitres et se tord une anguille
De
lumière sèche se colorant
Au
sang de ton pansement.
Le
soleil à la fin juin
Est
cruel ; il culmine,
Se
hérissant de poils et d'épines,
Il
se fait dur comme le poing.
C'est
un temps sublime et lâche,
Vous
l'avez fait ainsi.
Le
talion ne fait pas relâche:
Couteau
contre fusil.
Te
souviens-tu ? Hier encore,
Tu
plantais de tes mains rouges
Dix
croix sur dix tombes…
Ne
me demande pas miséricorde.
Qu'espérais-tu,
héros,
De
nous à qui tu portas la tempête
Et
la haine, à la tête
D'une
abjecte troupe de héros ?
Parfaite
machine maléfique
Étrangère,
tu nous fus antipathique
Du
bord de ta casquette
À
la pointe de tes bottes !
Et
pour ton dernier dîner
Bonne
ou mauvaise guerre
Il
te faudra la manger, la terre
Où
fleurit l'oranger.
Les
Gretchen, les Liselotte,
Dans
ta maison là-bas au Nord,
Sous
la lampe, tricotent
Ignorant
ta mort.
Tout
seul : à qui parler ?
À
elles ou au furet rassasié
Qui
sous le drap te déchire
Paresseusement
les viscères ?
Et
ce gargouillis qui peut-être
Dans
ta langue dure
Me
dit une chose et se perd,
Est-ce
remords, cri ou prière ?
Tu
presses avec les ongles ton abdomen,
Dans
un effort, tu te retournes ; par en dessous
Tu
me regardes ; tu sais déjà que je t'ai absous,
Leutnant
Hermann Sansnom. Amen.
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