El
loup et el Lemmeke
Chanson
marollienne - El loup et el Lemmeke - Coco Lulu - 1898
Texte
de Victor Lefèvre (1822-1904)
Victor Lefèvre (1822-1904) fut un fonctionnaire modèle du service de l’Instruction publique de la ville de Bruxelles. Membre de la loge maçonnique bruxelloise « Les Amis Philanthropes », il composa quelques œuvres sous son nom mais c’est comme « barde de la rue Haute » et comme auteur marollien qu’il se fit connaître sous le pseudonyme de Coco Lulu.
Ah,
Lucien l'âne mon ami, figure-toi... Oui, figure-toi ceci...
Au
fait, que dois-je me figurer ?, demande Lucien l'âne un peu
ahuri par un tel préambule. Figure-toi donc que j'allais
tranquillement mon chemin, quand un loup survînt... Non ce n'est pas
ça, mais presque. Je traduisais une chanson italienne où il est
question de Lupi – en français , de loups et j'y reviendrai
prochainement, mais chemin faisant, il m'arriva une aventure que je
m'en vais te conter.
Je
regardais la page de cette chanson que je me préparais à traduire
quand je me suis aperçu qu'il y avait un parcours des Loups contre
la Guerre. Curieux comme un âne, je suis allé voir de quoi il
s'agissait et j'ai découvert que ce parcours recensait 19 chansons.
Je me suis dit : Tiens, y suis-je ? Ou plus exactement, y
trouve-t-on les chansons que j'ai écrites et qui parlent de loups ?
Tu les connais sans doute …
Évidemment...
J'en ai au moins deux en mémoire... Le Petit Chaperon Rouge et le
Loup de Rome [[8929]] et Les Loups dans la Ville [[22263]]... Ceci
dit, ce sont de bonnes chansons. Et elles n'y sont pas ? J'en
tombe de mon siège, dit Lucien l'âne bien campé sur ses quatre
pattes.
Non
en effet, ; tout comme ne s'y trouve pas Je ne hurlerai pas avec
les loups [[36570]]
de
Gilles
Servat. Mais, c'est sûrement un ajustement à faire et il sera
fait prochainement. Je te disais ça, car regardant les 19 chansons
recensées, j'ai vu « Lupus in fabula » (Il lupo e
l'agnello) de Daniele Sepe et la kyrielle de fables et de chansons
qui l'accompagnent, dont 2 en italien, 2 en grec, 1 en latin et 1 en
français.
Moi,
dit Lucien l'âne en riant, je me souviens très bien de cette
histoire en grec... C'était, il y a bien longtemps. Elle m'avait été
racontée par un certain Ésope ou en grec, Αἴσωπος
que je véhiculais là-bas en Phrygie – sans craindre les
loups, ce sont eux plutôt qui craignent mes sabots et mes dents...
J'imagine donc bien de quoi tu aprles... mais, je t'en prie continue,
sinon on n'y arrivera pas.
Très
bien, excellent, me suis-je dit. Et puis, et puis, une petite lampe
s'est allumée au fond de ma mémoire et m'est revenue une version de
la même histoire (appelons-la comme ça) en une langue que
j'appellerais le « bruxellois »... dont le titre –
toujours de mémoire – devait bien être « Le Loup et le
Lemmeke », directement inspirée du sieur La Fontaine –
proximité oblige.
Et
qu'as-tu fait alors ?, demande l'âne Lucien tout ébahi encore.
Eh
bien, j'ai cherché à al retrouver et j'y suis arrivé et à ma
grande stupéfaction, j'en ai trouvé deux différentes... Une en
« bruxellois », disons presque contemporain, disons, tel
qu'on le parle encore et une bien antérieure en « marollien »,
une langue populaire étonnante comme tu vas pouvoir t'en rendre
compte.
En
marollien, dis-tu ? Mais qu'est-ce que c'est que cette
langue-là ?, dit l'âne polyglotte et intéressé.
Le
marollien ? Était (car je crois bien que cette langue a
quelque peu disparu) à partir de la moitié du XIXième siècle la
langue des habitants du quartier populaire des Marolles à Bruxelles.
