mercredi 26 mars 2014

El loup et el Lemmeke

El loup et el Lemmeke

Chanson marollienne - El loup et el Lemmeke - Coco Lulu - 1898
Texte de Victor Lefèvre  (1822-1904)









Victor Lefèvre (1822-1904) fut un fonctionnaire modèle du service de l’Instruction publique de la ville de Bruxelles. Membre de la loge maçonnique bruxelloise « Les Amis Philanthropes », il composa quelques œuvres sous son nom mais c’est comme « barde de la rue Haute » et comme auteur marollien qu’il se fit connaître sous le pseudonyme de Coco Lulu.


Ah, Lucien l'âne mon ami, figure-toi... Oui, figure-toi ceci...


Au fait, que dois-je me figurer ?, demande Lucien l'âne un peu ahuri par un tel préambule. Figure-toi donc que j'allais tranquillement mon chemin, quand un loup survînt... Non ce n'est pas ça, mais presque. Je traduisais une chanson italienne où il est question de Lupi – en français , de loups et j'y reviendrai prochainement, mais chemin faisant, il m'arriva une aventure que je m'en vais te conter.
Je regardais la page de cette chanson que je me préparais à traduire quand je me suis aperçu qu'il y avait un parcours des Loups contre la Guerre. Curieux comme un âne, je suis allé voir de quoi il s'agissait et j'ai découvert que ce parcours recensait 19 chansons. Je me suis dit : Tiens, y suis-je ? Ou plus exactement, y trouve-t-on les chansons que j'ai écrites et qui parlent de loups ? Tu les connais sans doute …


Évidemment... J'en ai au moins deux en mémoire... Le Petit Chaperon Rouge et le Loup de Rome [[8929]] et Les Loups dans la Ville [[22263]]... Ceci dit, ce sont de bonnes chansons. Et elles n'y sont pas ? J'en tombe de mon siège, dit Lucien l'âne bien campé sur ses quatre pattes.


Non en effet, ; tout comme ne s'y trouve pas Je ne hurlerai pas avec les loups [[36570]]
de Gilles Servat. Mais, c'est sûrement un ajustement à faire et il sera fait prochainement. Je te disais ça, car regardant les 19 chansons recensées, j'ai vu « Lupus in fabula » (Il lupo e l'agnello) de Daniele Sepe et la kyrielle de fables et de chansons qui l'accompagnent, dont 2 en italien, 2 en grec, 1 en latin et 1 en français.


Moi, dit Lucien l'âne en riant, je me souviens très bien de cette histoire en grec... C'était, il y a bien longtemps. Elle m'avait été racontée par un certain Ésope ou en grec, Αἴσωπος que je véhiculais là-bas en Phrygie – sans craindre les loups, ce sont eux plutôt qui craignent mes sabots et mes dents... J'imagine donc bien de quoi tu aprles... mais, je t'en prie continue, sinon on n'y arrivera pas.


Très bien, excellent, me suis-je dit. Et puis, et puis, une petite lampe s'est allumée au fond de ma mémoire et m'est revenue une version de la même histoire (appelons-la comme ça) en une langue que j'appellerais le « bruxellois »... dont le titre – toujours de mémoire – devait bien être « Le Loup et le Lemmeke », directement inspirée du sieur La Fontaine – proximité oblige.


Et qu'as-tu fait alors ?, demande l'âne Lucien tout ébahi encore.


Eh bien, j'ai cherché à al retrouver et j'y suis arrivé et à ma grande stupéfaction, j'en ai trouvé deux différentes... Une en « bruxellois », disons presque contemporain, disons, tel qu'on le parle encore et une bien antérieure en « marollien », une langue populaire étonnante comme tu vas pouvoir t'en rendre compte.


En marollien, dis-tu ? Mais qu'est-ce que c'est que cette langue-là ?, dit l'âne polyglotte et intéressé.


Le marollien ? Était (car je crois bien que cette langue a quelque peu disparu) à partir de la moitié du XIXième siècle la langue des habitants du quartier populaire des Marolles à Bruxelles. Quartier où aboutissaient les ouvriers venus construire la capitale du nouveau royaume – né en 1830, au moment donc où Bruxelles a connu une croissance rapide. Je ne sais si le « marollien » a encore cette étonnante figure de langue, écoute bien, de langue carrément « wallonne », mâtinée d'expressions flamandes. En clair, ce « brusseleir » était une langue d'oïl. C'est cette surprenante version du Loup et l'Agneau que je te fais voir... Car pour l'entendre, ce sera difficile... Son interprète est mort depuis un siècle et on n'en possède pas d'enregistrement et c'est bien dommage.


Car on connaît son interprète ? dit Lucien l'âne de plus en plus ahuri. Et qui ce serait bien ?


Bon, d'abord, je te préviens... Il a un nom à coucher dehors avec un billet de logement, comme disait ma grand-mère. Un nom drôle... C'était son nom d'artiste, son nom de chansonnier... Il s'appelait Coco Lulu. Et on en connaît même l'auteur de cette chanson d'El Loup et el Lemmeke... Il s'appelle Victor Lefèvre, qui de son vivant était employé d'administration... Je crois bien me souvenir qu'une rue porte son nom à Schaerbeek, grande commune de Bruxelles, où j'imagine il habita. Il est mort en même temps que le chansonnier, étant la même personne physique.


On connaît ça... dit l'âne Lucien en souriant aux anges. Mais sais-tu que cette histoire me paraît avoir certaine actualité – par exemple du côté de l'Ukraine. Enfin, loup ou pas loup, tissons le linceul de ce vieux monde où les plus forts entendent toujours avoir raison, où les riches et les puissants entendent toujours tirer profit des plus faibles... Monde infâme et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.



El loup et el Lemmeke

A Hanske Taverne.

Quans' qu'on fait des rus', c'est toujours el capon
Qu'est l' plus fort, qu'a raison.
..............................................
Un petit Lemmeke un jour
Buvait de l'eau dans un' rivière...
Un loup qu'avait très soif, vient, et dit en colère :

« Ploch' ve den doch' ! c'est à m'tour
» De boire, et tu viens sur ma place.
» Halte là !
» Petit' crapul' que t'es là !
- Beh ! mossieu le loup, je passe
» Plus bas que toi ! je salis pas votre eau.!
- Stinker ! qu'en wallon on appelle agneau,
» Sur moi t'as dit tout' sort' de choses
» Deux ans passés - Prends gard' si t'oses
» Encor' me crétiquer !.. - Tu dis deux ans passés ?
» Alours j'étais cor pas sul'terre.
» Je têt' cor ma mère!..
- C'était pas toi ? - Och ! non ! - Alours c'était vot' frère ?
- Beh ! j'en ai pas ! - smoel toe ! c'est assez !
» C'était alours des gens' de vot' famile...
» Le chien, le briger...
» Y m'laissont jamais tranquille,
« Et j'vas m'revenger...
Avec el Lemmeke y file
Dans les bois, et va l'manger...
..................................................
Tu vois bien que c'est l'capon
Qu'est le plus fort, qu'a toujours raison.

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