CALAMANDREI
Version française – CALAMANDREI – Marco Valdo M.I. – 2013
Chanson italienne – Calamandrei – Francesco de Francisco
Elle
en inspira des jeunes filles, des jeunes gens, des jeunes femmes, des
jeunes hommes à présent d'un bel âge – s'ils vivent encore – cette
harangue de Piero Calamandrei, ce discours qu'il fit aux étudiants de
Milan en 1955, un an avant sa mort. Et même si c'était un cri en écho
aux chants de la Résistance, c'était pourtant déjà l'époque de la
« désistance ». [[39124]] La « désistance », si tu te demandes ce que
c'est, c'est le détricotage de tout ce que, au péril de leurs vies, les
partisans avaient réussi à construire de conscience humaine, de dignité
et de décence, de confiance dans l'avenir, de solidarité entre les gens,
de promesse de liberté et de bien-être.
Tu
as raison, Lucien l'âne mon ami, le discours de Piero Calamandrei
tendait à mettre en garde et à dénoncer l'engloutissement de l’Italie
dans les compromis et les compromissions, à faire apparaître sa lente
descente dans l'indignité, à montrer son apathie devant le retour des
fascistes, à accuser son oubli et à éclairer l'occultation volontaire
des fondements de sa Constitution... Toutes choses qui dès 1945 avaient
commencé à croître à l'ombre des gouvernements, du Vatican et des
Alliés. Et cette mérule qui parasitait l'Italie s'est perpétuée... On en
a vu les ravages... Elle a englouti bien des espérances, lesquelles
comme le printemps – et c'est heureux –, ont une furieuse tendance à
resurgir de sous la neige et la boue. Il n'avait pas fallu attendre dix
ans pour voir à l’œuvre les forces qui avaient enfoncé l'Italie au plus
profond de l'indignité. Dès 1945, la désistance s'organisait déjà, les
noirs corbeaux avaient repris leur place sous une autre parure, sous une
autre étiquette. Le podestat était devenu le sindaco... Son emblème
n'était plus le fascio, il avait adopté l'écu. Depuis, comme l'on sait,
ils sont revenus à l'air libre... triomphants et on les sent en
coulisses tout prêts à se relancer encore.
Cependant,
comme l'ont montré tes Histoires d'Allemagne, il n'y a pas qu'en Italie
qu'ils ont repris place … Ce qui se passe en Italie ne peut être
indifférent au reste de l'Europe... Souviens-toi, il fut un temps où on a
cru pouvoir s'en laver les mains et laisser faire en Italie
(Mussolini), en Espagne (Franco), au Portugal (Salazar), en Allemagne
(Adolf H.), en Grèce (Metaxas), en Hongrie (Horty) ... On connaît la
suite du programme... Plusieurs dizaines de millions de morts...
En fait, la guerre n'est pas finie et les vainqueurs, finalement, ne sont pas ceux que l'on a cru;
certes, on ne la mène plus avec des avions et des chars et, pour
l'instant, on ne voit plus arriver les fiers uniformes; à présent, on se
contente des costumes trois-pièces, d'attachés-cases, de voitures
blindées, de mesures financières, d'obscures réglementations, de
décisions budgétaires, de prêts et de taux d'intérêts... Le plus lourd
impose son poids, on réactive le rêve d'Otto avec d'autres méthodes : on
met les autres dans les dettes en leur prêtant l'argent aux seules fins
de pouvoir vendre ses machines, ses appareils, ses voitures et puis, on
leur impose d'imposer pour rembourser (les bons comptes font les bons
exploiteurs!) à leurs populations un régime de rigueur financière qui
réduit les salaires, les allocations et les pensions, met les vieux à la
disette, jette les fonctionnaires et autres agents publics à la rue,
affame les campagnes, liquide les entreprises, crée de toutes pièces la
faillite nationale des autres États... Ensuite, on les accuse. Bref, on
répand la misère chez les autres pendant que d'une main, on récolte ce
qui reste d'épargne (que fait d'autre la Deutsche Bank?), leurs derniers
argents et que de l'autre, on pointe le doigt pour imputer aux gens
pauvres les gabegies des riches. Ainsi, on oblige les pauvres d'un pays à
rembourser par leur misère les dettes et les caprices des riches de ce
même pays (quel pauvre aurait donc eu les moyens d'acheter une grosse
berline ?). Par ailleurs, je te rappelle que cette guerre se mène au
niveau européen et même, au niveau international et mondial.
Pour
en revenir, Marco Valdo M.I. mon ami, à Calamandrei et à cette canzone
qui porte son nom, je crois bien me souvenir que par deux fois au moins,
tu es intervenu dans le site des Chansons contre la Guerre pour relayer
la voix du poète lapidaire et de l'écrivain toscan. La première fois,
c'était un peu par le biais d'un commentaire d'une autre chanson que tu
forças le passage à cette épigramme que Piero Calamandrei adressa comme
une pierre au Kamarade Kesselring : Lo avrai Kamerata Kesselring !, que
tu avais intitulée ODE À KESSELRING [[39124]]. La seconde fois, tu
écrivis à partir d'un texte de l'ancien recteur de l'Université de
Florence – car Piero Calamandrei fut honoré de cette fonction à la
libération de la ville : libération des nazis, mais aussi des milices
fascistes – tu écrivis cette canzone sur L'Insurrection de Florence
[[8936]]. Il me souvient que Calamandrei est celui qui nous a donné
cette admirable sentence : Ora e sempre : Resistenza ! (Maintenant et
toujours : Résistance!), même s'il savait qu'il s'agirait là de la
devise quotidienne de bien peu de gens. Et rien que cette sentence nous
donne le courage encore et toujours, imperturbables, tranquilles,
obstinés, volontaires, discrets, de tisser tels les Canuts [[7841]] le
linceul de ce vieux monde indigne, ravageur, trompeur, dominateur,
usurier et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane
Si tu veux aller en pèlerinage
Là où est née notre Constitution
Tu devras avoir beaucoup de courage
Pour arriver à destination
Monter en haut des montagnes
Où tombèrent les partisans
Et voir les prisons
Où ils furent emprisonnés
Et les champs, les rues, les places
Où ils furent pendus
Là où est mort un Italien
Pour délivrer la liberté
Un camarade une camarade
Vrais professeurs de dignité
C'est là que tu devras aller
Toi, jeune, espère
Avec ton cœur et ta raison
Là où est née notre Constitution.
Et alors allons en pèlerinage
Où rageaient la tourmente et le vent
Où celui qui tomba écrivit
Avec son amour un testament
Mots écrits qui sont vivants
Vivant dans tes mains
Pour ouvrir grand les prisons
Où nous sommes emprisonnés
Et nettoyer les rues et les places
Libérées par les Partisans.
Là où est mort un Résistant
Pour conquérir la liberté
Un camarade une camarade
Nous apprenons la dignité.
C'est là qu'il nous faut aller
Défenseurs de l’espérance
Avec notre cœur et notre la raison
Là où est née notre Constitution
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