Quartier où aboutissaient les ouvriers venus construire la capitale
du nouveau royaume – né en 1830, au moment donc où Bruxelles a
connu une croissance rapide. Je ne sais si le « marollien »
a encore cette étonnante figure de langue, écoute bien, de langue
carrément « wallonne », mâtinée d'expressions
flamandes. En clair, ce « brusseleir » était une langue
d'oïl. C'est cette surprenante version du Loup et l'Agneau que je te
fais voir... Car pour l'entendre, ce sera difficile... Son interprète
est mort depuis un siècle et on n'en possède pas d'enregistrement
et c'est bien dommage.
Car
on connaît son interprète ? dit Lucien l'âne de plus en plus
ahuri. Et qui ce serait bien ?
Bon,
d'abord, je te préviens... Il a un nom à coucher dehors avec un
billet de logement, comme disait ma grand-mère. Un nom drôle...
C'était son nom d'artiste, son nom de chansonnier... Il s'appelait
Coco Lulu. Et on en connaît même l'auteur de cette chanson d'El
Loup et el Lemmeke... Il s'appelle Victor Lefèvre, qui de son vivant
était employé d'administration... Je crois bien me souvenir qu'une
rue porte son nom à Schaerbeek, grande commune de Bruxelles, où
j'imagine il habita. Il est mort en même temps que le chansonnier,
étant la même personne physique.
On
connaît ça... dit l'âne Lucien en souriant aux anges. Mais sais-tu
que cette histoire me paraît avoir certaine actualité – par
exemple du côté de l'Ukraine. Enfin, loup ou pas loup, tissons le
linceul de ce vieux monde où les plus forts entendent toujours avoir
raison, où les riches et les puissants entendent toujours tirer
profit des plus faibles... Monde infâme et cacochyme.
Heureusement !
Ainsi
parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.
El
loup et el Lemmeke
A Hanske
Taverne.
Quans'
qu'on fait des rus', c'est toujours el capon
Qu'est l' plus fort, qu'a raison.
..............................................
Un petit Lemmeke un jour
Buvait de l'eau dans un' rivière...
Un loup qu'avait très soif, vient, et dit en colère :
« Ploch' ve den doch' ! c'est à m'tour
» De boire, et tu viens sur ma place.
» Halte là !
» Petit' crapul' que t'es là !
- Beh ! mossieu le loup, je passe
» Plus bas que toi ! je salis pas votre eau.!
- Stinker ! qu'en wallon on appelle agneau,
» Sur moi t'as dit tout' sort' de choses
» Deux ans passés - Prends gard' si t'oses
» Encor' me crétiquer !.. - Tu dis deux ans passés ?
» Alours j'étais cor pas sul'terre.
» Je têt' cor ma mère!..
- C'était pas toi ? - Och ! non ! - Alours c'était vot' frère ?
- Beh ! j'en ai pas ! - smoel toe ! c'est assez !
» C'était alours des gens' de vot' famile...
» Le chien, le briger...
» Y m'laissont jamais tranquille,
« Et j'vas m'revenger...
Avec el Lemmeke y file
Dans les bois, et va l'manger...
..................................................
Tu vois bien que c'est l'capon
Qu'est le plus fort, qu'a toujours raison.
Qu'est l' plus fort, qu'a raison.
..............................................
Un petit Lemmeke un jour
Buvait de l'eau dans un' rivière...
Un loup qu'avait très soif, vient, et dit en colère :
« Ploch' ve den doch' ! c'est à m'tour
» De boire, et tu viens sur ma place.
» Halte là !
» Petit' crapul' que t'es là !
- Beh ! mossieu le loup, je passe
» Plus bas que toi ! je salis pas votre eau.!
- Stinker ! qu'en wallon on appelle agneau,
» Sur moi t'as dit tout' sort' de choses
» Deux ans passés - Prends gard' si t'oses
» Encor' me crétiquer !.. - Tu dis deux ans passés ?
» Alours j'étais cor pas sul'terre.
» Je têt' cor ma mère!..
- C'était pas toi ? - Och ! non ! - Alours c'était vot' frère ?
- Beh ! j'en ai pas ! - smoel toe ! c'est assez !
» C'était alours des gens' de vot' famile...
» Le chien, le briger...
» Y m'laissont jamais tranquille,
« Et j'vas m'revenger...
Avec el Lemmeke y file
Dans les bois, et va l'manger...
..................................................
Tu vois bien que c'est l'capon
Qu'est le plus fort, qu'a toujours raison.
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