ESTADIO CHILE
d'après la version italienne de Riccardo Venturi
d'une chanson chilienne – Estadio Chile – Víctor Jara – 1973
Texte de Víctor Jara – 23 septembre 1973Le 11 septembre 1973, Víctor Jara fut arrêté par des militaires fascistes de Pinochet. La plupart des prisonniers politiques furent enfermés dans le grand Estadio Nacional ; d'autres dans un petit complexe sportif (pas de football : on y jouait des parties de basket-ball, de volley et de mini-foot et, à l'époque, servait même pour les réunions de boxe ; il s'agit donc d'un centre) dit « Estadio Chile ». Situé dans la partie occidentale de Santiago, il avait été inauguré en 1949.
Víctor
Jara y séjourna et il y fut assassiné. La date de sa mort est
incertaine : pour certains, elle remonte au 16 septembre, mais il ne
s'agit probablement pas de la date exacte. Avec des moyens de fortune,
il continua à composer des chansons et des poésies ; celle-ci est sa
dernière. On lui cassa d'abord les mains au milieu des cris de sarcasme
de ces militaires de merde (« Va-z-y, chante-nous une petite chanson
maintenant ! »), puis, ils les lui ont coupées. Il fut tué ensuite . Sa
femme Joan Turner, qui était venue pour reprendre le cadavre, retrouva
dans sa poche un feuillet avec cette chanson, portant la date du 23
septembre 1973 ; c'est probablement la date de sa mort.
L'
« Estadio Chile » s'appelle, depuis septembre 2003, trentième
anniversaire du putsch fasciste et de l'assassinat de milliers de
prisonniers politiques, Estadio Víctor Jara.
C'était une chanson sans musique, que Pete Seeger a ensuite composée et chantée en Anglais. Le défi ultime d'un homme courageux et intelligent à ses stupides tortionnaires. [RV]
Nous sommes cinq mille ici
Dans cette petite partie la ville.
Nous sommes cinq mille.
Combien sommes-nous au total
Dans les villes et dans tout le pays ?
Rien qu'ici,
Dix mille mains qui sèment
Et font marcher les usines.
Tant d'humanité
En proie à la faim, au froid, à la panique, à la douleur,
À la pression morale, à la terreur et à la folie.
Six des nôtres se sont perdus
Dans les étoiles.
Un mort, un battu comme jamais on n'aurait cru
Qu'on puisse frapper un être humain.
Les quatre autres ont voulu s'ôter
Toutes leurs peurs,
Un en sautant dans le vide,
Un autre en se frappant la tête contre une mur,
Mais tous affrontant la mort en face.
Quelle épouvante suscite la face du fascisme !
Ils mènent au bout leurs plans avec une précision méticuleuse
Sans se retourner.
Les gouttes de sang pour eux sont des médailles.
Le massacre est un acte d'héroïsme.
Est-ce là le monde que tu as créé, Dieu ?
Pour cela, tes sept jours de prodige et de travail ?
Entre ces quatre murs, il y a seulement un nombre
Qui n’augmente pas.
Qui lentement rejoindra encore la mort .
Mais soudain ma conscience me secoue
Et je vois cette marée sans ressac
Et je vois la pulsion des machines
Et les militaires qui montrent leur visage de matrone
Si plein de douceur.
Et le Mexique, Cuba et le monde ?
Qu'ils hurlent cette ignominie !
Nous sommes dix mille mains
De moins qui ne produisent plus.
Combien sommes-nous dans toute la patrie ?
Le sang du camarade Président
Frappe bien plus fort que leurs bombes et leurs mitrailles.
Ainsi, notre poing frappera à nouveau.
Chant, tu sais le mal que j'ai
Quand je dois chanter la peur.
Une peur comme celle que je vis
Comme celle dont je meurs, une peur
De me voir parmi tant et tant
De moments d'infini
Où le silence et le cri
Sont les moyens de ce chant.
Ce que je vois je ne l'ai jamais vu.
Ce que j'ai senti et ce que je sens
Feront éclore le moment…
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